’est une nouvelle version du paradoxe existentiel de la poule et de l’œuf : est-ce parce que le prix d’un vin est élevé qu’il opte pour une bouteille de verre et un bouchon de liège, ou cet emballage est-il la source de la valorisation du vin qu’il renferme ? Entre les causes et les effets, la Fédération des Industries du Verre et les Professionnels du Liège ont choisi : ils communiquent cet automne sur la plus-value apportée par leurs produits sur le marché français vis-à-vis de la concurrence (les BIB pour les verriers, les capsules à vis et autres bouchons synthétiques pour les bouchonniers adeptes du liège).
Ayant demandé à l’institut Nielsen d’étudier le type de bouchage des 115 bouteilles de vin les plus vendues en valeur (avec un prix de vente) entre 6 et 17 euros sur le réseau de la grande distribution (en IGP et AOP, hors marques de distributeurs), les Professionnels du Liège concluent dans un communiqué que l’étude « démontre la supériorité en volume (71, 1 %) et en valeur (73,8 %) du bouchon en liège sur le marché, et la valeur ajoutée qu’il apporte aux vins quelles que soient la couleur et l’appellation », car « les bouteilles bouchées liège ont systématiquement un prix supérieur aux autres types de bouchon, et l’écart s’accroît en montant en gamme ». Bref, pour les vendeurs de liège, « l’étude a permis de démontrer le leadership du liège sur le marché français et la valeur apportée par ce matériau » face aux bouchons synthétiques, à vis et en verre.
Ayant demandé aux panels IRI de comparer les performances économiques des linéaires de vins blancs selon qu’ils soient constitués de bouteilles en verre ou de BIB, la Fédération des Industries du Verre annonce sobrement une « étude IRI verre vs BIB : la bouteille de vin blanc, source de valorisation sur le marché des vins tranquilles ». D’après les mesures effectuées de janvier 2021 à janvier 2022, les verriers ajoutent que plus la « part de linéraire est forte (de 5,5 à 18,2 %) et plus leur part de marché est élevée (de 17,5pts à 35,2 pts en fonction de leur PDL allouée). Mais ceci ne développe pas les performances volume du linéaire du marché global des vins tranquilles blancs (stable à 21L/m linéaire). Et surtout, cela dégrade les performances en valeur de ce même linéaire (de 141 euros par mètre linéaire à 112 €/m lin.) » en supermarché. En somme, « l’étude, focalisée sur les vins blancs (seule catégorie en croissance), démontre la capacité de la bouteille en verre à contribuer à la valorisation de ce segment au sein des rayons en grande distribution ».
Pouvant sembler chiffrer une évidence (plus un rayon vend un contenant à valeur ajoutée, plus il performe), cette étude doit permettre de dégager de la valeur sur les vins tranquilles indique, en visionférence de presse ce 9 novembre, Jacques Bordat, le président de la Fédération des Industries du Verre, marché français atypique pour présence BIB forte par rapport autres marchés. Défendant la pertinence de son travail, Éric Marzec, directeur de clientèle pour l’univers des liquides d’IRI souligne que cette étude est opérationnelle pour les chefs de rayon, donnant une limite à ne pas dépasser de la part du BIB.


Les pincettes pour prendre les conclusions de l’étude sur le bouchage sont encore plus nettes pour Jean-Marie Aracil, chargé de mission des Professionnels du liège, pour qui on parle moins d’outil assurant une valeur ajoutée, que de fourniture qui « participe à la perception de valeur. Ce ne sont pas des croyances sans éléments, on a des données qui permettent de dire qu’on le voit sur la majorité des marchés. » Lors d’un échange avec Vitisphere cette fin novembre, l’expert reconnaît que dans la boîte noire des bouchons en liège se trouvent aussi de nombreuses qualités complexifiant la lecture de l’étude : « plus on va monter en gamme, plus on va trouver de bouchons en lièges monopièces, et plus on va redescendre et plus on va retrouver de bouchons microagglomérés ».
Toute la question reste posée : peut-on affirmer qu’il y a une valeur-ajoutée assurée par la bouteille en verre et/ou le bouchon en liège ? Les opérateurs de la filière vin répondraient sans doute qu’ils préféreraient d’abord avoir le choix, pour ne pas dire le luxe, des prix et délais d’approvisionnement pour leurs matières sèches… Vignerons et négociants pourraient ajouter qu’entre les causes et les effets, chacun peut trouver midi à sa porte en s’y prenant bien. Dans l’absolu, l’emballage semble constituer un atout de cohérence : le contenant affirmant le positionnement prix de son contenu, il doit répondre à un certain positionnement. Et donc afficher certains codes attendus à l’achat et à la dégustation, les traditionnels bouchons en liège, bouteilles en verre, capsules de surbouchage…
Pour ces dernières, une étude récente démontre justement qu’elles ont plusieurs rôles essentiels pour les consommateurs indique Isabelle Guard, directrice marketing du groupe Crealis (capsules Sparflex notamment). Mené avec l’école d’Angers et l’agence SoWine en octobre dernier, un focus group indique la capsule a cinq rôles pour le consommateur : l’image par la perception de valeur, la participation au rituel d’ouverture, le repérage dans le rayon, la sécurité sur l’origine du produit et le respect de l’hygiène… Une demande de consommateurs classique, répondant à une offre traditionnelle du rayon vin ? Communiquant au final sur des dynamiques éprouvées, les fournisseurs pourraient tout simple illustrer la citation de Jean Cocteau (Les mariés de la Tour Eiffel, 1921) : « puisque ces mystères me dépassent, feignons d'en être l'organisateur ».