Avant, quand on arrachait, on se posait la question de savoir quand et comment l’on avait le droit de brûler les ceps » se souvient Laurent Mauvillain, viticulteur sur 30 hectares de vignes bio à Braud-et-Saint-Louis (Gironde). Une question qu’il ne se pose plus depuis qu’il fait appel à la start-up bordelaise Vinea Énergie, qui lui a déjà ramassé les bois de trois parcelles pour en faire du bois d’énergie. Soit deux biocombustibles : des plaquettes et « des pellets à 100 % de pied de vigne, sans additif et aussi calorifiques que le chêne » indique Romain Guillaument, le cofondateur et président de Vinea Énergie, qui opère actuellement dans les vignobles bordelais et charentais.
« Ça reste dans une idée de recyclage des ceps de vignes au lieu de les brûler pour rien, on leur donne une deuxième vie » indique Laurent Mauvillain, que salue la simplification apportée par l’entreprise : « il suffit de se connecter sur leur site, de récupérer une feuille d’intervention, d’indiquer la position GPS, de préparer le tas de bois (retirer les piquets de bois et de fer), à proximité d’un chemin accessible par un camion » pour que les ceps soient réceptionnés et utilisés comme sources d’énergie. Le tout gratuitement.


« Nous proposons un service simple et gratuit : nous sommes les concurrents de l’allumette » pose avec humour Alice Shaw, la cofondatrice et directrice générale de Vinea Énergie. Conseillant d’anticiper un maximum les rendez-vous pour pouvoir tenir les délais d’intervention, l’ancienne caviste précise qu’un certificat de collecte est remise aux vignerons pour chiffre le tonnage de CO2 non dégagé grâce à ce recyclage (notamment pour les certifications Haute Valeur Environnementale, HVE, et ISO 14 000). « L’enjeu est de décarboner l’arrachage » souligne Alice Shaw, qui chiffre à 80 000 tonnes* les vignes arrachées en Nouvelle Aquitaine et à 120 000 tonnes les quantités de CO2 libérés dans l’atmosphère. Le recyclage réalisé par Vinea Énergie permettrait une réduction de 60 % du CO2 dégagé entre le brûlage et la production de biocombustible (ramassage des pieds de vigne, transformation, livraison, brûlage…).
Depuis novembre 2020, la start-up a réalisé 90 ramassages, pour 3 093 tonnes de ceps récoltés. Une centaine de demandes ont été reçues pour la nouvelle saison dans les vignobles charentais et bordelais. Venant d’ouvrir une usine à Saint-Aubin-de-Blaye, la start-up compte produire dès la fin 2023 des agropellets (qu’on ne peut appeler des granulés de bois, comme la matière est d’origine agricole). Pour l’instant les bois ramassés sont broyés pour produire des plaquettes d’énergie pour chaudières industrielles. D’autres projets sont à l’étude, comme la production de biochar, un charbon pouvant servir d’amendement agricole produit à partir des ceps arrachés (qui fournissent plaquettes d’énergie, résidus de paillage et compost). « Nous sommes dans la phase de dimensionnement du four. Nous attendons les résultats cette fin d’année pour un développement en 2022 » indique Romain Guillaument
Vinea Énergie se déploie dans le vignoble aquitain via trois plateformes : à Saint-Michel-de-Rieufret (pour les vignobles de Sauternes et d’Entre-deux-Mers), à Saint-Christoly-de-Blaye (côtes de Bourg et de Blaye) et à Saintes (pour le Cognac). Un terrain est actuellement recherché pour se développer dans le Médoc. Des développements dans d’autres bassins viticoles sont actuellement à l’étude. « Le but est de créer un modèle duplicable. Des travaux sont en cours avec des chambres d’agriculture en Val de Loire, Occitanie et Provence » conclut Alice Shaw.
* : Avec une hypothèse d’un renouvellement de 3,5 % des surfaces viticoles régionales.
Producteur de combustible, la start-up a démontré la faisabilité de son projet avec l’appui de la cave coopérative de Tutiac, dont Laurent Mauvillain est vice-président.