a France viticole mérite le respect
Il y a quelques jours, les parlementaires rejetaient une proposition portée par quelques sénateurs visant à instaurer en France un prix minimum de vente sur l’alcool. Faut-il le préciser, l’objectif de ce prix plancher n’était pas de soutenir une filière vitivinicole inquiète, confrontée à une crise multifactorielle, mais de créer un frein à l’achat des Français.
Le sénateur de Paris M. Bernard Jomier, oubliant sans doute que la modération est une vertu en toutes choses, a tenu à la suite de cette décision des propos d’une gravité inouïe à l’encontre de la filière vitivinicole française mais aussi de nos institutions, déclarant à la presse : « Les dealers d’alcool font la loi… Cette mesure menace ceux qui fondent leur modèle économique sur la maladie ».
A-t-on jamais vu une filière entière ainsi calomniée par un élu de la République alors même que sa première responsabilité est de ne pas alimenter des amalgames et les pires confusions ?
Faut-il rappeler qu’un dealer est un trafiquant et un hors-la-loi, qui s’inscrit dans une criminalité du quotidien en faisant commerce de produits illicites. Comparer viticultrices et viticulteurs à des dealers, c’est non seulement nous diffamer. C’est, indirectement, insulter les millions de consommateurs modérés de vin. C’est enfin perdre toute échelle de valeur et toute référence sérieuse pour poser les débats dans notre société. Quand on sait comment le deal de drogue désagrège le vivre ensemble et la paix civile dans des quartiers frappés par ce fléau, de tels propos ne sont pas acceptables.
Considérer que nous « faisons la loi », c’est non seulement insulter la démocratie, le principe du vote majoritaire au sein du Parlement mais c’est aussi nous confisquer notre droit légitime à porter, en toute transparence, nos positions comme d’autres acteurs le font.
Considérer que notre modèle économique est fondé sur la maladie c’est sciemment mentir et méconnaître que le vin est consommé de façon modérée et responsable par l’immense majorité des Français. C’est cette assise et l’exportation de nos vins à l’international qui fondent notre activité et le modèle économique de notre filière.
Si nous tenons à souligner la gravité de ces propos pour qu’ils soient fermement condamnés, nous n’esquivons pas pour autant le fond du débat. Le prix minimum est une mesure totalement inefficace pour lutter contre les consommations excessives et c’est bien ce qu’a compris le législateur en rejetant cette proposition.
En Écosse, où cette mesure a été mise en œuvre depuis cinq ans, le prix minimum n’a eu aucun impact sur l’alcoolodépendance contrairement à ce que M. Bertrand Jomier a affirmé. Il a juste contribué à précariser davantage certains publics fragiles.
Un prix minimum serait avant tout une taxe déguisée pour les consommateurs. Mettre un prix plancher à 3,50 € toucherait tous les Français, qui sont nombreux à acheter du vin, le plus souvent en supermarché, à moins de 3 € la bouteille. Pourquoi impacter encore plus le pouvoir d’achat de millions de nos concitoyens, déjà lourdement pénalisés par l’inflation ?
Rappelons-le aussi bien sûr : plus de 9 Français sur 10 consomment moins de 10 verres par semaine (source Santé publique France). Pourquoi dès lors proposer une mesure qui cible le portefeuille de tous les Français, notamment celui des plus modestes, et qui n’aurait aucun effet positif en matière de lutte contre l’alcoolodépendance ? Pour Bernard Jomier les plus démunis sont peut-être assimilés à des alcooliques ? Le vin a-t-il vocation à être réservé à une élite ?
Quelles que soient les oppositions à nos positions, celles-ci doivent s’exprimer dans le respect des parties prenantes au débat.
Tout comme les parlementaires et acteurs de santé publique, nous souhaitons combattre les causes des consommations excessives, sans qu’il soit nécessaire pour y parvenir d’éradiquer le vin et les vignerons de France, ni de nous assimiler à des criminels. Dénoncer ces propos, c’est justement permettre de débattre au fond et dans la dignité.