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Bernard Jomier, l’ami qui ne veut pas du bien à la filière vin
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Envoyé spatial
Bernard Jomier, l’ami qui ne veut pas du bien à la filière vin

Clamant son amour de la filière vin, le sénateur parisien enfile les accusations spécieuses témoignant d’une volonté de réduction de toutes les consommations d’alcool sans cibler celles à risque.
Par Alexandre Abellan Le 12 janvier 2024
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Bernard Jomier, l’ami qui ne veut pas du bien à la filière vin
Campagne anti-alcool, mission impossible ?' A priori pas sur France 2 à 21h30 le jeudi 11 janvier 2024. - crédit photo : France TV
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ans la fable de l’Ours et de l’amateur de jardin, La Fontaine pointe que « rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ;

Mieux vaudrait un sage ennemi. » Preuve en est faite ce jeudi 11 janvier sur France 2 avec l’émission Envoyé Spécial, qui ouvre une tribune, lors de la séquence "Campagne anti-alcool, mission impossible ?", au sénateur écologiste Bernard Jomier (Île de France). Ayant marqué l’actualité de la fin d’année avec le projet d’un prix minimum pour l’alcool, « une bouteille de vin c’est pas moins de 3,5 € », le médecin généraliste parisien distingue le bon du mauvais parlementaire sur le soutien à son amendement : « on peut faire la différence entre ceux qui veulent conjuguer respect de la consommation plaisir et de la santé publique et ceux qui défendent un système industriel producteur d’alcool à bas prix, je les appelle les dealeurs de l’alcool ». Une comparaison un tantinet outrancière dont le sénateur semble particulièrement fier, l’ayant déjà utilisé fin 2023, et ayant causé une tribune de réponse de la filière (par Bernard Farges, président du CNIV, et Samuel Montgermont, président de Vin & Société).

Toujours sous couvert d’aide à la filière, le sénateur maintient un discours dénormalisateur : « ceux qui défendent le système industriel se cachent derrière le terroir pour fourguer à bas coût des vins de très basse qualité à des personnes qui surconsomment. C’est ça le cœur du problème : le modèle économique d’une partie de la filière est fondé sur les consommateurs excessifs. C’est immoral pour moi. » Il semble surtout approximatif d’accuser une filière d’alimenter l’alcoolisme de masse quand sa consommation nationale fond comme neige au soleil depuis des décennies (-70 % en 60 ans rappelle pourtant Envoyé Spécial) et que ses discours portent toujours sur la modération (en témoigne la campagne des vins d’Alsace sur le sujet).

Question taboue

Mais le sénateur Bernard Jomier n’en démord pas : « dès que l’on veut parler d’alcool [au Sénat] c’est vécu comme une mise en cause d’une identité de territoires. C’est une question quasiment taboue [alors] qu’il y a un discours à avoir qui concilie la santé publique et puis le respect de traditions de notre pays. » Pourtant, à la culture française d’une consommation modérée de vin évitant les excès (sans même parler de French paradox), le médecin préfère clairement les modèles fiscaux anglosaxons sur l’alcool de l’Écosse (prix minimum depuis 2018) et de l’Irlande (depuis 2022), deux pays où les Alcoolisations Ponctuelles Importantes (API) font des ravages… Mais où le mois sans alcool se développe. Au problème du binge drinking, le remède du dry january ?

Pourtant, même Santé Publique France, qui ne peut être qualifiée comme Vitisphere d’« émanation de la filière viticole » par l’association Addictions France, reconnaît dans un rapport de 2020 que « si les pays européens conservent des caractéristiques culturelles spécifiques, en termes de préférences de consommation comme de pratiques d’alcoolisation (un modèle latin d’usage régulier d’alcool opposé à un modèle nordique et anglo-saxon de consommations moins fréquentes mais plus importantes), les comportements tendent à s’uniformiser depuis quelques décennies en population générale comme parmi les adolescents. Ainsi, en France, on note une consommation régulière plus faible et une augmentation des consommations ponctuelles importantes. »

Obsession de la réduction

Un changement de société inquiétant pour la santé des plus jeunes, mais qui ne pousse pas les partisans de l’hygiénisme à défendre la modération : bien au contraire. Face à la dernière campagne de sensibilisation des jeunes sur les excès d’alcool ("c’est la base"), Bernard Jomier la résume à « si vous buvez de l’alcool, buvez de l’eau avec. […] Il n’y a aucun message de réduction de la consommation [c’est] tout à fait révélateur de ce qui se passe depuis qu’Emmanuel Macron est le président de la République. »

Témoignant dans le reportage de France 2, l’ancienne ministre de la Santé de mai 2017 à février 2020, Agnès Buzyn, se rappelle du veto présidentiel de la fin 2019 pour le soutien gouvernemental au Dry January de janvier 2020. « J’ai perdu partiellement la bataille, il y a eu une campagne sur les réseaux sociaux, mais pas une campagne de l’ampleur souhaitée. C’est une bataille quasi impossible à mener dans notre pays. Vous avez trop de vents contraires » indique Agnès Buzyn, pour qui « l’alcool est un combat très difficile. Le président avait une conseillère à l’agriculture [NDLR : Audrey Bourolleau] qui venait du lobby des viticulteurs, Vin & Société. » Oubliant ses campagnes de 2017 (le tire-bouchon) et de 2018 (le verre de vin), l’ancienne ministre dit ne pas comprendre cette opposition de la filière : « moi je ne cherche à culpabiliser personne, je veux juste rendre les gens responsables de leur vie ».

