Axel Guilloteau : Je vais parler pour Verallia, pas pour les verriers. C’est compliqué depuis le covid. Au premier janvier 2022, on avait un niveau de stock historiquement bas. La raison principale c’est le covid, durant lequel il y a eu un ajustement des capacités, des investissements décalés. En avril 2020, je n’avais que quelques clients qui tournaient. Et il y a eu une reprise très forte après. La particularité du verre, c’est que les fours tournent 365 jours par an, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Le temps que les capacités se réajustent à la demande, on a fini l’année 2021 avec un niveau de stock historiquement bas.
Quels sont les niveaux chiffrés de ces stocks ? Quelles sont les évolutions des prix passées et à venir ?
Axel Guilloteau : Les stocks étaient historiquement bas : je n’en avais jamais vu aussi bas. Je n’ai aucun commentaire sur les tarifs.
Revenons à l’année en cours : quels en sont les faits marquants ?
Axel Guilloteau : En 2022, il y a trois évènements. Premièrement, la dynamique du marché a été soutenue jusqu’à maintenant. Deuxièmement, il y a eu l’évènement ukrainien qui nous a touché directement : Verallia a une usine en Ukraine (produisant du verre blanc). Notre première priorité a été de mettre en sécurité les équipes. Ensuite, nous avons repris la production sur l’un des deux fours (pour le marché local). Le deuxième four est prêt à démarrer : Verallia reste présent et actif en Ukraine. Le troisième évènement, c’est Jacques Bordat, le président de la Fédération des Industries du Verre, qui rappelle que 4 bouteilles sur 10 vendues en France viennent de l’étranger et que les importations de bouteilles d’Espagne et du Portugal baissent de 25 % cette année.
Il est clair qu’il y a une baisse des imports alors que l’année 2022 est très dynamique. La priorité de Verallia est de servir ses clients fidèles qui croient dans le "made in France". Et c’est ce que l’on a fait, je ne vais pas dire bien, je vais dire le moins mal possible. On a cherché à essayer d’accompagner tous nos types de clients, quel que soit le type de bouteille, quelle que soit leurs tailles : petits producteurs et multinationales. Les priorités que l’on a aujourd’hui, c’est produire, produire, produire le plus de bouteilles possibles. Que ce soit pour servir nos clients ou remonter du stock (qui sera du service client au final).
D’autres industriels indiquent réduire leurs productions au vu de la flambée des coûts de l’énergie…
Axel Guilloteau : Ce n’est pas le cas de Verallia. Notre message est très clair : nous ne sommes pas dans cette logique de réduction. Hormis l’Ukraine, tous nos fours tournent.
Quels seront les niveaux de stock de Verallia en 2023 ?
Axel Guilloteau : Le stock sera très très très bas. Très comparable ou pire par rapport à 2022.
Les délais d’approvisionnements restent incertains dans le vignoble : quelles sont les perspectives en termes de visibilité ?
Axel Guilloteau : Ça s’améliorera quand les stocks remonteront.
Sentez-vous des tensions sur les bouteilles de Champagne ou les bouteilles blanches pour les vins blancs/rosés ?
Axel Guilloteau : Quand je vois l’année 2022, j’ai vu des tensions sur tous les marchés. Qui peuvent avoir des dynamiques différentes.
Il semble que 2023 soit l’année de toutes les incertitudes : inflation, récession… Prévoyez-vous de nouvelles turbulences ?
Axel Guilloteau : La feuille de route de Verallia est de produire et donner le meilleur niveau de service possible à nos clients.
Avec les tensions sur les bouteilles en verre, est-ce que les demandes d’allégement ont été mis en suspens par les clients, devenant moins regardant ?
Marie-Astrid Gossé : Pas du tout, c’est l’inverse, la demande est croissante. Notre innovation s’articule autour de la créativité (pour la différenciation de nos clients) et de l’écoconception, où l’allégement est clé (avec une gamme créée depuis 14 ans, Ecova). On a allégé plus d’une centaine de références (ce qui est significatif) et on est dans une logique d’accélération (pour atteindre -46 % d’émission de CO2 pour les scopes 1 et 2, en valeur absolue d'ici 2030 par rapport à 2019). Chaque projet d’allégement est un projet d’innovation pour nous, particulièrement contraignant pour notre bureau d'étude et nos experts verriers : il faut modifier le moins possible les caractéristiques techniques et esthétiques de nos bouteilles. Ce sont des démarches complexes nécessitant de la collaboration. On travaille avec une maison de Champagne sur l’allégement de la bouteille de Champagne, déjà allégée de 65 grammes en 2009 pour l’alléger de 35 grammes si le test est concluant.
Le réemploi des bouteilles de verre est l’un des sujets forts de l’année 2022 : comment s’en saisit Verallia ? Est que des créations sont prévues ?
Axel Guilloteau : La consigne est inscrite dans la raison d’être de Verallia. Pour la France, notre feuille de route RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) s’engage à aider des projets de réemploi d’ici 2025. Verallia croit dans la consigne. On est convaincu de l’intérêt d’accompagner sur la consigne la filière (globalement, pas que pour le vin), pour accompagner les acteurs qui vont être moteur (sur la collecte, le nettoyage, etc.). Ensuite, il y aura un accompagnement sur la gamme de réemploi. On travaille en ce moment activement sur certains modèles. Dont un, "la fraîcheur" : on aimerait bien la lancer rapidement, et si jamais il y a des candidats qui veulent se lancer sur "la fraîcheur" 1 litre réemployée, ils peuvent tout à fait contacter Verallia.
Certains considèrent que la consigne est un retour dans le passé qui retombera dans l’oubli dès qu’il n’y aura plus de tensions sur le prix de l’énergie…
Marie-Astrid Gossé : On est convaincus que les filières du recyclage et du réemploi sont complémentaires. Ce n’est pas un retour en arrière, c’est juste reconstruire un écosystème.
Axel Guilloteau : La consigne, telle qu’on la voit, n’est pas un épiphénomène avec un sujet inflation. C’est une tendance durable.