our la vinification des vins sans sulfites ou avec des doses réduites, les vignerons disposent d’une nouvelle arme : Initia. Cette levure non-Saccharomyces, sélectionnée par Lallemand en partenariat avec l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) et distribuée par l’Institut Coopératif du Vin (ICV), a montré des résultats prometteurs lors des dernières vendanges. Retours positifs dans l’Hérault.
Brice Marquet, directeur de la cave coopérative de Montaud, en témoigne : « Nous l’avons utilisée sur 800 hl de sauvignon que nous avons stabulés à froid (entre 2 et 5 °C) pendant huit à dix jours. Nous avons également ajouté Oxyvor à ces moûts, une levure inactivée riche en glutathion, toujours dans l’optique de les protéger contre l’oxydation. En général, nous utilisons 4 à 5 g/hl de SO2 lors de la stabulation pour éviter le départ en fermentation. Cette année, avec 1,5 g/hl, nous avons obtenu des vins beaucoup plus aromatiques qu’habituellement et une très belle typicité sauvignon. » Pourtant Brice Marquet était plutôt sceptique avant ces essais. « Avec une récolte amoindrie par le gel, nous étions plus dans une logique de réduire nos coûts plutôt qu’augmenter nos intrants. L’ajout d’Initia et Oxyvor représente un surcoût de 4 €/hl, qui n’est pas compensé par la baisse de SO2, mais au final, on s’y retrouve car ces vins ont été mieux valorisés », assure le directeur.
La cave a également fait son premier essai de vinification de rouge sans sulfites. Pour cette cuvée de 550 hl de merlot bio, Initia a été rajoutée à la récolte. « Nous avons demandé aux adhérents de réhydrater la levure et de la pulvériser directement dans les bennes, rapporte Brice Marquet. Puis nous avons injecté Oxyvor lors des transferts des vins finis. Là encore, le résultat nous satisfait : les vins ont plus de fruit et de fraîcheur, et ils paraissent plus francs. Mais je ne sais pas quelle est la part d’Initia dans ce résultat. Ce millésime très particulier a-t-il aussi eu son rôle ? Il faut faire des essais sur trois ans au moins pour s’assurer de l’effet de ces produits. »
À la cave de Saint-Mathieu-de-Tréviers, Michel Marty, le directeur, est tout aussi satisfait : « J’ai été bluffé par le résultat. Nous avons fait stabuler des sauvignons sur bourbes dans des cuves en vidange, car avec le gel, nous avons eu du mal à les remplir. Nous avons pu maintenir ces cuves au froid pendant six jours, sans sulfitage. Nous avons surveillé de très près ces moûts et n’avons constaté aucune oxydation. Nous avons également contrôlé l’implantation de la levure, car la teneur en azote étant faible, on en doutait. L’analyse microbio a validé le bon développement d’Initia. » Un autre essai sur viognier, également macéré à froid, a conduit au même résultat. Des vins très frais et expressifs. Oxyvor a été ajouté durant l’élevage, juste avant la stabilisation par électrodialyse de ces vins levurés avec Initia. Là encore, les résultats sont spectaculaires. « Nous avions noté l’apparition de notes oxydatives. Mais dix jours après ce traitement, le vin était rafraîchi ». Michel Marty n’a pas encore calculé le surcoût de ces intrants par rapport au SO2, mais ces cuves étant destinées à sa gamme de bouteilles, qui est bien valorisée, il estime que le jeu en vaut la chandelle.
À la cave de Bessan, Delphine Berruezo, la directrice a testé Initia sur des sauvignons stabulés sur bourbes à froid. « Nous faisons des macérations longues d’une semaine et jusqu’à quinze jours. Pour éviter de trop sulfiter, jusqu’ici, nous utilisions des levures non-Saccharomyces pour occuper le milieu. La capacité d’Initia à consommer l’oxygène est un plus que nous avons voulu tester », confie-t-elle. L’addition d’Initia à 25 g/hl a permis de tenir les stabulations, sans ajout de SO2 et sans apparition de notes oxydatives. « Est-ce l’effet Initia ? Difficile d’en être sûrs car nous n’avions pas de cuve témoin. Mais force est de constater que malgré les pompages nécessaires pour maintenir la cuve au froid, qui sont souvent source d’oxygénation, nous n’avons eu aucun caractère oxydatif, témoigne la directrice. C’est un produit qui coûte cher, mais comme les vins traités entrent dans nos assemblages pour nos bouteilles, même si nous avons un léger surcoût, il ne faut pas hésiter. Il vaut toujours mieux prendre les bonnes mesures dès le départ plutôt qu’avoir à corriger des oxydations sur vins finis. » L’an prochain, Delphine Berruezo renouvellera l’expérience en comparant avec une cuve témoin pour apprécier l’efficacité du traitement.
Initia est une Metschnikowia pulcherrima. Comme toutes les levures de cette espèce, elle immobilise le fer, privant ainsi les autres non-Saccharomyces (Brettanomyces, Candida apicola, Pichia…) de ce micronutriment indispensable à leur développement. Elle résiste aussi aux basses températures et n’a pas de pouvoir fermentaire. En plus de ces atouts, Initia consomme une partie de l’oxygène dissout dans les moûts, offrant ainsi un levier pour la réduction des doses de SO2. Sur les essais menés par l’ICV lors de débourbages à froid, la consommation d’oxygène dissout varie de 0,29 mg/l/heure pour un ajout de 10 g/hl de cette levure ; de 0,70 pour 20 g/hl et de 1,30 pour 30 g/hl. Initia doit être réhydratée à l’eau à 20-25 °C, et utilisée dans les trois heures qui suivent. Les Å“nologues de l’ICV soulignent qu’elle peut consommer jusqu’à 60 mg/l d’azote en deux jours. « Il convient donc de doser l’azote assimilable avant d’ensemencer les moûts en Saccharomyces pour éviter que des problèmes de fermentation consécutifs à des carences en azote gomment l’effet bénéfique d’Initia », indiquent-ils. Prix de vente autour de 90 €/kg.