ourquoi tant de haine ? « Il faut absolument que la profession [viticole] ne se divise pas entre la bio, la Haute Valeur Environnementale (HVE) et le conventionnel » explique à la tribune Ludovic Roux, le président de section Occitanie des Vignerons Coopérateurs ce 30 juin lors du congrès national des caves coopératives, au domaine du Lazaret (à Sète, Hérault). « Ça serait catastrophique pour tous. On a intérêt au développement de tous : la bio permet de réduire les pesticides, évidemment il y a des sujets sur le bilan carbone, mais l’opposition est inutile et même mortifère » se rattrape-t-il de justesse avant de lancer un débat polémique.
« Si nous voulons réussir à relever le défi [des transitions agroenvironnementales] sur le long terme, mon message est clair : n’opposons pas les modèles et faisons preuve de pragmatisme » confirme dans son discours de clôture Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs de France, qui analyse les ressorts de cette opposition croissante entre bio et HVE : « les crises sanitaires et économiques que nous traversons ont défavorisé la consommation de produits bio, plus coûteux à produire et donc plus chers à la vente. Certains tenants de cette filière ont voulu fortement médiatiser le duel entre les agricultures ou viticultures bio et HVE. Et porter ces difficultés sur l’émergence de produits labelisés HVE. En réalité, ce duel n’existe que dans leurs têtes. Leur manque d’argument pour positiver le bio est désespérant quand on sait l’énergie nécessaire à ces parcours de production… »
Soulignant que les viticulteurs bio et HVE cohabitent sans souci dans la vie quotidienne des caves coopératives, Joël Boueilh se demande « pourquoi tirer sur les producteurs HVE qui engagent l’agriculture conventionnelle dans une démarche de progrès ? » Les débats actuels sur les montants d’aides européennes pour les écorégimes de la prochaine Politique Agricole Commune (PAC 2023-2027) peuvent constituer une piste réponse. Alors que la certification HVE ne cesse de se développer (+24 % de vignobles certifiés au dernier pointage), « les pouvoirs publics doivent nous donner les moyens de poursuivre, de travailler de manière constructive et complémentaire entre les modèles » pointe Joël Boueilh, notant que dans le cadre de la Commission Nationale de la Certification Environnementale (CNCE), « les évolutions du référentiel HVE, telles que voulues par le gouvernement, nous interpellent. Nous avons signalé nos difficultés et nous ne sommes absolument pas entendus. Nous ne pouvons pas nous contenter de cette fin de non-recevoir. » Si la filière vin a fait une croix sur l’existence de la voie B (la certification comptable, minoritaire dans la certification), la réforme de la voie A inquiète (en termes de phytos, d’irrigation, de biodiversité et de fertilisation). La CNCE doit rendre des conclusions indicatives au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, qui doit ensuite statuer pour une réforme de la HVE effective au premier janvier 2023.


Face aux pressions sociétales croissantes, « je dis à tous ces gens qui voudraient arriver pour donner des leçons à tout le monde et qui ne sont pas nés au milieu de ce monde [vigneron] de regarder les efforts considérables qui ont été faits par la viticulture des années 1970 à aujourd’hui » souligne Yvon Pellet, conseiller départemental de l’Hérault, pour qui « il faut que le monde viticole communique positivement. Vous avez tendance maintenant à subir les critiques. » Avant de reprendre le pilotage de sa communication, la filière vin espère reprendre en main la politique d’encadrement de sa production. La stratégie européenne de la ferme à la fourchette (ou farm to fork) inquiète particulièrement.
« La profession est prête à faire des efforts. Il faut comprendre que si l’on interdit certaines pratiques, il faut pouvoir les remplacer par d’autres et aujourd’hui nous ne sommes pas prêts sur tous les sujets. Notamment sur les phytosanitaires » indique Hervé Schwendenmann, le président de la commission développement durable des Vignerons Coopérateurs. Pour faire évoluer les pratiques, le viticulteur alsacien note que l’« on a tendance dans la société à vouloir chercher des solutions d’il y a 50 ans et je pense que les solutions on est en train de les trouver en partie : on les trouvera demain avec le numérique, la robotique, la génétique… » Soit une viticulture vertueuse du futur, au-delà des labels actuels.