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Pour Renaud Muselier, irriguer la vigne "est socialement acceptable et politiquement soutenable"
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Région Sud
Pour Renaud Muselier, irriguer la vigne "est socialement acceptable et politiquement soutenable"

Grand entretien sur les enjeux viticoles de la Provence et du Rhône avec le président de la région Sud, Renaud Muselier, qui rappelle ne veiller que sur des départements viticoles (Alpes de Haute-Provence, Alpes Maritimes, Bouches-du-Rhône Hautes-Alpes, Var et Vaucluse).
Par Alexandre Abellan Le 19 mars 2024
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Pour Renaud Muselier, irriguer la vigne
« Ça c’est le Sud, sans cesse innover pour évoluer et répondre aux changements et aux défis ! » lance Renaud Muselier. - crédit photo : Guillaume Horcajuelo
Q

uelle est votre vision du vignoble français : un patrimoine à conserver, une activité économique à développer, une diversification touristique… ?

Renaud Muselier : Le vignoble français est tout cela à la fois. C’est un produit emblématique, culturel et traditionnel. Nos vins français sont parmi les plus reconnus au monde grâce à notre savoir-faire et à la qualité de nos produits. Deuxième producteur mondial de vin, la France est un pays où la filière viticole est particulièrement importante, en particulier en région Sud qui est la première région productrice mondiale de vin rosé et la troisième région viticole de France avec une superficie viticole de plus de 85 000 hectares.

Vin et tourisme sont liés dans notre région, leur promotion est indispensable pour rayonner en France comme à l’international. La vigne fait partie de notre identité locale, outil de valorisation du patrimoine et des savoir-faire du territoire. Elle s’est affirmée au fil des siècles comme l’un de ses plus précieux trésors. Un trésor mis en lumière grâce à la maîtrise et à la passion des vignerons qui font vivre sa culture au quotidien.

Nos paysages viticoles, l’œnotourisme et la renommée associée à nos appellations sont une fierté pour tout notre territoire !

 

Après des dispositifs gel 2021 des soutiens à l’œnotourisme, la région prévoit-elle un plan d’aides pour soutenir ses vignobles en difficulté, de Rhône et de Provence ?

Parmi les dispositifs évoqués, certains relevaient de l’exceptionnel : c’est le cas du dispositif gel 2021 avec le déblocage d’une enveloppe exceptionnelle de 500 000 € pour les agriculteurs qui n’étaient pas concernés par les aides de l’Etat ou les dispositifs d’assurance. Car, c’est cela l’essence même de la région, parcourir le dernier kilomètre dans l’intérêt de tous.

La région soutient la Chambre Régionale d’Agriculture pour l’œnotourisme avec une subvention annuelle. Elle s’élève cette année à hauteur de 35 500 €. Elle permet notamment de développer la Route des Vins du Sud qui rassemble près de 450 entreprises viticoles : les caves, les domaines et les châteaux.

Le développement du tourisme viticole est l’un des atouts de notre région. Il s’organise autour d’une offre variée : dégustations, visite de caves et de chais, balades dans les vignes, chambres d’hôtes ou gites. Avec un même objectif : partager cette passion commune en respectant le vigneron et sa terre ! C’est dans cette optique que nous accompagnons nos vignobles et nos tours operators afin que cet œnotourisme devienne vecteur d’écotourisme.

La région reste évidemment vigilante et à l’écoute sur l’évolution économique et les aléas climatiques que peuvent subir nos viticulteurs. Notre priorité est de pouvoir les aider au mieux à faire face à toute situation pour qu’ils puissent exercer dans les meilleures conditions possibles, sur nos terres bénies des Dieux !

 

Alors que la déconsommation nationale et la baisse du pouvoir d’achat pèsent sur les ventes de vin rouge et le moral de sa filière, quel avenir voyez-vous pour les vins du Rhône ? Le blanchiment de l’offre ? L’arrachage ?

