ichel Chapoutier le sait et l’assume : l’idée d’ajouter de l’eau dans les vins aux maturités trop conséquentes est une marotte qu’il est bien seul à porter. « Tout le monde se moque de moi, [mais] je ne parle pas de mouillage : je parle de réhydratation » indique le négociant rhodanien lors d’une riche conférence à la Cité du Vin de Bordeaux ce 29 mars (voir encadré pour quelques bons mots et franches saillies). Pouvant sembler iconoclaste, la proposition œnologique de Michel Chapoutier cherche à rééquilibrer les maturités techniques et phénoliques. Car face au changement climatique, « jusqu’où va-t-on monter au niveau des degrés alcooliques ? » pose le négociant, qui fait état d’expériences menées par l’interprofession des vins du Rhône (Inter-Rhône) pour comparer les techniques de désaccharisation, désalcoolisation et réhydratation. Pour Michel Chapoutier, « il n’y a pas photo, sur les trois techniques, la plus simple est la réhydratation ».
« Ce que j’ai essayé de vendre aux Fraudes et à l’INAO c’est que si l’on continue [sur la voie d’un réchauffement climatique], qu’on puisse intégrer le principe de réhydratation » explique Michel Chapoutier, qui détaille : « je suis sur une parcelle qui est à 40 hl/ha potentiel et je vois que pour aller chercher la maturité des tanins, je vais, par évaporation, perdre [du volume] et descendre à 34 hl/ha par exemple. Ces 6 hl/ha que j’ai perdu par transpiration, pourquoi n’aurai-je pas le droit d’en réintroduire 2 hl/ha ? »
Rock’n Rhône
Se rappelant la richesse du millésime 2003, « hyper concentré », Michel Chapoutier se souvient d’avoir souvent ajouté en dégustation une cuiller à café d’eau dans le verre pour retrouver légèreté et finesse. Si l’administration n’envisage pas actuellement d’autoriser la réhydratation des vins, Michel Chapoutier peut toujours se rattraper avec l’ajout dans son verre de vin d’eau ou de glaçons. Et d’évoquer le concept de festival Rock’n Rhône qu’il se rappelle avoir proposé il y a quelques années : « on sert un Côtes-du-Rhône avec des glaçons, pour démocratiser. Quand j’étais gamin, on coupait le vin à l’eau dans le Vercors. Mettre des glaçons dans le vin rouge, il faudra y arriver sur des vins décontractés. » L’enjeu pour le négociant étant de trouver de nouvelles modes de consommation alors que la déconsommation gagne du terrain. Et que le consommateur met pour le coup trop d'eau dans son verre à vin.