2022 dans le rétroviseur

Les bouteilles de vin tombent la capsule de surbouchage

epuis que la fameuse Marianne n’est plus obligatoire, des vignerons et négociants se passent de capsule de surbouchage. « Cette évolution réglementaire nous a amenés à nous poser des questions sur l’utilité réelle de la capsule, annonce Morgane Le Breton, responsable marketing du domaine de la Jasse, 54 ha en IGP Pays d’Oc, à Combaillaux (34). Nous sommes certifiés HVE et RSE (responsabilité sociétale des entreprises). Ces démarches de développement durable nous ont conduits à travailler sur l’éco-conception de nos emballages. Nous avons allégé le poids de nos bouteilles, réduit la taille de nos étiquettes, etc. Cette année, nous avons décidé de nous débarrasser de la coiffe de surbouchage pour deux cuvées de vins rouges : Vieilles Vignes et Atelier de la Jasse, un vin vinifié sans sulfites. »

Un coup d’essai. Vendues aux particuliers, ces deux références représentent 5 000cols alors que le domaine de la Jasse en produit 1 million par an. Avant de prendre sa décision, Morgane Le Breton a sondé ses clients via les réseaux sociaux Facebook, LinkedIn et Instagram. « J’ai posté la photo d’une de nos bouteilles avec et sans capsule, explique la jeune femme. Puis, j’ai demandé “laquelle préférez-vous ?” » À sa grande surprise, c’est le flacon nu qui a obtenu le plus grand nombre de votes. « Après ce résultat, nous avons fait une seconde publication dans laquelle nous avons expliqué à nos clients que nous souhaitions ôter la capsule de certaines de nos cuvées pour générer moins des déchets, enchaîne Morgane Le Breton. Nous leur avons à nouveau demandé de choisir entre les deux versions. Cette fois, ils ont été encore plus nombreux à valider la bouteille sans capsule. » Depuis que les ventes des deux cuvées ont démarré, il n’y a eu aucun retour, ni réclamation.

« Les freins à l’absence de capsule viennent davantage des professionnels que des consommateurs, souligne Charles Lamboley, responsable marketing des Vignerons associés des Monts de Bourgogne. Cette union de coopératives vient de lancer Cerço, une gamme éco-conçue de cinq vins (bourgogne-hautes-côtes-de-beaune en rouge et blanc, bourgogne aligoté, mâcon villages et saint-véran) et 80 000 cols conditionnés dans des bouteilles allégées et sans capsule de surbouchage. « Avant de nous lancer, nous avons sondé nos clients sur les réseaux sociaux pour savoir s’ils étaient prêts à acheter une bouteille sans capsule chez un caviste ou dans un de nos caveaux de vente. Sur 700 retours, 80 % des répondants ont dit “oui”. À cette même question, les trois quarts des vignerons de notre union nous ont répondu par la négative. »

Dans les boutiques des Vignerons associés des Monts de Bourgogne, les consommateurs disent apprécier la démarche car elle est vertueuse pour l’environnement. Pour autant, elle restera cantonnée à ces références, du moins dans l’immédiat. « Nos commerciaux et nos agents qui travaillent avec le réseau traditionnel et la grande distribution nous ont déconseillé de l’étendre à nos marques historiques, confie Charles Lamboley. Ces circuits restent attachés à la capsule de surbouchage. »

Ce n’est pas Étienne Delannoy qui le contredira. Il y a trois ans, cet ancien cadre de la grande distribution a fondé la Dame Bleue une société de négoce qui vend des vins bio du sud de la France et de la vallée de la Loire en GMS et CHR. « Nous avons très rapidement souhaité faire disparaître la capsule de nos bouteilles, explique-t-il. Nous en avons fait part à nos clients en 2020, mais ils n’étaient pas chauds. Ils craignaient que les consommateurs n’achètent pas les vins. » Qu’à cela ne tienne. La start-up a franchi le pas sur l’ensemble de sa production, 25 000 cols en 2022. « Nous avons convaincu nos acheteurs lorsque nous leur avons expliqué que la capsule n’est pas recyclable, expose Étienne Delannoy. Ils avaient également besoin d’être rassurés sur l’acquittement des droits indirects, ce que nous avons fait. »

Tous les réseaux ne sont pas aussi frileux. « C’est Biocoop qui nous a demandé de retirer les capsules de certaines de nos gammes référencées chez eux, annonce Magali Weiss, responsables marketing de Jacques Frelin Vignobles, le spécialiste des vins bio, basé à Montpellier (34). « À la place de la capsule, nous avons apposé le logo “Rapportez-moi pour réemploi”. Car l’objectif est aussi d’inciter les consommateurs à retourner les bouteilles dans les magasins pour qu’elles soient réutilisées. »

Mais une deuxième raison pousse l’entreprise à enlever le haut sur d’autres bouteilles de sa gamme : les difficultés d’approvisionnement. « Nous avons dû retarder des mises à cause du manque de capsules, affirme Magali Weiss. Les délais de livraison sont passés de deux à six mois. » Les vignerons étant tous confrontés à cette pénurie, il est possible que d’autres tentent l’expérience.