Il y a un changement profond des modes de consommation. Il faut pouvoir l’entendre, le comprendre et s’adapter. Il faut donc poursuivre la mutation de la filière. C’est le rôle de la région d’accompagner celle-ci à travers les liens que nous avons avec nos partenaires ou à travers la recherche et le développement.

Notre politique est basée autour de trois axes le premier étant la recherche et le développement. L’adaptation est le maître mot des exploitations. Le changement climatique a un réel impact sur les vignes ainsi que sur les techniques de productions. 300 000 € sont consacrés chaque année aux organismes régionaux de R&D dont l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV). Cette enveloppe permet concrètement d’avoir des données partagées sur le choix variétal adapté aux contraintes climatiques, les maladies émergentes ou encore la définition de nouveaux systèmes de culture incluant l’irrigation.

Les vins de la région, et spécialement ceux de la Vallée du Rhône vont surement devoir travailler sur une diversification de leur offre, nous serons à leurs côtés pour les accompagner et y réfléchir ensemble, comme nous l’avons toujours été.

 

Comment voyez-vous la situation pour les rosés de Provence : le ralentissement constaté des ventes marque-t-il la fin d’un cycle ? L’arrivée de grands groupes des vins et spiritueux annonce-t-il une nouvelle ère, avec ses opportunités et défis ?

Les rosés de Côtes de Provence sont, depuis plus de 70 ans, reconnus comme vins délimités de qualité supérieure. Nous avons les meilleurs rosés au monde, et nous en sommes fiers !

Nous sommes un petit pays qui attire toujours les investisseurs. Le ralentissement des ventes ne les empêche pas de continuer à arriver pour s’y implanter de manière pérenne. Notre vignoble provençal est et reste attractif.

Il l’est notamment grâce aux dispositifs mis en place et aux savoir-faire de chacun.

Prenons l’exemple du Centre du Rosé, la Région l’accompagne depuis de nombreuses années avec une subvention régionale annuelle de près de 110 000 € pour leur programme expérimental. En mars 2023, nous avons soutenu la création du nouveau Centre du Rosé à Vidauban à hauteur de 1,2 million €. Il a pour objectif de répondre aux besoins de vignobles et des professionnels du secteur et sera doté d’un vignoble d’expérimentation pour suivre l’évolution du raisin, destiné au futur rosé. Ça c’est le Sud, sans cesse innover pour évoluer et répondre aux changements et aux défis !

La filière viticole de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est un exemple à suivre : structurée, génératrice d’une forte valeur ajoutée, elle fédère l’ensemble de la profession et confirme l’excellence et le savoir-faire de nos viticulteurs. Parce qu’ils sont les meilleurs du monde et reconnus bien au-delà de nos frontières, je tiens à valoriser nos rosés iconiques, au même titre que le travail des vignerons : leur engagement sur le chemin de l’excellence permet à notre région de rayonner à l’international !

 

Comment résoudre l’équation de la pyramide des âges dans le vignoble, pour que des jeunes puissent s’installer et que les retraités puissent quitter dignement le métier ? Comment rendre le foncier plus accessible et l’activité plus rentable ?

La filière viticole attire en région : il y a des candidats à la transmission, notamment car c’est une région "bénie des dieux" et que tous les départements sont viticoles. On réduit souvent la viticulture aux départements de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône et du Var, mais il y a également des opportunités d’installation très intéressantes dans les Hautes-Alpes, les Alpes de Haute-Provence et les Alpes Maritimes.

Nous avons annoncé un nouveau plan de soutien aux agriculteurs face aux difficultés auxquels ils font face. Concernant le foncier, la Région est très proactive et prévoit des mesures d’accompagnements pour y accéder notamment à travers la Dotation Jeunes Agriculteurs et les fonds du FEADER, qui propose une aide conséquente pour l’achat du foncier, et le dispositif Terre Adonis qui permet d’aider à la recherche de financeurs publics et privés, le temps que le porteur du projet s’installe et soit en mesure de racheter celui-ci.

