i Archimède s’écria "eurêka !" en son temps, l’Armagnac peut s’exclamer "eugénol !" Typique des vignes hybrides Baco, ce composé a des qualités antiseptiques connues à la vigne (comme un biocontrôle) qui a certainement des capacités sensorielles (à valider en laboratoire) indique Marie-Claude Ségur, la responsable R&D du Bureau National Interprofessionnel d’Armagnac (BNIA), présentant le bilan de la deuxième année de travaux sur le cépage gascon ce 28 octobre à la maison du vignoble de Gascogne et d’Armagnac à Eauze (Gers). Cofinancée par la région Occitanie et coordonnée par le BNIA, une thèse est en cours sur « la contribution de l’eugénol aux mécanismes de défense naturelle de ce cépage et aux qualités organoleptiques ».
Les essais en laboratoire confirment que l’eugénol est une molécule inhibant le développement du Botrytis (avec des différences selon les formes du composé*). D’après les premiers essais viticoles sur le domaine de Mons, Marie-Claude Ségur souligne que l’effeuillage, induit un stress et augmente la teneur des baies de raisin en eugénol. Ce qui en fait une molécule inductrice : « l’eugénol a le comportement d’une molécule de défense de la plante qui se concentre jusqu’à la véraison et est ensuite libérée progressivement » note la responsable R&D, pointant « des différences marquées de concentration en eugénol selon les clones ».


Analytiquement, les travaux de microvinification et de dégustation permettent de montrer que les vins de Baco peuvent être qualifiés de légèrement foxés (comme d’autres cépages hybrides), mais ce caractère ne se retrouve pas dans l’eau de vie : « ça ne passe pas. D’où les difficultés sensorielles à définir le baco » indique Marie-Claude Ségur, qui note les perspectives d’enzymage pour libérer l’eugénol sous forme liée. « Notre travail ne montre pas d’effet somesthésique de l’eugénol en bouche. Il n’y a pas d’effet sur volume. Peut-être y-a-t-il un effet aromatique indirect ? » esquisse Marie-Claude Ségur, ouvrant de nouveaux sujets de recherche.
En attendant, « le baco a déjà sauvé l’Armagnac du phylloxéra. Il est redevenu un cépage primable par FranceAgrimer. Il est solide dans le vignoble (craignant moins mildiou et oïdium) et différent gustativement : c’est une vraie identité » pose Jérôme Delord, le nouveau président du BNIA.
* : « Il y a des formes libres et liées, qui peuvent être libérées progressivement à la vigne, au chai et probablement à la distillation » indique Marie-Claude Ségur.