C’est une expérience qui n'est peut-être pas commune, mais qui n'est pas rare pour autant : choisir une bouteille de vin chez un caviste ou dans un restaurant en suivant le conseil promettant « un glouglou des copains » ou autre « perle de pureté aromatique », pour se retrouver finalement à jouer dans son verre aux 7 familles des défauts œnologiques (acétique, Brett, oxydation…), mais s’entendre dire par le caviste/sommelier que l’on n’y est pas, que ce sont juste les éléments de typicité de la dite cuvée par son producteur iconoclaste si ancré dans la vérité du lieu et du vin… Et gare si pour défendre votre diagnostic vous tentez d'expliquer que vous vous y connaissez un peu en vin, ou, pire encore, que vous travaillez dans la filière ! On vous rétorquera que, malheureux, mais c’est bien évidemment parce que vous êtes formaté par les goûts standardisés des quilles agroalimentaires que vous n’êtes pas sensible à la pureté du divin nectar que l'on n'aurait même pas dû vous proposer tant vous ne méritez que du jaja industriel ! Certains défendront même la typicité des défauts, pouvant certes être tolérés à très faible dose, mais restant souvent incompatibles avec une expérience pleinement satisfaisante de dégustation.
Au-delà de l’anecdote, certes caricaturale (comme les commentaires débattant sur le vin nature), certains membres de la filière vin s’inquiètent des effets de cet enseignement du goût du vin auprès d’une jeune génération (aux repères faussés selon les canons œnologiques). D’autres s’interrogent sur la mise en marché de ces vins impropres à la consommation (ou en tout cas à son plaisir spontané). Si les vins nature et apparentés (faute de définition consensuelle) prennent des risques lors de leurs vinifications, ce n’est pas à l’acheteur de financer l’expérimentation ratée. Et ce n’est pas au vigneron de faire croire que c’est maîtrisé, ou au sommelier de chercher à persuader qu’il s’agit du terroir ou d'en appeler au calendrier lunaire pour se dédouaner : un jour racine, quelle idée de commander du vin ?! Sachant que les modes de conservation de ces vins sans sulfites ajoutés jouent également sur le plaisir de dégustation, rendant le problème encore plus complexe. Mais garantir à l’acheteur un vin sain, loyal et marchand reste une obligation pour tous les maillons de la filière : c'est même la nature du vin. Les droits et devoirs du bouchon en somme.