yant longtemps fait figure d’hybride mal-aimé, le Baco 22 A aurait toutes les qualités pour devenir le cépage emblématique de l’Armagnac à en croire Cyril Laudet, le gérant du château Laballe (19 hectares en AOC Armagnac). Commercialisant 5 000 bouteilles d’une cuvée baptisée Résistance, son domaine est fier d’annoncer un assemblage des millésimes 2009, 2010 et 2012 à 100 % issu de Baco blanc (commercialisé 49 €/col, pour le réseau traditionnel). Iconoclaste avec sa gravure de l’insecte phylloxérique, cette étiquette doit lutter contre des idées préconçues très ancrées en Armagnac : « depuis mon enfance, on me dit que le Baco demande 20 ans pour être bon… Alors qu’à la dégustation, il montre une très bonne buvabilité en dix. Tout en étant aromatiquement, plus suave que l’ugni blanc » rapporte Cyril Laudet.
Pour le vigneron, miser sur un cépage originaire du Bas-Armagnac* est la meilleure façon de distinguer les eaux-de-vie landaises de celles charentaises. « On est tout le temps en train de comparer l’Armagnac au Cognac, mais ce ne sont pas les mêmes mondes. Comme nous utilisons le même cépage principal, l’ugni blanc, il faut se différencier. L’identité armagnacaise passe par le Baco » tranche Cyril Laudet. Avec l’axe de la redécouverte d’un cépage mal-aimé, l’Armagnac peut communiquer sur d’autres éléments que sur les volumes et le prix. « On peut enfin parler de millésime, de terroir, d’assemblage… » soupire le vigneron landais.
Pour ses aficionados, le Baco ne manque pas vertus, au-delà de sa résistance racinaire au phylloxéra. Facile à travailler, ce cépage est résistant aux maladies cryptogamiques : mildiou et à l’oïdium. Ce qui permet de réduire drastiquement les passages de phytos. Par exemple avec seulement 4 traitements conventionnels pour ces parcelles sur une année de forte pression comme 2018 au château Laballe. Le Baco connaît également un développement plus tardif que l’ugni blanc (lui permettant de mieux résister au gel), ses bois sont durs (évitant les dégâts liés à des coups de vent). « Son seul défaut apparaît au pressurage, où il y a des difficultés à former un bouchon » concède Cyril Laudet.
Le vigneron possède 2 hectares de Baco en franc de pieds, plantés dans les années 1950, et 2 ha plantés en 2016, cette fois sur porte-greffe. Ce que regrette Cyril Laudet : « les francs de pied sont de meilleure qualité. Dommage que les ceps non-greffés ne soient pas prévus dans les plans d’aide à la restructuration… »
* : Le Baco a été obtenu à Bélus par l’instituteur landais François Baco à la fin du XIXème siècle, après avoir croisé un cépage européen, la folle-blanche, avec un hybride depuis interdit, le noah. Son obtention a été baptisée Maurice Baco 22A, en hommage à son jeune fils disparu.