lors que les eaux-de-vie conventionnelles ont déjà tendance à manquer à Cognac, « le bio, c’est une denrée rare » résume Mélanie Defassiaux, la responsable Qualité Sécurité Environnement pour la Société des Vins et Eaux-de-vie (SVE, regroupant la distillerie de Chevanceaux et les chais de Gensac à Saint-Palais-de-Négrignac, en Charente-Maritime). En partenariat avec la distillerie du Peyrat (à Houlette, Charente), le négoce SVE lance des contrats pluriannuels pour inciter les vignerons charentais à se convertir à la bio.
« Dès la deuxième année de conversion, il y a un achat de vin au prix du bio (même s’il déclassé), en moyenne à un prix de +15 % » indique Mélanie Defassiaux, pour qui ces contrats de six répondent à « l’enjeu de pérenniser l’approvisionnement et de développer la filière bio à Cognac ». Cette initiative inédite est saluée par le bouilleur de cru Pascal Rousteau, le président de Vitibio. Pour lui, « ce contrat permet de donner de la visibilité aux viticulteurs souhaitant passer en bio. Cela permet d’assurer un prix supérieur pour stopper un contrat pluriannuel établi avec maison plus importante. »
Aujourd’hui, SVE fait appel à 80 apporteurs bio, avec 560 hectares certifiés en Cognac rapporte Mélanie Defassiaux, indique que la distillerie a lancé la marque Planat 100 % bio. En développement, ses marchés sont principalement scandinaves, avec un développement récent sur les États-Unis. Il y a encore peu de débouchés en bio, la pompe s’étant amorcés sur les dix dernières années note Pascal Rousteau.
De quoi soutenir la conversion, mais pas encore de quoi rattraper le retard charentais en matière de bio. Sur les 80 000 hectares de vignes en AOC Cognac, 1 % serait bio d’après Vitibio, ce qui est bien en deçà de la moyenne nationale, dix fois plus élevée. Pascal Rousteau explique ce décalage par une commercialisation essentiellement tournées par l’international et portées par de grands metteurs en marché : « parmi ceux qui sont passés en bio, la majorité vend en direct. Il y a la même problématique en Champagne, qui est à la traîne en bio. »


Tant que les grands acteurs charentais (Hennessy du groupe LVMH, Martell de Pernod Ricard, Rémy Martin de Rémy Cointreau…), la bio risque de rester une niche dans le vignoble charentais. « Pour le moment, il n’y pas d’implication des grandes maisons, qui sont beaucoup sur la Haute Valeur Environnementale (HVE) et pas encore sur le bio » note Mélanie Defassiaux. « Si demain Hennessy, qui fait quasiment la moitié du marché, dit à ses apporteurs qu’il faut passer au bio, ce aura un tout autre effet » confirme Pascal Rousteau.
Le bouilleur de cru rappelle que « Cognac a une rotation lente, les eaux-de-vie produites aujourd’hui ne seront pas vendues avant 3 à 4 ans, et plus surement dans 10 ans. C’est le moment de prendre le virage, il y a une lame de fond sociétale. Pour l’instant le bio est une goutte d’eau, une petite barque, sur l’océan du conventionnel à Cognac. Nous sommes convaincus d’être dans la bonne direction. »
Pour entraîner les vignerons, SVE propose non seulement un contrat pluriannuel, mais aussi des outils pédagogiques pour lever les interrogations techniques qui sont autant de freins psychologiques. Les enjeux du rendement et des traitements sont les premières difficultés citées dans le vignoble. Pour le rendement, « on se trompe de débat » estime Pascal Rousteau, qui souligne que le cépage charentais, l’ugni blanc, est très productif en bio comme conventionnel (il a réalisé 11 hectolitres d’alcool pur par hectare en 2020).
Pour optimiser le rendement en bio, le vigneron conseille d’augmenter la densité des pieds à l’hectare et de pas avoir un manquant dans son vignoble. Concernant le cuivre, « on a beaucoup gagné en technicité dans la gestion du cuivre pour lutter contre le mildiou » indique-t-il, ayant atteint 3,5 kg/ha avec 11 traitements l’an passé (en deçà de la limite annuelle de 4 kg/ha).