Une liberté passant par la modération latine à l’année et pas des cycles anglo-saxons excès/abstinences prône Vin & Société. Sa délégué générale, Krystel Lepresle l’explique clairement sur France 2 : « si demain l’abstinence est la norme, nous y sommes défavorables. [C’est une] victoire pour la liberté de tout à chacun de consommer s’il le souhaite, ou de s’abstenir. » Mais le grand ami de la filière vin, que cette dernière le souhaite ou non, Bernard Jomier, reste branché sur la dénormalisation : « on ne touche pas au vin en France. On ne prend aucunes mesures qui pourraient limiter consommation de vin : ni campagne, ni les hausses de fiscalité, ni les autres dispositifs. […] Depuis 2019 aucun ministre Santé n’a eu droit mener stratégie cohérente. Sur le tabac il y en a une. » Comme l'écrit la Fontaine dans la fable des Deux amis : « qu'un ami véritable est une douce chose ! » Quant aux autres...

 

 

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Tous les commentaires (11)
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J.Henry DAVENCE Le 18 janvier 2024 à 17:40:09
Il serait judicieux que notre filière, pour étayer notre liberté de communiquer sur les bienfaits de la modération et de l'éducation, fasse une étude sur la population des personnes en bonne santé âgées de 80 ans et plus pour connaitre leur consommation de vin ou leur abstinence au cours de leur vie. J'espère qu'une majorité aura consommé avec modération... Malheureusement si nous voulons contrecarrer leurs arguments, nous allons devoir travailler les notres!
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Humour Le 14 janvier 2024 à 15:00:45
Cela nous apprend que les députés qui l'ont élu préfèrent boire de l'eau. Mais a boire de l'eau et du pain sec, pas besoin d'aller au restaurant du sénat.
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Ouiouiisnotdead Le 12 janvier 2024 à 22:13:38
Aller?une goutte de plus dans le vase?pas grave ça déborde déjà
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Vigneron Le 12 janvier 2024 à 18:15:23
@Sabourin, je crois que la filière viticole fonctionne, en tout cas celle qui se donne les moyens d'aller jusqu'à la mise en bouteille et de vendre ses produits auprès de ses consommateurs. Cela n'est pas sans peines: il faut une prospection de longue haleine pour rechercher de nouveaux clients, en même temps participer à l'amélioration qualitative de son vin, répondre à toute les obligations déclaratives, rentrer dans ses coûts et donc être bon gestionnaire. Un bon rapport qualité/prix ne décevra jamais le client, mais c'est à la sueur du vigneron. Les grands crus s'en sortent tout seul, j'allais dire, tant que çà marche !
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Alexis Sabourin Le 12 janvier 2024 à 15:01:00
@ Vigneron : Hormis les grands crus, la filière viticole fonctionne-t-elle encore ? Surproduction, surtaxation, déconsommation... Il y a trop de vents contraires pour ça ! Et l'Etat, représenté par des personnes comme ce sénateur, a son rôle. Heureusement que certains élus ont à cœur de défendre leurs territoires. Mais contrairement à eux, M. Jomier est sénateur de Paris, donc loin des vignes. Il aime peut-être le vin, mais visiblement pas les viticulteurs.
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dumas michel Le 12 janvier 2024 à 13:14:05
La déconsommation du vin rouge tranquille est patente depuis les années 80. Les primes à l'arrachage définitif dans le Languedoc Roussillon et l'effondrement du marché l'attestent. C'est un fait. La consommation d'alcool pourtant ne baisse pas, au contraire. Le problème de la vitiviniculture c'est que les deux mode de production -quantitatif/qualitatif sont désormais inconciliables. Le quantitatif doit cesser dans le Languedoc Roussillon pour se concentrer sur le qualitatif qui doit être accompagner puissamment de l'oenotourisme structuré, organisé, fédéré, et que cesse le "tout pour ma pomme" qui tue la filière. La qualité des produits mérite mieux que ce "chacun pour soi" mortifère. Donc les produits vinicoles du Languedoc Roussillon, qui sont de qualité mondialement reconnue, doivent disposer de supports publicitaires oenotouristiques de grande qualité qui ne sont pas l'oeuvre aujourd'hui loin s'en faut. Ils doivent en même temps être accompagné d'une R&D puissante au service du maintien des caractéristiques de nos productions et être entouré de toute l'irrigation possible que peuvent donner nos retenues collinaires ce qui aujourd'hui est loin du compte. Tout semble dire "fin du pinard" dans les sphère politiques "responsables" alors qu'on est au début d'une transformation imposée du vieux paradigme de 1906. Si nous loupons ce passage s'en sera fini de la viticulture en Languedoc Roussillon. Pourtant tout existe pour cette nouvelle construction. Je ne peux me résoudre à regarder passer les trains sans essayer d'entrer dans un des wagons pour convaincre d'arrêter la machine mortifère et transformer le parcours. J'ai du temps à y consacrer.
