lors que le vignoble voit sa situation économique s’aggraver à grande vitesse, des opérateurs ne sachant plus comment tenir ni même vivre, il n’y a pas trente-six solutions pour Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer : « on sait que pour préserver la trésorerie du vignoble, il faut reconsolider la dette bancaire ». Après un salon de l’Agriculture sous tension et une succession d’annonces de l’exécutif (voir encadré pour les prix planchers), le premier vice-président de la FNSEA attend « du concret » sur les deux dispositifs bancaires annoncés ce 27 février par les ministres de l’Économie, Bruno Le Maire, et de l’Agriculture, Marc Fesneau. Soit un différé de paiement et un rééchelonnement jusqu’à 36 mois de la dette 2024 et de nouveaux prêts bonifiés à l’investissement, avec des taux allant de 0 à 2,5 %, dans les deux cas pour les domaines en difficulté financière (selon le recensement en cours auprès de chaque préfecture).


Après les annonces, la filière vin attend des précisions sur la mise en œuvre de ce plan d’urgence pour les trésoreries. « Il faut un éclaircissement du ministre de l’Économie et du ministre de l’Agriculture » pose Jérôme Despey, pour qui « la vraie question pour les structures en difficulté est de savoir s’il y aura une garantie ou pas de l’État ». Cette question pouvant être bloquante, « comme on l’a vu sur la transformation en prêts bonifiés des Prêts Garantis par l’État (PGE) » regrette Jérôme Despey. Pour le viticulteur languedocien, « la question est de savoir si les banques suivront avec ou sans garantie de l’État. Un outil de consolidation à taux avantageux est utile et intéressant, mais à condition que les banques puissent y aller sans pouvoir être accusées de ne pas faire la preuve de la capacité de solidité financière. Il faut des précisions dans les 15 jours. » Le président de la République, Emmanuel Macron, ayant donné rendez-vous à tous les syndicats et filières agricoles trois semaines après l’ouverture du salon de l’Agriculture (ce samedi 24 février).
Alors que le désespoir grandit dans le vignoble, Jérôme Despey ne veut pas le bercer de trop grandes illusions : « penser qu’il y aura un effacement de la dette, que l’on va raser gratis, ce serait mentir aux viticulteurs » prévient-il, ajoutant qu’« il faut être clair. Nous devons consolider l’économie de 2024 et aller vers des mesures plus structurelles. Ce que nous permet le plan de filière avec sa segmentation, la conquête de parts de marchés, ne plus stigmatiser l’alcool… On ne pourra plus piloter la filière vin à coup de millions d’euros d’aides comme on le fait ces dernières années. »
Actuellement, le vignoble bénéficie d’un fonds d’urgence opérationnel (avec de premiers paiements réalisés) et de la conclusion de la distillation de crise (avec sa troisième tranche). Sont portées actuellement des demandes de mesures de stockage privé au niveau européen, des demandes d’aide aval pour soutenir les outils de la filière, le déploiement d’un arrachage temporaire et une aide aux effets induits de la recalibration du vignoble…
Autre annonce du salon de l’Agriculture, la mise en place de prix plancher généralisés doit être précisée pour Jérôme Despey : « il faut des éléments d’explication. On ne comprend pas trop derrière ce prix plancher/minimum comment cela va se mettre en place dans un marché mondial où il n’y a plus de prix administrés. La FNSEA a toujours dit qu’il faut trouver un mécanisme permettant de ne pas vendre en dessous du prix revient. Par la construction en avant du prix. La loi Egalim a été orientée sur le secteur de l’élevage. La viticulture a fait des choix différents (en ne définissant pas d’indicateurs économiques dans les bassins de production). Il faut affiner la notion d’indicateurs, qui était vague dans la précédente loi Egalim. Nous demandons des indicateurs interprofessionnels. Il y une hétérogénéité forte par la segmentation dans chaque bassin. Notre crainte est qu’un prix plancher ne devienne un prix plafond. Pour le vin en vrac, on parle toujours de prix moyens AOP/IGP, mais ça ne veut rien dire selon la qualité des produits. Le prix moyen a déjà tendance à figer le prix de marché. Je ne veux pas que le prix de plancher nous amène à un prix plafond. »