Riccardo Ricci Curbastro : Tout d’abord, je voudrais remercier Bernard [Farges] pour les services qu’il a rendus à l’EFOW pendant une période très difficile, avec le Covid, la dématérialisation des exigences sur l’étiquetage, le maintien des droits de plantation jusqu’en 2040, les taxes Airbus, la réforme des Indications Géographiques (IG), etc. En ce qui concerne mon mandat, nous devons faire face à la baisse de la consommation dans le monde, car il ne s’agit pas uniquement d’un problème européen. Nous devons améliorer nos politiques et notre communication sur ce que représente véritablement le vin. Celui-ci ne fait pas seulement partie du régime alimentaire méditerranéen, inscrit au patrimoine mondial, il représente beaucoup plus. C’est une question de culture. Nous devons répondre à l’attitude européenne qui considère qu’il n’y a aucun niveau « sûr » de consommation de vin. Nous voulons parler du vin consommé avec modération, d’une consommation responsable dans le cadre de l’alimentation. On ne peut pas utiliser le vin comme « la cerise sur le gâteau », comme un exemple de réussite, et puis l’attaquer sans faire de distinction entre les différents types d’alcool. Il nous incombe de réunir d’autres acteurs dans ce débat, l’OIV par exemple, dont le président est d’ailleurs italien. Sur le plan scientifique, l’Organisation peut nous apporter les outils dont nous avons besoin pour démontrer que le vin consommé avec modération ne pose aucun danger. Nous allons lancer le débat sur cette question.
Bien évidemment, le développement durable constitue un aspect important pour les années à venir, car nous ne pouvons pas éviter la demande des marchés et des consommateurs. En revanche, il n’implique pas que l’environnement, nous devons nous pencher aussi sur le côté social. Récemment, nous avons vu les scandales où des gens travaillant la terre n’ont pas été employés correctement. Les vins d’appellation impliquent également les communautés qui peuplent nos campagnes dans des lieux où bien souvent il n’y a aucune autre alternative agricole. Lorsqu’on voit que la Commission déclare que la viticulture n’est pas importante dans le processus de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, on sait qu’elle n’attache pas d’importance à la viticulture. Et pourtant, à bien des endroits en Europe, sans viticulture on serait confrontée à la désertification de nos campagnes. La viticulture assure une présence sociale et un revenu pour les producteurs et leurs familles. Pour nous, le modèle des appellations en Europe pourrait servir à développer d’autres modèles dans le monde. La capacité des appellations à développer des activités socio-économiques pourrait apporter des réponses à l’énorme problème de l’immigration, non seulement en Europe, mais dans le monde.
Je mets toujours l’accent sur le fait que les lois qui protègent les appellations n’ont pas été écrites par les législateurs, à Bruxelles ou ailleurs, mais par les producteurs tous ensemble. C’est aux producteurs de convaincre leurs confrères qu’il faut évoluer. Au niveau environnemental, si on prend l’exemple de l’Italie, quasiment 20% de la production de vin émane de caves certifiées en développement durable. La certification, Equalitas dont je suis président, a été créée au sein des consortiums. Depuis six ou sept ans, certaines appellations italiennes intègrent cette certification dans leur cahier des charges. La première d’entre elles, Montepulciano avec Nobile et Rosso di Montepulciano, en inspire d’autres.
Effectivement, et il y a des changements que nous pouvons opérer, comme les économies d’eau ou les couverts végétaux. Je pense que nous devons accélérer le processus scientifique en cours, qui pourrait nous donner, par exemple, des cépages résistants à certaines maladies ou économes en eau. Nous avons déjà des porte-greffes qui sont plus efficaces pour puiser l’humidité dans le sol. Ce qu’il nous faut, c’est la possibilité d’intégrer ces outils plus rapidement au sein des appellations. On ne pourra pas réduire le délai incompressible entre le moment où nous prenons la décision de changer et le moment où les vins sont disponibles sur le marché, mais il me semble que nous n’avons pas accès assez rapidement aux différents outils. Parfois, il est difficile d’opérer des changements au sein des appellations.
Les vins à indication géographique sont des produits de caractère reconnus non seulement par les règles qui régissent les appellations, mais également par les marchés. Donc si leur qualité se définit en fonction des règles sur le terrain et leur profil organoleptique, et que nous enlevons l’alcool, le produit ne sera plus le même. La désalcoolisation entraînera sans doute d’autres problèmes, comme l’incapacité d’élever les vins comme nous le faisons actuellement. Ainsi, nous devons réaliser des recherches pour identifier d’éventuelles opportunités. A mon sens, on ne pourra opérer que des modifications à la marge pour les vins d’appellation. Mais seule la recherche nous dira si la réponse est non, il ne faut pas désalcooliser, ou bien oui, on pourra enlever de l’alcool. A l’heure actuelle, je n’ai pas ces réponses.
D’abord, nous devons voir quelle sera la composition du nouveau Parlement et de la nouvelle commission. Les futures élections sont extrêmement importantes pour notre secteur. Il nous faut davantage d’élus qui comprennent les outils qui régissent nos produits, qui soient véritablement spécialisés. Je souhaite que ces nouvelles entités nous accordent davantage d’attention, que les regroupements de producteurs, les différentes régions à appellation aient plus de responsabilités et pourront définir leur capacité à rester sur le marché, à fixer les règles et à obtenir les outils qui garantissent leur réussite.