our Joël Boueilh, il est temps de renverser la vapeur. « La viticulture est dominée par la production qui impose sa façon de voir les choses. Il faut laisser plus de place aux demandes du marché. Le patron c’est le consommateur qui achète le vin en GMS ou qui choisit une bouteille sur la carte d’un restaurant. On a besoin de se parler avec les acheteurs pour s’en sortir », a déclaré le président des vignerons coopérateurs à quelques journalistes à l’issue du congrès de son syndicat le 28 juin à Saumur.
Juste avant cela, lors de son discours de clôture, Joël Boueilh a rappelé que « nous sommes confrontés à une baisse brutale de la consommation. Le vin n’a plus sa place dans les repas qui ont, eux-mêmes, évolué vers plus de nomadisme. Le tableau est sombre. Il faut le regarder en face. »
Pour les aider à porter le regard sur ce mal, les Vignerons coopérateurs ont invité deux orateurs extérieurs à la filière à leur congrès. D’abord un showman : Fabrizio Bucella, professeur à l’université libre de Bruxelles, youtubeur et auteur de plusieurs livres iconoclastes sur le vin. Après avoir prévenu qu’il serait « poil à gratter », il a souligné l’évolution de la pression sociale à l’égard de la consommation d’alcool.
« Il y a 10 ans, quand je disais que je ne buvais pas de vin un à deux jours par semaine, on me considérait comme un consommateur modéré, a-t-il indiqué. Aujourd’hui, on me voit comme un fieffé pochetron ». Chez les jeunes, alors qu’autrefois il était compliqué de refuser un verre, « aujourd’hui ce n’est plus un problème de refuser de boire ».
S’agissant plus particulièrement du vin, Fabrizio Bucella a affirmé « qu’il ne fait plus partie de la pharmacopée ». Une exclusion très récente prononcée sur la foi d’une étude scientifique dont les médias se sont délectés. Fabrizio Bucella a rappelé qu’en 2018 France 2 avait fait l’ouverture d’un de ses journaux télévisés affirmant qu’un seul verre était mauvais pour la santé. Ce média, comme tous les autres d’ailleurs, reprenait une information du journal médical The Lancet.
Depuis, « le message est passé qu’un seul verre est mauvais. Or en 2023, la même équipe scientifique à l’origine de ces travaux a mis ses données à jour pour affirmer que la consommation modérée de vin est sans risques, et peut-être même bénéfique, pour les personnes au-delà de 40 ans, a poursuivi Fabizio Bucella. Cette information est passée sous silence. »
Mais tout n’est pas perdu. Fabrizio Bucella a souligné que « les vins nature parlent aux jeunes et que les jeunes s’intéressent au vin par la dégustation et par les accords mets et vin ».
Magali Filhue, déléguée générale des Brasseurs de France, est venu parler de sa filière en plein essor après avoir connu le fond du trou. « Depuis 2015, il se crée une brasserie par jour en France, a-t-elle indiqué. On en compte 2500 aujourd’hui, contre 30 en 1980. Nous avons plus de brasseries qu’en Allemagne et qu’au Royaume-Uni. »
Une explication : l’innovation. « Plus on innove, plus on intéresse les gens », a affirmé Magali Filhue. Mais sur ce plan-là les brasseurs sont avantagés par rapport aux vignerons puisqu’ils peuvent changer leur recette à chaque brassin.
Actuellement, beaucoup d’innovations portent sur les bières IPA et no-low c’est-à-dire sans alcool ou faiblement alcoolisées. « Il y a une volonté de boire moins d’alcool. Les bières à 2%. vol rencontrent un fort succès et ce n’est pas près de s’arrêter. » Autres concepts qui marchent fort : les brewpubs -bars ou restaurants associés à une brasserie et les taprooms – les espaces d’accueil des brasseries, leurs caveaux en quelque sorte.
Magali Filhue a également souligné que pour les brasseurs, « les consommateurs ont toujours raison. Lorsqu’ils disent qu’ils n’aiment pas une bière, il faut l’accepter. Il n’y a pas de sujet lorsqu’un consommateur dit : je n’aime pas. » Un message pour notre filière qui a longtemps pensé tenir la vérité au point de vouloir faire comprendre son ignorance au consommateur en pareille circonstance.