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S Boutiton Le 12 janvier 2024 à 11:48:51
Comment un dealer d'antidépresseur supposé avoir fait de longues études, n'est pas capable de faire la différence entre vin et alcool? Alors, avec toute l'humilité de mes courtes études , je vais me permettre de lui rappeler la différence : Le vin est une boisson qui contient de l'alcool. Cet alcool provient de la fermentation du raisin; nous y trouvons également des minéraux, des vitamines, des composés phénoliques, des acides, des protéines, du sucre selon les vins etc Le volume d'alcool contenu est d'environ 12% le reste étant de l'eau soit environ 86%. Les spiritueux : Gin, Vodka, whisky, Rhum... sont des alcools issus de la distillation de plantes, céréales.... Cette distillation produit des spiritueux titrants jusqu'à 96% d'alcool pur, le reste est composé d'acétate d'éthyle, acétaldéhyde butan, méthylpropan, méthylbutan, méthanol, furfural... Les restes de mon DUAD :) La comparaison stupide entre le vin et l'alcool me semble plus lié à l'ignorance (au mieux) qu'à la mauvaise foi...du moins je l'espère.
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Vigneron Le 12 janvier 2024 à 09:20:05
Le pire, c'est qu'on élit ces gens dont la rémunération est excessive, surtout pour dire autant de bétises. Plutôt que de vouloir taxer une économie qui fonctionne, cela ferait beaucoup d'économie et de bien être intellectuel d'avoir moins de ces gens à payer dans l'hémicycle, et cela renflouerait les caisses de la société. Car l'économie privée en a marre qu'on la prélève à la source comme si la source coulait toute seule! En quoi ces gens contribuent ils à créer de la valeur ? Ils ne font que en ponctionner. Cependant sur le principe, je ne suis pas contre. Les vins vendus 3.50? ne peuvent pas mettre en valeur les vignerons, leurs terroirs. Ce sont des prix psychologiques fixés par les acheteurs et le service marketing pour attirer les consommateurs, et leur faire croire que c'est bon et pas cher, encourageant ainsi la consommation à outrance. La faute est plutôt aux distributeurs je pense qu'aux vignerons !
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Renaud Le 12 janvier 2024 à 07:06:17
Le problème n'est même pas les 3,5?. C'est la réparation de la valeur. Quant à la qualité elle depuis longtemps elles est déconnecté du prix.
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Max le caviste Le 12 janvier 2024 à 07:02:48
Bizarrement la consommation du vin en France diminue mais celle des antidépresseurs augmentent ??mais les loobies pharmaceutiques ?..
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augustin Le 12 janvier 2024 à 05:36:58
pour dire les choses crûment il faut interroger les policiers et gendarmes qui sont en première ligne contre l alcool le plus dangereux c est à dire au volant que ce soit en medoc ou en st emilion l alcoolisation est largement liée soit à la bière soit à l ingestion d alcool fort type gin whisky et rhum et je ne pense pas que la population du 19 ème arrondissement qui a élu indirectement m le sénateur soit très différente ... la saoulée au gros rouge qui tâche décrit par notre ami touche peut être quelques sdf non loin du canal de l ourcq mais ils sont non représentatifs à l échelle nationale tout comme leur tatouage piercing et chien de compagnie ne sont représentatifs des canons de la mode et des amus des bêtes :^) même constat avec les cancérologie de Gustave roussy : la majorité des pathologies est liée à l absorption répétée et abusive de bière et où d alcools forts ... les beuveries à base de rouge blanc rose ou pétillant ont peut être eu lieu mais ne sont absolument pas dans l air du temps ... pourquoi donc s acharner contre le vin alors meme que c est l alcool fort qui pose problème ? au volant comme à l hôpital mais pas au parlement ? sur quelle planète vivent certains de nos élus ?on assisté tous effarés à une totale deconnection entre notre monde réel et sa représentation fantasmée ... c est d autant plus impardonnable de la part d un toubib vivant dans le 19 ème arrondissement de Paris, la meme ou une vingtaine de bars à vin continuent à servir leurs consommateurs résistants ...entre un restaurant vegan et un distributeur de trottinettes ... vive la différence et continuons à préférer un dîner équilibre arrosé d un verre de vin qui fait partie de la vie ...au binge drinking qui tue tant au volant qu à l hôpital monsieur le sénateur ne vous trompez pas de combat !
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