l’occasion de son assemblée générale, la fédération des IGP de l’hérault a intégré à son ordre du jour un débat sur l’intérêt des démarches agro-environnementales à l’échelle d’une IGP de territoire. C’est l’ex-directeur général de l’IFV Jean-Pierre Van Ruyskensvelde, intervenant en sa qualité de président de l’IGP Saint-Guilhem et vigneron du domaine de l’Anio, à Aniane, qui a ouvert le débat en déroulant les intérêts de ces démarches pour un vigneron et son territoire. « La dimension agro-écologique est devenue une partie intégrante du métier car, par-delà la convivialité qu’apporte le vin, le développement durable est devenu incontournable pour la valorisation du territoire d’origine de ces vins. La pression sociétale s’exerce autant au niveau local avec des riverains soucieux des pratiques des vignerons qui les entourent, qu’au niveau international », présente-t-il.
S’il souligne volontiers les bénéfices de ces pratiques agro-environnementales dans le vignoble, tant pour la préservation environnementale du territoire que pour l’image de celui-ci, le vigneron d’Aniane ne manque pas de souligner les contraintes techniques et financières qu’elles entraînent, autant que l’embouteillage des certifications pour les faire reconnaître. « Réduction des phytos, gestion des sols pour en favoriser la vie, préservation de la biodiversité, de la ressource en eau, de la qualité de l’air en supprimant la dérive, réduction de l’empreinte carbone… Ces pratiques augmentent les coûts de production et ont un impact sur le rendement. Comment donc créer de la valeur et quelle certification choisir ? », pose le président de l’IGP Saint-Guilhem.


Et les réactions dans l’assistance ne se font pas attendre, tant le sujet touche au cœur des vignerons souvent désemparés par l’escalade de contraintes qu’on attend d’eux, « alors que nous ne voyons arriver aucune contrepartie », tonne l’un d’eux. Du tac au tac, son voisin vigneron dans la vallée de l’hérault renchérit même par un cinglant « dans quelques années, la biodiversité aura complètement repris ses droits puisque nous n’existerons plus, elle aura donc toute la place pour se développer en toute tranquillité !». Un brin provocant mais pas si éloigné du sentiment général qui voit les vignerons enchaîner les griefs à l’encontre de pratiques dont ils comprennent l’enjeu, mais qu’ils refusent de devoir assumer sans aide et sans valorisation supplémentaire pour les vins.
Président de la cave coopérative d’Herepian, qui produit des vins IGP de la haute-vallée de l’Orb, dans les hauts cantons de l’hérault, Philippe Coste résume le désarroi qui touche les adhérents d’une structure comme la sienne. « Dans notre secteur, toutes les parcelles sont déjà escarpées et nécessitent un travail conséquent pour des exploitations de taille modeste et une grande majorité d’adhérents qui approche la soixantaine. L’attente sociétale ne nous laisse pas d’autre choix qu’aller vers ces certifications agro-environnementales, mais à quel prix ? Chez nous, le constat est simple : tous ces vignerons en fin de carrière vont préférer s’arrêter plutôt que s’astreindre à de nouveaux surcoûts et des contraintes supplémentaires. Le déclin de notre coopérative n’est pas près de s’arrêter », assène-t-il avec amertume.
Entre la fracture entre une part de la société et ses agriculteurs et des contraintes toujours plus importantes de préservation de l’environnement, tous se rejoignent sur « la nécessité d’un accompagnement fort de l’Etat, alors que nous avons déjà consenti à beaucoup d’efforts pour nous mettre à jour avec la HVE, mais au bout, il n’y a pas de contrepartie financière », appuie un vigneron du biterrois. « Si c’est une cause nationale et que l’opinion publique exige ces efforts, l’Etat doit jouer son rôle et apporter une aide nationale. Chaque fois que nous avons du nous adapter à des évolutions, nous n’en avons pas vu la répercussion sur nos revenus. Des moyens conséquents sont nécessaires sous peine de disparition massive de notre profession ! », rebondit immédiatement son voisin.
Dans le bassin languedocien, qui, en l’espace de quelques décennies, est passé d’une production de plus de 30 à moins de 12 millions d’hl, le sujet de cette transition agro-écologique réveille les cicatrices d’étapes douloureuses de la mutation qualitative du vignoble. Mais alors que les IGP de territoires enregistrent une spirale de consommation et de valorisation croissantes, au détriment des IGP de département, les représentants de la profession tirent la sonnette d’alarme d’une mutation qui pourrait sonner le glas pour une grande partie d’entre eux.