ite, il faut faire le vide dans les surstocks de vins rouges et rosés avec la distillation de crise ! C’est le message envoyé au ministère de l’Agriculture et à la Commission Européenne par le conseil spécialisé vin de FranceAgriMer réuni ce 12 avril. « Nous attendons les actes délégués pour la mise en œuvre de la distillation de crise afin de valider un projet de décision dans les prochains jours » indique Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui martèle la volonté de la filière de lancer la distillation au plus vite : « on vise une phase d’engagement d’ici mi-mai, pour un dépôt des engagements de distillateurs en suivant, une livraison des vins jusqu’à début septembre afin de distiller jusqu’à la mi-septembre et déposer la demande de paiement mi-septembre pour décaisser les fonds européens avant mi-octobre. » Alors que le ministère de l’Agriculture a construit un dispositif de distillation de crise en deux temps, pour utiliser deux fois 80 millions d’euros sur deux enveloppes européennes successives, « le sujet c’est le paiement de la première partie de la distillation au 15 octobre. Pour ça il faut débuter les opérations mi-mai » résume Jérôme Despey.
« Bon nombre d’entre nous auraient aimé que l’on ait des choses plus concrètes à mettre sur la table à ce stade du calendrier. Les jours et semaines passent et il y a de l’impatience partout. Il faut que ça avance » confirme Joël Boueilh, le président des Vignerons coopérateurs de France. « La mesure conjoncturelle de distillation est très attendue. L’élément de réussite du dispositif est sa mise en œuvre rapide » souligne Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, qui pointe que les « vins candidats à la soustraction n’ont pas de marchés : il ne faut pas qu’il y ait d’impact sur le début de la prochaine campagne. »
Si la nécessité d’accélérer la mise en place du dispositif de distillation est partagée, les avis restent divergents sur les enjeux de prix entre segments : vins d’appellation (AOP), à Indication Géographique Protégée (IGP) et sans indication géographique (vin de France). Alors que le ministère de l’Agriculture doit rendre un arbitrage en se basant sur les modes de calcul des prix de marché validés par la Commission Européenne, « on espère que le prix corresponde au marché. Même si c’est un prix sous-évalué, comme l’État ne peut pas subventionner l’économie. Mais il ne faut pas la dégrader » résume Gérard Bancillon, le président de la confédération des vins à Indication Géographique Protégée (Vin IGP). Demandant initialement une valorisation de 75 €/hl, un niveau évoqué pour les vins AOP, les vins IGP souhaitent un prix minimal de 70 €/hl en validant une différence avec les AOP, mais pas en deçà de ce plancher.
Un écart de 5 €/hl ne satisferait pas les appellations. « Notre position est constante : on considère qu’il faut un delta de 10 €/hl entre AOP et IGP » indique Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), pointant que « les principales AOC concernées par la distillation de Bordeaux et des Côtes du Rhône ont un rendement quasiment de moitié aux IGP : il faut garder de la cohérence. La distillation de crise n’est pas un soutien aux marchés, c’est retirer des volumes en surstock. »
En matière de segmentation de la distillation, un point a bien été validé par la filière : le cloisonnement des volumes/enveloppes selon les trois signes de qualité. Soit une répartition à part équivalente pour les AOP et IGP et un solde pour les vins de France. En partant d’un volume de 3 millions d’hectolitres de vin à distiller actuellement en France, cela pourrait représenter 1,3 million hl en AOP, 1,3 million hl en IGP et 400 000 hl en fin de France. Si les chiffres sont difficiles à préciser, d’autant plus sans les valorisations, on entend des volumes AOC de 400 à 600 000 hl à distiller à Bordeaux, 300 000 hl en Côtes du Rhône et peut-être 100 000 hl en Languedoc.
« Les volumes ne sont pas définis » évacue Jérôme Despey, qui note que pour chaque quota, il n’y aura de stabilisateur qu’en cas de dépassement et qu’en cas de sous-consommation l’excédent pourra être basculé par fongibilité sur un autre segment. Reste à valider par la Commission Européenne la rallonge de 40 millions € des crédits de réserve de crise pour la distillation : « je ne lâcherai pas » prévient le président du conseil spécialisé, qui note l’attente d’arbitrage sur la demande des distillateurs de monter de 5 à 5,5 €/hl les frais de distillation par rapport à la campagne de distillation covid (avec 145 millions € déployés en 2020, il y a eu un supplément de 10 millions € pour les distillateurs pour retirer 2,6 millions hl du marché).


Demandant un budget européen de 240 millions € aides pour distiller 3 millions hl à 80 €/hl, Gérard Bancillon s’inquiète d’une enveloppe trop légère à 160 millions €. Reste l’impatience : « aujourd’hui des prix sont en train de chuter et de déréguler certains secteurs. Il faut être plus rapide dans la gestion de l’écoulement des surstocks » conclut Jérôme Bauer.