5% des vins rouges de Bordeaux vinifiés sans sulfites présentent des défauts. C'est le constat d'Edouard Pelonnier-Magimel, post-doctorant à l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de Bordeaux.
Le thésard a présenté ses travaux à l'occasion de la conférence Oenofutur organisée ce 22 avril par l'Université de Montpellier. « Nous avons acheté en 2018 52 vins des millésimes 2015 et 2016 étiquetés sans soufre dans des grandes surfaces, chez des cavistes, ou directement à la propriété, explique-t-il. En parallèle, nous avons collecté des vins équivalents en termes de prix, de région géographique, et d'impact boisé, mais contenant du SO2 ».
Les chercheurs ont d'abord dosé le SO2 total dans tous les vins. « Seuls 43 dans 52 vins supposés sans sulfites ajoutés respectaient la limite réglementaire de 10 mg/L. 4 en contenaient plus de 30mg/L et ont été écartés de l'étude » indique Edouard Pelonnier-Magimel. Les vins restants ont été dégustés à l'aveugle par huit étudiants préparant le DNO (diplôme national d'œnologue) connaissant très bien les vins de Bordeaux.
« 75% des vins sans SO2 ajouté ont été jugés comme à défauts par au moins trois des dégustateurs, avec une majorité de vins oxydés, 25% avec des notes liées aux brettanomyces, et 14% aux goûts de souris ». A l'inverse, seuls 25% des vins de 2015 avec sulfites présentaient des défauts. « Les dégustateurs n'en ont trouvé aucun pour le millésime 2016 ».
23 dégustateurs ont ensuite trié à l'aveugle les vins sans défauts. En olfactif ou en bouche, ils ont bien réussi à séparer les vins produits avec ou sans SO2. Ils les ont aussi discriminés par origine géographique (rive droite ou gauche).


Pour évaluer l'espace sensoriel des vins sans sulfites ajoutés, l'Institut Français de la Vigne et du Vin a ensuite vinifié un même merlot selon trois modalités : sans sulfites, sans sulfites mais avec bioprotection, et avec sulfites.
« Nous l'avons fait sur un lot vendangé à la date choisie par le viticulteur, et sur un deuxième lot récolté une semaine plus tard » précise le post-doctorant. Lors de tests triangulaires, les vins sans sulfites ont toujours été perçus différents, quel que soit leur niveau de maturité. « Ils ont été décrits comme plus frais avec des arômes de menthe, de cassis et de cerise cuite plus intenses. A l'inverse, les vins avec SO2 ont été jugés plus fumés » explique Pelonnier-Magimel.
Les chercheurs ont ensuite réalisé des dosages chimiques et trouvé plus de salicylate de méthyle dans les vins vinifiés sans sulfites, à l'arôme de camphre, et généralement retrouvé dans les vendanges à l'état sanitaire dégradé. Il leur reste à comprendre pourquoi.