a saison 2023-2024 a apporté son lot habituel de défis pour les viticulteurs dans l’Hémisphère Sud, entre gelées hivernales, maladies cryptogamiques et chaleur intense, exacerbés par la situation économique et la baisse globale de la consommation. Le volume de vin qui sera récolté au début de cette année pourra donc être « ajusté » en fonction des perspectives commerciales, et du niveau des stocks, de chacun.
Parmi les toutes dernières prévisions publiées figurent celles de l’Argentine. L’Institut national de la vitiviniculture a fait connaître au 14 février son estimation de production dans l’ensemble des régions viticoles, chiffrant la récolte 2024 à près de 18 millions de quintaux de raisins, soit une hausse significative de 24 % par rapport à l’année dernière. La quasi-totalité de cette augmentation est à attribuer à la région de Mendoza, où les volumes pourraient croître de 28 %, contre +16 % à San Juan et +9 % à la Rioja, deuxième et troisième régions productrices respectivement. L’état sanitaire des raisins est jugé très bon, mais l’augmentation des volumes n’est pas forcément de bon augure pour le secteur vitivinicole argentin, en proie à des difficultés économiques internes caractérisées par un taux d’inflation annuel supérieur à 200 % et des taux d’intérêt de 100 %. Cette situation a provoqué une hausse des prix, et par conséquent une baisse des ventes, entraînant un niveau des stocks évalué par la société de courtage international Ciatti à l’équivalent de 6 mois de commercialisation.
Dans l’attente d’une résolution de la crise diplomatique avec la Chine, l’Australie attend également la prochaine récolte avec appréhension. Les vendanges ont débuté il y a quelques semaines : Pernod Ricard Winemakers a annoncé avoir récolté le 11 janvier ses premiers chardonnays dans la région de Riverland en Australie méridionale, « vendanges les plus précoces depuis 2016 ». Pour la société Tyrrell Wines en Nouvelle-Galles du Sud, qui a ramassé ses premiers raisins le 8 janvier, cela faisait plus de quarante ans que la récolte n’était pas intervenue si tôt. Bruce Tyrrell évoque des baisses en volume de l’ordre de 30 à 40 % dans sa zone de production, et des vendanges extrêmement courtes, durant seulement 3 semaines et demie. Les perspectives d’une baisse généralisée de la production australienne cette année sont corroborées par Ciatti, qui l’explique pour les cépages rouges en zones intérieures par « la pression des maladies, des rendements butoirs imposés par les caves et une volonté de réduire les stocks ».
Il faudra attendre plutôt le mois de mars pour que les vendanges battent leur plein en Nouvelle-Zélande où, là aussi, les estimations laissent prévoir une baisse de la production en 2024, potentiellement de l’ordre de 20%. « Nous nous attendons à une légère hausse des volumes récoltés dans les régions septentrionales cette année, mais sur le plan national nous pensons que la production 2024 sera inférieure à celle des deux dernières années, peut-être de manière significative », a confirmé Philip Gregan, directeur de New Zealand Winegrowers. « Nous sommes sur le point de réaliser notre sondage pré-vendanges parmi les caves et pensons qu’il confirmera certains témoignages recueillis qui pointent une production en baisse cette année ».
Dans le jeu des vases communicants entre pays producteurs, cette nouvelle sera sans doute bien accueillie par les professionnels sud-africains, largement bénéficiaires de la faible récolte néo-zélandaise de 2021. Les dernières prévisions de récolte en Afrique du Sud font état d’une production plus importante que celle de l’an dernier. « Si cette dernière estimation reflète une petite baisse de 1,2% par rapport aux estimations initiales du mois de décembre, elle s’inscrit toutefois en hausse sensible comparée à la récolte 2023 », note Etienne Terblanche, responsable du service conseils auprès de Vinpro. « Malgré ce, les prévisions actuelles pour 2024 restent bien en-deçà de la moyenne quinquennale ». Pour sa part, le directeur de South Africa Wine, Rico Basson, a conclu qu’une « production plus importante, conjuguée à la qualité des raisins, représente une excellente nouvelle en ce début de 2024 et s’annonce de bon augure quant à notre volonté de répondre aux attentes des consommateurs et de cibler des marchés porteurs ».
Enfin, au Chili, où les vendanges doivent débuter vers la fin février, la production globale devrait accuser une baisse cette année par rapport à la moyenne, en raison notamment de conditions climatiques difficiles, mais aussi de l’arrachage de certaines superficies. D’après un rapport publié le mois dernier par l’organisme d’Etat Odepa, les variations régionales et par cépage s’avèrent importantes : certaines vignes ont été affectées par des gelées, c’est le cas dans la vallée de Casablanca, ou par des inondations, alors que d’autres ont enregistré une bonne pluviométrie et l’absence de défis climatiques. Sur le plan commercial, Ciatti note des transactions importantes en janvier sur des vins rouges chiliens en vrac par des importateurs chinois, ainsi qu’une activité soutenue de la part d’autres acheteurs internationaux. Une situation qui a permis « d’améliorer les perspectives pour les fournisseurs pour l’année à venir », et donc potentiellement limitant la quantité de raisins laissés sur pied.