as de poisson d’avril dans cette lettre, mais l’espoir de crier au loup pour avoir finalement de fausses alertes au gel dans le vignoble français durant ce week-end tout sauf printanier. Si le faible développement végétatif des vignes laisse espérer qu’il y aura finalement plus de peur que de mal, le mal est déjà fait pour le moral vigneron. Sans même attendre un premier dégât sur un bourgeon, il s’exerce déjà une énorme pression psychologique sur un vignoble par trop éprouvé. Comme leurs vignes, tous les vignerons sont dans le coton actuellement. Alors que le vignoble semblait prendre son temps après un hiver frisquet, voici la mauvaise surprise du coup de chaud de ces dernières semaines : une accélération de la phénologie qui surprend… Et rappelle le mauvais souvenir du millésime 2021, encore tout frais, si l’on peut dire.
Le froid est évidemment un phénomène météorologique normal en avril (les saints de glace n’étant pas passés rappellent les anciens), mais il est anormal qu’il y ait eu autant de chaleur en mars. Cette douceur des hivers inquiète : elle allonge la période du risque gélif et donc les potentielles pertes de récolte, sans parler de l’épuisement mental de ce supplice vigneron. Avec le changement climatique, il est probable que ces rencontres malheureuses entre vague de froid et vignes débourrées se répètent à l’avenir. Par pertes et profits, ce risque croissant va devoir être intégré dans la comptabilité des domaines viticoles. Et donc être répercuté dans les prix : ce qui s’annonce complexe quand on voit les difficultés actuelles de répercussion des augmentations des prix des matières sèches.
Pour assurer son avenir, la filière doit réfléchir à de nouveaux outils, comme la mise en réserve. Pour alimenter ces réflexions stratégico-économiques, lisez le grand entretien accordé par le négociant champenois Jean-Marie Barillère à Vitisphere alors qu’il quitte ses mandats dans la filière vin. Partageant les enseignements de ses décennies passées au cœur du réacteur vitivinicole, l’ingénieur agronome note la réussite du modèle champenois de résilience, autant que l’existence de pistes d’amélioration pour en renforcer l’efficacité. On lira également son conseil de ne pas s’élever contre les éléments en luttant vainement, mais de faire partie du mouvement pour l’accompagner avec fluidité. Si le vignoble s’inquiète aujourd’hui d’une nouvelle chute de sa production pour le millésime 2022, il doit également garder en tête les défis de la déconsommation pour l’avenir.
Estimant que le marché français est voué à continuer de décliner, le négociant rhodanien Michel Chapoutier appelle ainsi la filière à miser sur l’export. Pour s'adapter au changement climatique et à la hausse des degrés alcooliques, il propose aussi de réhydrater les vins en ajoutant de l'eau ; si certains sont dubitatifs, d'autres notent l'intérêt et les résultats de la méthode, bref : c'est tout sauf un poisson d'avril.