la veille de la manifestation du 25 novembre à Narbonne, les Vignerons coopérateurs d’Occitanie (VCO) sont unanimes dans leur soutien à ce rassemblement « alors que nous vivons une situation alarmante pour notre viticulture », appuie leur président, Ludovic Roux. Avec un encadrement par le syndicat des vignerons de l’Aude (SVA), le président des VCO se dit certain que la manifestation se déroulera sans débordement. Avant de rappeler que « la lutte est dans nos gènes, héritage d’évènements du passé parfois dramatiques pour notre profession, attention donc à l’embrasement et d’éventuels dérapages suite à ce rassemblement si des réponses fortes et rapides ne sont pas apportées par nos gouvernants ».
Alors que la distillation et la faible récolte de l’année dans le bassin ne vont pas régler tous les problèmes, certaines caves coopératives régionales sont au bord de l’asphyxie. « Les paiements de la distillation vont s’étaler jusqu’après mi-2024, la trésorerie de certaines caves est exsangue, avec plusieurs structures à la limite de la cessation de paiement », s’inquiète Ludovic Roux. Les caves qui produisent principalement des vins rouges d’appellation dans des zones à faible rendement sont les plus exposées « et ne vont bientôt plus pouvoir jouer leur rôle d’amortisseur social, avec déjà beaucoup d’échos de diminution des acomptes versés aux adhérents en anticipation des difficultés de paiement ».
C’est pourtant un bâtiment de l’union de coopératives du Val d’Orbieu à Narbonne qui a été visé la veille par le Comité d’action viticole (CAV), via un tag fustigeant l’importation de vins sur la façade. « C’est une triste attaque contre un symbole de la coopération, mais j’ai bien peur qu’il y ait eu des amalgames », reprend Ludovic Roux, qui précise au passage que 85 % des volumes de vins produits par les coopératives régionales sont vendus au négoce. En parallèle, il rappelle également que « l’importation des vins n’est pas le sujet, car l’ouverture des marchés est essentielle quand nous avons nous-mêmes l’ambition et l’obligation d’exporter nos vins pour la viabilité économique de nos structures ».
Tout autant que la transparence qu’il demande sur les vins servis au pichet en restauration, Ludovic Roux attend la même clarté sur les origines des vins et des pratiques du Val d’Orbieu, et l’ensemble des entreprises coopératives viticoles régionales. « En tant qu’européen convaincu, cette transparence doit même être élargie à tous les niveaux, avec la possibilité pour les douaniers français d’aller contrôler les productions dans d’autres pays », complète-t-il. Les VCO partagent par ailleurs l’ensemble des revendications que le Syndicat des Vignerons, les Vignerons indépendants, Jeunes agriculteurs et donc Vignerons coopérateurs ont signé en commun en vue de la manifestation (voir encadré)
Aux multiples mesures conjoncturelles attendues s’ajoutent des mesures structurelles d’ampleur dont l’arrachage temporaire figure parmi les têtes de liste. « Nous portons ce projet depuis 3 ans pour permettre aux vignerons de diminuer leur surface contre indemnisation, avant de faire le choix de replanter ou non selon l’évolution de la conjoncture », déroule Ludovic Roux. Une avancée décisive sur ce dossier pourrait avoir lieu prochainement avec une rencontre entre pouvoirs publics européens, français et responsables syndicaux. A l’échelle nationale, les premières estimations convergeraient vers une dizaine de pourcents des surfaces viticoles qui pourraient être concernées, « sachant que seule une partie minoritaire de ces surfaces ne serait pas replantée après la période d’indemnisation, donc un faible volant de surfaces dans la globalité », préfère préciser celui qui est également vice-président de la Copa-Cogeca.
Les responsables des Vignerons coopérateurs d’Occitanie attendent en outre que les structures de leur fédération aillent encore plus loin dans la segmentation des produits offerts. « La diversité de notre offre est une force mais peut être un handicap par manque de clarté. Nous devons entraîner le négoce avec nous pour parvenir à une juste rémunération d’une offre variée et segmentée », invite Ludovic Roux, tout en lançant un appel du pied à peine feint à feu Sud de France, en appelant à « une identité régionale forte d’Occitanie, qui englobe l’ensemble de nos productions avec leurs spécificités ».
Mesures conjoncturelles
1.L’exonération totale de la TFNB (le préfet de l'Aude a confirmé le 20/11 "engager le processus de dégrèvement partiel de cette taxe")
2.Une enveloppe supplémentaire pour la prise en charge des cotisations MSA
3.La transformation des PGE (prêts garantis par l'État) en prêts bonifiés, obtenue pour les vignerons indépendants, doit aussi bénéficier aux coopératives, afin d’amortir sur une durée plus longue et d'alléger l'énorme pression qui pèse sur les entreprises. A ce jour, les coopératives viticoles seraient exclues de ce dispositif, ce qui est inacceptable au regard de leur importance dans la filière
4.Des mesures bancaires de soutien spécifique. Les Pouvoirs Publics doivent, en lien avec le secteur bancaire, déployer le plus rapidement possible des mesures permettant de soulager la trésorerie des exploitations viticoles, en permettant une année blanche prise en charge par l’Etat.
5.Une aide « sécheresse » pour les entreprises de transformation, type « aide aval » comme pour le gel de 2021.
Mesures structurelles
Pour ceux qui veulent partir :
1.Une mesure sociale adaptée via des critères sociaux, qui pourrait prendre la forme d’une pré retraite, pour ceux souhaitant arrêter d’exploiter.
2.Un arrachage temporaire primé avec une replantation différée est à mettre à oeuvre rapidement pour permettre de sortir des volumes sans marché, traiter la question sanitaire des friches et laisser une possibilité de replantation s’il y a nécessité. Il conviendra de prévoir une prime spécifique liée aux couts de ces travaux d’arrachage et d’augmenter de manière concomitante la durée des autorisations de plantation afin de laisser le temps aux vignerons de faire des choix de restructuration du vignoble en lien avec le marché si celui-ci le permet.
Pour ceux qui veulent rester :
1.Un soutien aux zones défavorisées, par la mise en place d’une ICHN adaptée : nous entretenons les territoires, nous participons activement à la lutte contre les incendies en conservant les milieux ouverts. Pour poursuivre notre mission « d’aménageurs des territoires », nous devons être soutenus.
2.La mobilisation d’un plan massif pour la prévention contre le dérèglement climatique dans le cadre du milliard débloqué pour l’agriculture dans le plan pour la transition écologique. La succession inédite d'aléas climatiques sévères, gel/grêle/ sécheresse, doit être prise en compte. Il faut un signal de soutien direct aux acteurs qui vivent les aléas climatiques. Il ne faut plus des réflexions et des expérimentations, mais des actions rapides, notamment sur l’eau. L’Aude doit être pilote pour la gestion du dossier sécheresse, et ce retour d'expérience pourra servir plus tard, puisque nous subissons les prémices de ce changement climatique avéré.
3.Une aide simplifiée à la commercialisation
4.Le refus total de surtransposition des normes européennes.
Autres points
1.Conserver la détaxe sur le GNR, à l’heure où le désherbage mécanique est indispensable pour atteindre les objectifs de réduction des phytosanitaires
2.Redevance pour pollution diffuse (RPD) sur les phytosanitaires.
3.Etude d’impact obligatoire avant le vote d’une nouvelle réglementation
4.Simplification de l’ensemble des process administratifs
5.Respect des personnes et des biens lors des contrôles
6.Communication positive des Pouvoirs Publics sur notre métier et sa contribution à l’environnement et à la compétitivité française.