euilles jaunies et racornies semblent se multiplier dans le vignoble bordelais entre le coup de chaud de la mi-juillet et le manque d'eau de cette année qui frappent dans les Graves, le Médoc... « La vigne résiste aux chaleurs, même extrêmes, quand elle est en bonne santé, avec un système racinaire bien implantée et qu'il y a de la réserve hydrique » pointe Bruno Samie, conseiller viticulture pour la Chambre d'Agriculture de Gironde (CA33), qui rapporte que « les jeunes vignes souffrent : les feuilles du bas se retournent et se dessèchent. Les vignes faibles, mal implantées ou sans réserve sur des terroirs asséchants de graves profondes. On voit plutôt [les symptômes d'échaudage] sur les feuilles, avec quelques brûlures sur les grappes de parcelles où l'effeuillage traditionnel a été maintenu, alors que le millésime ne s'y prête pas. »
Face au feuilles jaunissant et tombant, des appellations demandent la levée de l'interdiction d'irrigation à l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO). Des dérogations ont été octroyées à Pessac-Léognan (pour sa troisième campagne dérogatoire) et à Pomerol (pour sa première année, suite à la récente évolution de son cahier des charges). Actuellement, une douzaine de propriétés apportent de l'eau à leurs vignes asséchées à Pessac-Léognan. « Ce sont souvent de jeunes vignes, de 4 à 10 ans, mais pas que, si les enracinements sont peu profonds » indique Jacques Lurton, le président du syndicat viticole des Pessac-Léognan. Ayant eu l'expérience de l'irrigation dans le nouveau monde viticole, il souligne l'importance d'être réactif : « quand la plante a un stress hydrique, il faut lui donner à boire de suite. Nous sommes rentrés dans une période de stress très compliquée. Pour l'instant, on ne s'oriente pas vers une récolte aussi massive qu'espérée. S'il n'y a pas d'eau avant vendanges, nous allons avoir des problèmes de rendement en jus. »
Fixé par l'article D645-5 du Code Rural, le principe d'irrigation en appellation c'est l'interdiction rappelle Jean-Marie Garde, le président du syndicat viticole de Pomerol, qui souligne le cadre exceptionnel de cette demande, suivie par l'INAO pour permettre aux jeunes vignes de bien s'implanter : « il s'agit de la pérennité du vignoble ». Alors que le vignoble AOC souhaite pouvoir irriguer au-delà du 15 août, il va d'abord falloir penser à l'approvisionnement du vignoble en eau pointe Jean-Marie Garde. « Ce n'est pas parce que l'on a l'autorisation d'irrigation que l'on peut ouvrir le robinet. Ce n'est pas si simple » pointe Bruno Samie, rappelant que la Gironde est sous arrêté préfectoral limitant l'accès à la ressource. Bénéficier d'eau « est tout le problème de l'irrigation sur le long-terme. Ce n'est pas résolu » indique Jacques Lurton, qui pose la question d'une refonte des pratiques viticoles bordelaises : « on a établi le modèle bordelais sur une pluviométrie de 800 à 1 200 mm/an avec des terroirs drainés et une viticulture faisant rentrer la vigne en stress hydrique. Il va falloir s'adapter. »