our commencer la nouvelle année, « prenez le risque de "décaler" une armoire dans l'une de nos nombreuses organisations professionnelles viticoles, et relisez (ou plutôt lisez) le rapport Berthomeau, rédigé en 2001, le scénario inexorable de la déconsommation en France y était décrit » pose dans ses non-vœux pour 2024* Olivier Nasles, le président du Syndicat des Vins d'Aix-en-Provence. Ayant l’habitude d’avoir souvent raison trop tôt (pour les vins de Provence, mais aussi bio, sans oublier l’oléiculture), l’œnologue rappelle que la tendance de déconsommation qui submerge actuellement le vignoble français est une lame de fond qui n’est pas nouvelle.
« Le scénario est assez similaire à celui du réchauffement climatique, "on nous aurait caché des choses" » note Olivier Nasles, pour qui « trois chiffres résument la crise que nous vivons ; en 1990, la France consommait 32 millions d'hectolitres de vin pour une production de 40 millions de vins tranquilles. En 2022, 24 millions hl pour 35 millions d'hl produits ! En 2030, 17 à 18 millions d'hl consommés pour quelle production ? II ne faut pas sortir d'une grande école pour s'apercevoir que nous fonçons allègrement dans le mur. »


« Pour notre fière viticole, 2023 aura été l'année de la prise de conscience ou plutôt celle où l'autruche a sorti la tête du trou » poursuit Olivier Nasles, qui n’en revient pas pour autant : « comment est-il possible que la France, Temple sacré du Vin, connaisse une telle baisse de consommation ? ». D’autant plus que le président d'Aix-en-Provence a retrouvé dans ses archives un entretien de 2004 où on lui demandait déjà si la crise des vins de Bordeaux touchait ceux de Provence. Vingt ans après, Olivier Nasles affiche son optimisme malgré les signaux de difficulté en Provence (conduisant d’autres AOC à réduire leurs rendements, ce qu’Aix-en-Provence s’est refusé à envisager en 2023).
Un optimisme d’abord « parce que notre dépendance au marché français diminue régulièrement. 45 % de nos rosés partent à l'exportation et ce chiffre continuera de grossir. Deuxièmement, parce que La structuration de notre marché, autour de grands groupes internationaux, n'en est qu'à ses débuts » esquisse le président de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), prévoyant des mutations avec l’arrivée d’opérateurs de Champagne et de Cognac (LVMH, Pernod Ricard…). « L'ADN de ces groupes, c'est la création de valeur et leur intelligence, c'est d'avoir compris qu'il fallait la partager raisonnablement avec les producteurs » pointe-t-il.
* : « Présenter des vœux, souhaiter le meilleur à chacun, la santé, le bonheur… La terrible et injuste disparition de Fabienne [Joly] à la fin 2023 m'a rappelé combien cet exercice était puéril ! » lâche Olivier Nasles au début de sa missive, qui se clôt sur le texte occitan du Cacho fiò pour la bûche de Noël : « Diéu nous fague la gràci de vèire l’an que vèn, e se noun sian pas mai, que noun fuguen pas mens ! » (soit : "Dieu nous fasse la grâce de voir l’année prochaine, et si nous ne sommes pas plus, que nous ne soyons pas moins").