ransparentes, les bouteilles de vin sont bien opaques quand il est question d’avoir de la visibilité sur les équilibres entre offre et demande permettant de comprendre les tensions frappant leurs approvisionnements et leurs prix. « Nous demandons à l’État de se pencher auprès des deux fournisseurs principaux sur ce qu’il se passe en lien avec la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes). Parce que nous avons un certain nombre de doutes sur les sujets des disponibilités en bouteilles » pose Jérôme Despey, le secrétaire général de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA), mettant les pieds dans le plat à l’occasion des vœux à la presse du premier syndicat agricole (ce 11 janvier à Paris).
Le viticulteur à Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault) indique qu’une alerte a été faite, alors que « le secteur viticole subit énormément de hausses des charges avec des pénuries sur les bouteilles, les cartons, les capsules d’aluminium… » L’approvisionnement en verre étant dominé par une poignée de verriers (notamment Verallia et O-I), le sujet est sensible dans le vignoble, aucun opérateur ne souhaite se mettre à dos son fournisseur alors que les calendriers de mises en bouteille deviennent toujours plus incertain. Mais la grogne monte dans le vignoble alors que les premières hausses de tarification viennent d’être reçues pour 2023, et que le souvenir reste cuisant d’une année 2022 marquée par des pénuries (notamment sur les bouteilles transparentes pour les vins blancs et rosés, mais aussi sur d’autres références) et des hausses de prix successives à deux chiffres (en parallèle d’augmentation sur toutes les matières sèches).
À entendre les verriers acceptant de communiquer, les déséquilibres entre offre et demande de bouteilles remontent à la fin 2021 et concernent tous les clients d’emballages en verre. D’après leurs explications, la reprise post-covid a largement dépassé les attentes, alors que la production et les stocks ont été fortement réduits pendant la crise sanitaire, faute de visibilité sur l’avenir. Chez Verallia, on évoquait fin 2022 des « stocks historiquement bas ». Quant à l’augmentation des prix, il y aurait surtout un effet énergétique, avec la flambée du prix du gaz depuis l’invasion russe de l’Ukraine. Face à une demande internationale restant forte à court terme, les verriers affirment avoir des disponibilités réduites comme leurs productions sont déjà à bloc (les fours travaillant à feu continu, 24h/24 et 7j/7) et que le marché mondial est tendu (avec un effet domino, les demandes ibériques et italiennes en bouteilles réduisant les capacités d’export de ces pays producteurs de verre). Chez O-I, on rassurait fin 2022 les opérateurs champenois en mal de bouteilles en leur disant que les clients fidèles seraient traités en priorité. La question des prix à accepter restant en suspens... Tandis que la répercussion de l’ensemble ces hausses aux clients semble inenvisageable pour nombre d’opérateurs de la filière vin.


« Il faut que l’on trouve des solutions pour faire tenir le marché. Les prix baissent sur le secteur viticole alors que les charges augmentent » pointe Jérôme Despey, portant des demandes d’aides d’urgence conjoncturelles « comme pendant la crise covid » face « aux arbitrages de consommation alimentaire sur les boissons » dans le contexte actuel d’inflation (avec de la distillation de crise et du stockage privé) et structurelles avec « un travail de segmentation » pour remettre en adéquation « offre et demande » sur des vignobles en difficulté de prises de marché à l’export (notamment des appellations de Bordeaux, Côtes-du-Rhône et Languedoc). Des demandes qui seront portées au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lors d’une rencontre avec la filière vin ce 26 janvier, peut-être dans une bouteille à l'amer.
Contacté, le groupe verrier Verallia indique ne pas avoir de porte-parole disponible pour commenter le sujet.