Moite, le millésime 2023 fait couler plus d’une goutte de sueur sur les fronts vignerons en Gironde : dans la lutte contre le mildiou, la bataille de la prévention semble souvent perdue (face au rythme des pluies et au manque de main d’œuvre pour suivre, avec de plus en plus de friches), tandis que les armes ont été déposées pour l’usage de phytos curatifs (entre matières actives supprimées et délaissées pour cause de démarches agroenvironnementales). Dans cette lutte, des pertes de récolte sont déjà enregistrées dans le vignoble, où de jeunes plants de vignes sont également en souffrance et pourraient ne pas passer l’année. Pour répondre au désespoir vigneron croissant dans le Bordelais, la section girondine de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA 33) demande une intervention exceptionnelle de l’État.
« La situation est vraiment catastrophique. En 40 ans de métier, je n’ai jamais vu ça » témoigne Jean-Samuel Eynard, président de la FDSEA 33, qui porte auprès des élus et des pouvoirs publics une demande de reconnaissance de l’état de calamité agricole pour perte de fonds d’origine climatique au bénéfice de jeunes vignes dévorées par le mildiou. « Il y a une possibilité de perte de fond sur de jeunes plantes, le mildiou peut rentrer dans la tige par la cicatrice greffage » explique Jean-Samuel Eynard, qui porte une autre demande : « voir si l’excès d’humidité dans l’air rentre dans le cadre de l’assurance récolte » comme perte de rendement, ce sera « à voir avec les assureurs. C’est un aléas climatique exceptionnel. Et il faut l’espérer, si cela devient la norme, la vigne va disparaître de Bordeaux. »
Alors que la détresse des vignerons bordelais atteint de nouveaux sommets en cette période d’arrachage et de distillation, trois députés bordelais de la majorité présidentielle se saisissent de ces demandes pour les porter auprès des pouvoirs publics. Dans un communiqué, les parlementaires Florent Boudié (Libourne), Pascal Lavergne (Monségur) et Sophie Mette (Bazas) « alertent les services de l’État sur la violente attaque de mildiou que subit l’ensemble du vignoble » avec une « explosion des dégâts sur grappes ». Faisant remonter les demandes de la FDSEA 33 au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, « les parlementaires alertent également sur les signaux très préoccupants concernant la situation socio-économique » du vignoble girondin, alors que « la cellule de crise de la Mutualité Sociale Agricole de la Gironde (MSA 33) a été saisie par de nombreux professionnels, ces derniers jours, dans des proportions tout à fait inhabituelles, preuve du désarroi qui s’empare de la filière girondine face aux ravages provoqués par le mildiou dans les exploitations. »
Alors que le mildiou touche d’autres bassins viticoles (notamment des zones de Bergerac, de Gascogne, du Pays-Basque, du Languedoc et de Provence), ce dispositif pourrait bénéficier à d’autres vignobles mis sous pression : « notre demande intègre les vignobles de Dordogne, du Lot-et-Garonne, des Pyrénées-Atlantiques, du Gers... qui connaissent le même phénomène : des conditions climatiques hors-normes » précise à Vitisphere le député Pascal Lavergne.