Oenotourisme

"Les clients veulent de l'émotion et de l'authenticité": l’animation, la clé du succès des routes des vins

 Le concept des routes des vins n’est pas vieillot, mais il faut le faire vivre », estime Frédéric Nau, président de La Bulle Verte, société qui conçoit des itinéraires écoresponsables dans les vignobles. Christian Vital, chargé de l’Å“notourisme à InterLoire ne dit pas autre chose : « Mettre des panneaux, des cartes, c’est le minimum. Mais il faut animer ces routes ; pour bénéficier de retombées, le viticulteur doit proposer des animations. »

En Dordogne, le domaine du Siorac les multiplie : chasse au trésor connectée, pique-nique vigneron, balades à vélo électrique, etc. Deux mille personnes viennent chaque année sur cette propriété qui a adhéré, pour 150 € par an, à la route des vins de Bergerac dès sa création en 1995. « Je ne peux pas mesurer le retour sur investissement. Mais la route véhicule une image et de la communication », juge Muriel Landat-Pradeaux, la gérante. En effet, ses 130 adhérents sont répertoriés dans un livret papier ainsi que sur le site des vins de Bergerac. Autre intérêt : le réseau. « On se retrouve régulièrement entre adhérents pour échanger », explique Muriel Landat-Pradeaux. Cerise sur le gâteau : seuls les vins des adhérents sont référencés à Quai Cyrano, l’espace culture, vin et tourisme au centre de Bergerac. Au cours de la saison, entre juin et septembre, chaque adhérent vient y présenter une journée durant ses vins et faire ses ventes.

Muriel Landat-Pradeaux, qui est présidente de la route des vins de Bergerac, entend la développer au travers d’une fête qui se tiendra en juin 2024. Et pour mieux cerner les attentes de ceux qui l’empruntent, une application mobile va être créée. Mais pour Muriel Landat-Pradeaux le vrai carburant, c’est le viticulteur qui l’apporte : « Le plus important, c’est d’y mettre du sien en imaginant des activités pertinentes. » C’est pourquoi elle ne manque pas de rappeler sur son site internet et sur les réseaux sociaux que son domaine se trouve sur la route des vins de Bergerac.

En Gironde, Vincent Labergère, directeur général du Château de Rayne Vigneau, à Bommes – 1er cru classé de Sauternes –, l’a bien compris. « Aujourd’hui, les clients veulent de l’émotion et de l’authenticité », relate-t-il. Et l’émotion, il la garantit avec la dégustation perchée qu’il propose depuis 2012. Encadré par un professionnel, le visiteur, sanglé dans un baudrier, se retrouve en haut d’un cèdre bicentenaire, à 15 mètres de hauteur. Le voilà assis à une table, prêt à déguster trois vins du château. Ses sens sont en éveil, sa vue se perd dans la vallée du Ciron et de la Garonne.

C’est en 2013 que le Château de Rayne Vigneau a adhéré à la route des vins de Bordeaux en Graves et Sauternes. À l’époque, Vincent Labergère s’interroge : comment faire venir les touristes sur son vignoble de 84 ha situé sur une vaste croupe qui domine le Sauternais ? « La route des vins permet de gagner en lisibilité et d’échanger entre propriétaires. Elle attire des médias internationaux qui mettent en lumière nos activités touristiques », témoigne-t-il.

Le château reçoit 10 000 personnes par an, pour un panier moyen de 72 €. En vue de développer la fréquentation, un autre projet prend forme et devrait être opérationnel à l’été 2024 : celui d’un pique-nique dans les vignes, à 700 m des chais, sur un petit monticule abrité par trois chênes. Des accords mets et vins y seront proposés.

En Alsace, Eddy Faller, à la tête du domaine Weinbach, 38 ha à Kaysersberg, n’en démord pas : « La route des vins marche très bien car il y a une vraie tradition d’accueil en Alsace. Les touristes y viennent autant pour la beauté de nos paysages que pour nos vins. Mais pour qu’il y ait des retombées, il faut une vraie implication du viticulteur », précise-t-il.

Le domaine Weinbach accueille 5 000 personnes par an dont trois quarts d’étrangers. Panier moyen : 400 € par couple. « Les touristes qui empruntent la route des vins viennent de plus en plus loin, la plupart du temps en avion. Nous devons adapter notre offre », indique Eddy Faller. À l’attention des clients qui ne peuvent pas ou ne veulent pas ramener de bouteilles, il a investi 150 000 € dans la transformation d’un espace de stockage de 80 m2 en bar à vins avec trente places assises pour la dégustation et le grignotage. Ouverture prévue au printemps 2024.

Dans les Bouches-du-Rhône, Nathalie Escoffier, propriétaire du Château L’Evesque, 15 ha à Aix-en-Provence, a adhéré en 2013 à la route des vins de Provence. Elle propose un atelier Å“nologique de la vigne au vin. « Cela dure 2 h 30 : 3/4 d’heure dans le vignoble pour expliquer le travail de la vigne, 3/4 d’heure dans le chai pour comprendre l’élaboration des blancs, des rosés et des rouges, puis une heure pour la dégustation de huit vins dans le chai à barriques », détaille-t-elle. Panier moyen : 45 € par personne.

Deux mille personnes par an viennent au domaine. Combien par la route des vins ? « Je suis incapable de le mesurer », admet Nathalie Escoffier. Mais ce dont elle est sûre, c’est qu’il faut une vraie offre pour attirer chez elle quelques-uns des touristes en vadrouille sur la route des vins.