En décembre dernier, nous avons lancé le fond SUD foncier agricole. C’est une enveloppe financière de 3 millions d’€ alloués à un compte suivi par la SAFER. Elle utilise cette enveloppe pour acquérir des terres et faire du portage. Le fonds est ensuite recrédité à la vente des terrains. C’est du concret, nous parcourons ce dernier kilomètre pour aider nos jeunes à entreprendre !

 

Face à la pression des aléas climatiques (sur les rendements et la résilience des exploitations) et aux demandes sociétales (pour réduire les phytos), comment voyez-vous l’avenir du vignoble ?

Nous sommes à une période charnière. Nous devons nous adapter, nous devons réfléchir collectivement à des solutions face au changement climatique, le tout en préservant notre environnement.

La filière viticole dans la région est assise sur des signes de qualité non délocalisables. 94 % de notre production est sous signe de qualité AOP ou IGP. Cela nous pousse forcément à la résilience et à l’adaptation. Nous sommes la première région en surface bio de France, un tiers de nos vignes sont en agriculture biologique. Nous pouvons en être fiers !

La région est marquée par des climats assez rudes et nous sommes au rendez-vous pour épauler nos viticulteurs durant ces épisodes difficiles. Nous n’avons pas tardé à mettre en place une dynamique autour de ces thématiques pour être sans cesse meilleurs et proposer des solutions adaptées.

La région soutient la recherche et l’expérimentation. Chaque année, une enveloppe de plus de 293 000 € est consacrée au programme régional d’expérimentation viticole et œnologique de Provence-Alpes-Côte d’Azur, piloté par l’AREDVI. Cela permet de travailler à l’adaptation du vignoble au changement climatique ou encore à l’innovation des variétés à proposer.

Je crois profondément que l’Europe sert si l’on sait s’en servir. C’est l’illustration même du FEADER PEI, le partenariat européen pour l’innovation, porté par la Région. Elle soutient des projets de recherche communs sur des thématiques d’atténuations ou d’adaptation au changement climatique. Le Centre du Rosé, l’Institut Rhodanien ou l’Institut Français du Vin ou de la Vigne en bénéficient actuellement.

 

L’irrigation de la vigne est-elle socialement acceptable et politiquement soutenable ? La Région maintient-elle son programme d’aide à l’investissement en la matière ou prévoit-elle de l’étoffer ?

La Région soutient dans sa globalité cette filière. Nous aidons ainsi les pépiniéristes viticoles pour leurs investissements matériels, notamment pour acquérir du matériel de traitement à l’eau chaude pour prévenir l’apparition de maladies. Le plan d’aide à la filière vient d’être reconduit pour la période 2024-2026, avec une enveloppe s’élevant à 150 000 € cette année.

Le vignoble est une filière d’innovation, notamment dans l’adaptation au changement climatique. La Région s’engage, à travers son Plan Or bleu sur l’enjeu de l’eau pour cette filière, par la modernisation et l’extension des réseaux d’irrigation. Nous devons nous adapter comme l’ont fait nos ancêtres : des aqueducs romains jusqu’au barrage de Serre-Ponçon, en passant par la littérature de Pagnol, les hommes et les femmes du Sud ont toujours cherché à amener l’eau. L’hydraulique agricole est essentiel et la Région ne ménage pas ses efforts dans ce domaine pour la modernisation et l’extension des réseaux d’irrigation, citons par exemple : le projet Haute Provence Rhodanienne qui couvre 81 communes dans le nord du Vaucluse notamment avec une aide régionale de plus de 30 millions €, le projet d’extension du canal d’Avignon jusqu’à Châteauneuf-de-Gadagne qui permettra l’irrigation de vignes Côtes-du-Rhône, le plan d’aménagement et d’investissement de la Société du Canal de Provence dont l’investissement régional représente 620 millions d’€ sur la période 2018-2028.

Nous mobilisons également des fonds européens à travers le FEADER au bénéfice notamment des projets hydrauliques agricole avec plus de 13 millions d’€ pour 2023-2027.

