'est un sujet dans l'air du temps. Les frasques du climat questionnent nos modes de vie et de production. La filière vin n'échappe pas à cette remise en cause. Mais pour réduire son « empreinte carbone », encore faut-il la connaître et la comprendre. C'était donc le thème des rencontres organisées le 12 avril à Belleville (Rhône) par l'IFV-Sicarex, la chambre d'agriculture du Rhône et l'Interbeaujolais.
Sait-on au moins ce qui pèse le plus lourd dans l'empreinte carbone de la filière vin française ? « De très loin, le conditionnement : 40 à 50 % de l'empreinte totale de la filière, en raison de l'impact énorme de la fabrication du verre », répond Hugo Luzi, de la Sicarex. Suivent, dans l'ordre, la viticulture (15 à 20 %), le transport (10 à 20 %) et la vinification (8 à 15 %). Mises bout à bout, toutes ces étapes aboutissent à une empreinte carbone moyenne de la filière vin française estimée actuellement à 1,19 kg d'équivalent CO2. Un chiffre, comme tous ceux présentés lors de cette journée, calculé en utilisant la base de données Agribalyse gérée par l'Ademe.
Un chiffre abstrait, mais les leviers pour le diminuer -car tel est le but ultime- sont très concrets. « La priorité est de réduire les émissions. Le stockage de carbone viendra en complément, mais il a ses limites car il est réversible : il peut y avoir du déstockage de carbone lorsqu'on change de pratiques », insiste Emilie Adoir, de la Sicarex. Le conditionnement offre le plus de marges de manœuvre, sachant que c'est la fabrication et la fin de vie des bouteilles qui pèse le plus (suivi de la fabrication du carton). Parmi les alternatives au verre, le BIB a l'empreinte carbone la plus faible. Vient ensuite la bouteille PET, elle-même mieux placée que la canette alu qui est elle-même très largement mieux placée que la bouteille en verre. « Et en restant sur du verre, on peut jouer sur la masse et sur la couleur – ce dernier critère étant lié au taux d'incorporation de verre recyclé », ajoute Emilie Adoir. L'étape ultime serait le réemploi, mais tous les débouchés ne s'y prêtent pas encore (export, restaurateurs...).
A la vigne, le premier poste d'émissions de CO2 est la fertilisation, suivie de la consommation de carburant puis e la fabrication du matériel viticole. « Le principal levier consiste à optimiser la fertilisation par rapport à l'objectif de rendement, : 10 unités d'azote en moins font économiser 24 g CO2eq/l, indique Emilie Adoir. On peut aussi substituer de l'engrais minéral par de l'engrais organique qui va stocker du carbone. »
Tout ce qui limitera la consommation de carburant est aussi bon à prendre : écoconduite et réglage des outils, choix de la puissance du tracteur et des outils, débits de chantier (densité de plantation, organisation du travail..), réduction du nombre de passages (raisonnement, couplage d'outils..), substitution du carburant par une autre énergie (électrique, animale...)
Autre piste : remplacer les piquets en acier par des piquets en bois peut économiser jusqu'à 20 g de CO2eq/l de vin. Et plus le rendement sera élevé, plus l'empreinte du litre de vin sera diminuée... à condition que la course au rendement n'entraîne pas de pratiques néfastes. Certaines pratiques jouent doublement. « Quand on enherbe les interrangs, on diminue les émissions – car on économise du désherbage mécanique- et on stocke du carbone, souligne Hugo Luzi. Même s'il y a un peu d'émissions de protoxydes d'azote liées à l'enherbement, le bilan est largement favorable ! » L'implantation de haies est aussi redoutablement efficace pour stocker du carbone. « Mais attention : si on arrache la haie, tout repart dans l'atmosphère ! », alerte Hugo Luzi.
Sur l 'étape de vinification, c'est la fabrication et la fin de vie du matériel qui ont le plus lourd impact. Les leviers consistent donc à faire vieillir le matériel, à le partager ou à chercher des économies d'échelle. Le choix de la source d'énergie et l'isolation thermique permettent aussi d'alléger l'empreinte carbone.
« En pratique, pour une entreprise voulant calculer son empreinte carbone, il faudra réunir toutes ses données d'activités (productions et consommations) pour les multiplie par des facteurs d'émission, reprend Hugo Luzi. De la précision des données dépendra la précision des résultats. On peut utiliser des bases de données publiques et gratuites comme la base Empreinte (Base Empreinte® (ademe.fr) ou AgriBalyse (Agribalyse - Portail ADEME). » Pour faire de cette démarche un argument marketing, il faudra veiller à rester dans les clous. Les allégations sont en effet strictement encadrées, notamment par la norme Iso 14067 et le décret 2022-538 de la loi climat et résilience. L'affichage d'une empreinte carbone nette doit bien distinguer le volet émissions du volet stockage. Et la revendication d'une neutralité carbone suppose un chiffrage des émissions nettes accompagné d'une stratégie de réduction des émissions et de modalités de compensation. L'Ademe suggère d'indiquer plutôt « engagé pour la neutralité carbone collective » ou « met en œuvre une démarche de neutralité carbone », afin de ne pas déresponsabiliser le consommateur en laissant croire que le produit n'engendre pas d'émissions.