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Une leçon de viticulture durable par les Grecs anciens
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Une leçon de viticulture durable par les Grecs anciens

Dans l’Antiquité, la vigne était systématiquement marcottée et associée à des arbres, des céréales, des plantes fourragères, et des cultures vivrières. Les Grecs avaient déjà compris l’intérêt des engrais verts et trouvé le moyen de limiter la pression phytosanitaire.
Par Marion Bazireau Le 18 mai 2023
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Une leçon de viticulture durable par les Grecs anciens
Les Grecs ne voyaient que des avantages à associer la vigne à d’autres cultures. - crédit photo : Les Vendanges du Savoir.
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Dans une région montagneuse de la Méditerranée où les catastrophes sont la norme, les Grecs ont dès l’Antiquité mis en œuvre différentes stratégies pour optimiser leurs ressources, notamment viticoles » commence Thibault Boulay, vigneron dans le sancerrois et maître de conférences en histoire ancienne à l’université de Tours-François Rabelais, invité à la Cité du vin de Bordeaux lors des dernières « Vendanges du Savoir »

Jusqu’à l’époque byzantine, la culture de la vigne a ainsi toujours été stratifiée, associée à d’autres espèces, « ce que les agronomes d’aujourd’hui appellent viticulture plurispécifique ».

Les vignobles grecs étaient provignés (marcottés), passant en quelques années de 7 à 30 voire 40 000 pieds par hectare, et complantés de céréales (orge, blé, millet…), de plantes fourragères (luzerne, vesce, féverole, fenugrec…) « permettant aux viticulteurs d’être aussi éleveurs », de lentilles, d’oignons, pois chiches, endives, salades, carottes, radis, betteraves… « On y trouvait également des arbres fruitiers, tels que le figuier et l’olivier ou le cerisier dans les régions plus humides. Et certains étaient réputés pour leur safran, leur ail, ou leurs haricots, qu’ils valorisaient bien sur les marchés » complète le conférencier. Les vignobles étaient également entourés d’arbres taillés en trogne, gros créateurs de biomasse.

Les Grecs avaient trouvé là le moyen de limiter le stress hydrique, de favoriser l’aération du sol et la vie biologique. « Ils avaient empiriquement compris que ces systèmes fournissent un habitat aux microfaunes utiles contre les bioagresseurs de la vigne ».

Quand la viticulture est devenue spéculative, les Grecs ont eu recours à l’esclavagisme pour biner les sols et entretenir les terrasses. Au cours de l’hiver, Thibault Boulay raconte que les ceps étaient déchaussés pour éliminer les radicelles de surface et pousser la vigne à s’enraciner pour aller chercher l’eau en profondeur. Les viticulteurs profitaient de cette opération pour apporter au sol des amendements dans lesquels les agronomes préconisaient l’ajout de feuilles mortes tombées des trognes, aujourd’hui reconnues source de carbone et d’azote.

« Ils utilisaient les cultures associées comme engrais verts. Théophraste disait que la fève fertilise le sol parce qu’elle a les tissus lâche et pourrit facilement » illustre Thibault Boulay, avant d’ajouter que les Grecs pratiquaient déjà le paillage, « et retournaient le lupin avant qu’il ne monte en graines ».

Lutte phytosanitaire

Les agronomes insistaient par ailleurs sur les vertus de la fève, de la vesce et de la citrouille en matière de lutte phytosanitaire. « Certains Grecs cultivaient également des concombres sauvages qui finissaient par exploser dans les vignes et projetait une substance protectrice, l’élatérine, sur les ceps. Elle compliquait les fins de fermentation et donnait des vins moelleux très appréciés ». Au moment de la vinification, les lamiacées (thym, romarin, origan…) étaient utilisées pour inhiber les bactéries lactiques.

Ce modèle s’est diffusé tout autour de la Méditerranée (de la Vallée du Nil aux hautes satrapies d’Asie centrale) dès le 8ème siècle avant JC avec la quête du royaume perse par Alexandre. « Les Grecs ont disparu du jeu politique au 2ème siècle avant notre ère mais le paysage a perduré. Nous savons que les envoyés de la dynastie des Han ont rapporté dans la capitale chinoise de la vigne et de la luzerne au 2ème siècle av. JC, que la vigne a ensuite été associée à des mûriers, des jujubiers, et des poiriers au 5ème siècle. En Ouzbékistan, des fouilles archéologiques ont démontré que la présence de melons dans les vignobles ».

Thibault Boulay aimerait que la profession s’en inspire pour imaginer la viticulture de demain. « Nous devons revenir sur le dogme de la pureté végétale et arrêter d’opposer polyculture et qualité » insiste-t-il en conclusion.

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Tous les commentaires (7)
JLF Le 30 mai 2023 à 06:42:27
Interessant article. J'ai retenu deux mots "empiriquement" et "esclavagisme". Ce que je reprocherais à la science c'est de s'être laissée confisquée au profit de quelque-uns. Sinon, si tu remplace empirique par rationnel, la science te fait gagner beaucoup de temps et elle aurait pu éradiquer l'esclavagisme. Et puis, je me méfie beaucoup des "c?était mieux avant, ils avaient tout comprit etc...). Le paradis n'existe pas, ni dans le passé ni dans le présent et sans doute pas non plus dans l'avenir.
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Adri Le 24 mai 2023 à 10:29:01
A chelmi, ce n'est pas en une seule saison que l'on peut voir des changements positifs des engrais verts, du couvert, des bienfaits de la biodiversité, il faut plusieurs années pour apprécier ces changements.
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Adri Le 24 mai 2023 à 10:26:12
Merci pour cet article très inspirant. C'est sûr que la polyculture, ça a une autre gueule que ces vignes à perte de vue avec un sol complètement à nu, complètement desséché où rien ne pousse ni ne vit, ces champs de mort font de la peine à voir.
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Alexis Sabourin Le 19 mai 2023 à 08:38:56
Passionnant ! @ la rédaction : Une petite erreur semble s?être glissée dans l?article, concernant la diffusion de la culture grecque avec la conquête, davantage que la quête d?ailleurs, de l?empire perse par Alexandre le Grand. Cette conquête se déroule non pas au 8e siècle mais au 4e siècle (sauf erreur, première bataille et victoire du conquérant à Issos en -333).
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Chelmi Le 19 mai 2023 à 07:45:14
Essai l an dernier de semi d hiver de vesse,trèfle, seigle avec écrasement en mai pas très concluant. La vigne c'est plutôt dégradée !
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POUIZIN François Le 19 mai 2023 à 06:04:20
Non. Le mildiou est arrivé des USA au 19e siècle
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Pierre Le 18 mai 2023 à 12:07:38
Les grec n avaient pas de mildiou?
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