L’irrigation est socialement acceptable et politiquement soutenable. Elle l’est déjà par la Région, d’autant qu’irriguer ne veut pas dire faire n’importe quoi de cette ressource déjà sensible depuis longtemps dans notre région.

Il faut accompagner la recherche liée au pilotage au plus fin de la ressource et de son utilisation. Il faut soutenir tout ce qui va dans le sens de l’expérimentation sur la limite des besoins en eau ou de sa réutilisation. Il n’y a que comme cela que nous sécuriserons cet Or bleu pour en faire un usage raisonné.

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PLATON Le 25 mars 2024 à 17:51:38
Avec l'aménagement hydroélectrique Durance-Verdon, le changement climatique, la fonte des glaciers la ressource eau des Alpes est menacée. Le volume global annuel en 60 ans a chuté de 7200 millions de m3 par an à 5000 millions de m3 par an. Le détournement de 95% de l'eau de la Durance dans le canal usinier EDF de Serre-Ponçon jusqu'à Mallemort et les rejets d'énormes quantités d'eau dans l'Etang de Berre jusqu'à 1200 millions de m3 par an aggravent la situation. La priorité absolue c'est l'eau, il est urgent de ralentir le cycle de l'eau et de l'économiser pour la stoker. A l'arrêt des rejets et le gaspiller de l'eau douce dans l'étang de Berre on peut rendre son eau à la Durance pour la restaurer, laisser les canaux d'irrigation de la basse Durance en eau toute l'année pour recharger toutes les nappes phréatiques de la région pendant la période d'hiver. L'agroécologie est aussi une solution qui a fait ses preuves pour stoker l'eau et passer les périodes de sécheresse avec des pieds de vigne adaptés. Mettre seulement de l'eau dans les tuyaux de la société du canal de Provence avec ce plan or bleu ne favoriseront que les marchands d'eau et le remplissage des tankers vers les pays arabes. Une gestion publique de la ressource eau Durance Verdon par la région est primordiale pour éviter l'oued Durance, le stress hydrique et les conflits d'usage dans toute la région PACA pour les prochaines années. Vous trouverez nos propositions sur notre site associatif www.letangnouvau.org
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Dominique Le 20 mars 2024 à 11:42:00
Je ne suis pas trop les actualités PACA mais ça sent l'échéance électorale à plein nez. Ce que devrait dire Renaud Muselier, et alors là en toute honnêteté, c'est qu'il veut apporter des subventions pour amener des tuyaux "jusqu'au dernier kilomètre". Quant à l'eau qu'ils transporteront, c'est complètement une autre histoire. Pour discuter sérieusement de ça, il faudrait autre chose qu'une posture électorale.
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Médocon Le 20 mars 2024 à 08:32:49
Le meilleur moyen de désertification d'une région à long terme?est l'irrigation. +1000 avec @Marquis.
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Marquis Le 19 mars 2024 à 22:07:14
Quelle honte ! Je suis moi même vigneron et je trouve désespérant d'entendre des conneries pareilles. Au lieu d'inciter les vignerons a adapter leur production aux impératifs climatiques, on irrigué et on fait passer ça pour un progrès. Er que se passera t il lorsque l'eau viendra a manquer et qu'ils ne pourront plus irriguer ? Les vignes creveront.. Les végétaux ont la capacité à s'adapter, au vigneron d'en faire autant. Sans parler de la perte totale de la notion de terroir. C'est le monde des pépinières viticoles qu'il faut modifier pour que les pieds sélectionnés soient les plus adaptés au aléas a venir au lieu de proposer les mêmes clones depuis des années. Les pieds issus des greffes massales sont bien plus qualitatifs et résistants, valorisons ça au lieu de gaspiller de l'eau. Pour info, je suis vigneron dans une région de France où il pleut en un an ce qu'il a plu en quelques jours en Provence, par conséquent je suis largement confronté à ce problème.
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