ans le goulot d’étranglement. La grogne monte dans la filière vin face aux conditions d’approvisionnement de bouteille en verre : en témoignent les exposants du salon des vins de vignerons indépendants de Bordeaux (10-12 mars). Nombre d’entre eux rapportent avoir du mal à conditionner leurs vins en temps et en heure, faute de bouteilles disponibles. « On a les commandes, on n’a pas les bouteilles. Alors que le marché repart, les matières sèches manquent » résume Nathalie Meyre, des vignobles Alain Meyre (Listrac-Médoc, Gironde), la vigneronne bordelaise notant qu’il est désormais rentré dans les habitudes d’anticiper les embouteillages… Sans que les commandes passées des mois à l’avance puissent assurer des bouteilles, ou leurs prix.
« On passe des commandes, mais on n’a pas de prix : c’est flou » constate François Koch, du domaine Koch père et fils (Nothalten, Bas-Rhin). Voyant l’offre en flûte d’Alsace se tendre, le vigneron se pose désormais la question de revenir à la consigne, une filière de réemploi des bouteilles se relançant localement. Dans ce contexte tendu, « heureusement, on a une bouteille classique » témoigne Isabelle Daziano, domaine de la Fouquette (les Mayons, Var), qui ne cache pas son impression d’être prise en otage : « entre janvier 2022 et janvier 2023, les prix ont doublé. On ne peut pas négocier. Mais l’Ukraine ne peut pas être la seule raison de hausse des prix… »
Alors que les groupes verriers communiquent sur leurs productions de bouteilles à flux tendu (atteignant des records) et sur les difficultés à rééquilibrer offre et demande (depuis la reprise post-covid, avec le coup de massue de la guerre en Ukraine), les vignerons sont de plus en plus irrités par des retours d’expérience mettant à mal ce discours bien rôdé. « On me dit qu’il est impossible d’être livré pour deux palettes, mais que c’est bon pour tout un camion » rouspète un vigneron languedocien. « Les prix 2023 n’ont été connus qu’à la toute fin 2022… Le temps de bien se concerter entre les trois gros industriels qui monopolisent le secteur ? » esquisse un vigneron bordelais, faisant référence aux demandes d’enquêtes de la filière vin sur de possibles ententes.
L’idée d’une optimisation commerciale du déséquilibre entre offre et demande s’implante également dans le vignoble alors que le groupe verrier Verallia a publié mi-février ses résultats financiers de l’an passé : un chiffre d’affaires de 3,35 milliards d’euros (+25,3 %) et une progression du résultat net à 356 millions € (+42,7 %). « Si le chiffre d’affaires augmente de 25 % et le résultat net de 43 %, les vignerons ont été cocus et ont payé la chambre. Les verriers ont suraugmenté leurs prix et ont bénéficié de la tendance inflationniste. Nous avons payé l’addition deux fois » tempête Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Pour le vigneron de Fitou, « on paie cash l’augmentation du prix de l’énergie et des matières premières, ce que l’on peut entendre, mais on paie aussi une performance financière. Comment expliquer ce résultat net s’il n’est pas payé par nous ? »
Contacté, le groupe Verallia n’a pas donné suite à date de publication.