La proposition européenne visant à autoriser la désalcoolisation, partielle ou totale, du vin a immédiatement suscité un tollé dans les vignobles et sphères politiques italiens. « La discussion en cours au niveau européen sur la possibilité d'autoriser l'élimination totale ou partielle de l'alcool dans les pratiques œnologiques, avec la possibilité d'ajouter de l'eau aux vins, y compris ceux avec une dénomination d'origine, contient des propositions que notre pays n'entend pas soutenir » a déclaré, sans ambages, le ministre italien de l’Agriculture, Stefano Patuanelli.
Sa position est partagée, tout en étant nuancée, par Paolo de Castro, ancien ministre de l’Agriculture et député européen : « Nous restons convaincus qu'un vin sans alcool ne peut être défini comme tel. C'est pourquoi le Parlement s'est toujours prononcé contre, même si nous comprenons les opportunités commerciales et d'exportation dont bénéficieraient les vins à faible teneur en alcool sur certains marchés… » Pour certains professionnels italiens, la proposition s’inscrit plutôt dans la logique du « Plan d’action pour améliorer la santé des citoyens européens », qui proposerait « l’indication obligatoire de la liste des ingrédients et des allégations nutritionnelles sur les boissons alcoolisées d’ici fin 2022 et des avertissements relatifs à la santé d’ici fin 2023 », note l’organisme professionnel Coldiretti. C’est l’ensemble du régime méditerranéen que celui-ci estime visé par ces différentes propositions. « Une alimentation correcte ne peut faire abstraction de la réalité historique et culturelle locale de la production... C'est pourquoi il n'est pas possible d'appeler vin, un produit dont les caractéristiques de naturalité ont été complètement compromises par des traitements invasifs qui interviennent dans le processus séculaire de transformation du raisin en moût puis en vin. Une tromperie légalisée pour les consommateurs qui se retrouvent à payer l'eau comme du vin » affirme l’organisation.
Premier pays producteur et exportateur de vin au monde, l’Italie se veut être la défenseuse d’une certaine vision du vin, et s’oppose à ce qu’elle estime être « un précédent très dangereux qui mettrait fortement en danger l’identité du vin italien et européen », selon les termes de la Coldiretti, qui y voit même le prélude à l’exclusion du vin des programmes de promotion des produits agroalimentaires soutenus par l’Union européenne, « peut-être pour favoriser les nouvelles boissons édulcorées ».
Il n’empêche que des voix plus pragmatiques se lèvent également, se disant à la recherche d’une solution pour éviter que les grands industriels n’accaparent ce marché. C’est le cas du secrétaire général de l’UIV, Paolo Castelletti, s’exprimant dans les colonnes de WineNews : « Nous sommes attentifs mais pas alarmés en ce qui concerne la question des vins désalcoolisés, dont la proposition de la DG Agri date de 2018 et sur laquelle le Parlement et le Conseil se sont déjà exprimés depuis plusieurs mois. Pour l’UIV, il est important que ces nouvelles catégories restent dans la famille des produits vitivinicoles… Il s’agit d’un marché en forte croissance et il serait peu clairvoyant d’en exclure a priori notre produit ». Et de conclure : « Nous attendons le texte final sur les détails, mais il est clair que l'ajout d'eau n'est en aucun cas envisagé pour diminuer le taux d'alcool ».
Que ce soit du côté des coopératives ou des caves particulières, les producteurs italiens estiment que le terme vin est inadéquat, et qu’il serait plus opportun de créer de nouvelles catégories de produits. « Notre position, c’est qu'ils devraient s’appeler autrement, par exemple boissons à base de vin. Si le règlement proposé n'est pas modifié, il ne sera même pas nécessaire d'apporter des modifications au cahier des charges pour pouvoir produire un vin d'appellation partiellement désalcoolisé », alerte Luca Rigotti, président de l’Alleanza Cooperative. Et d’évoquer un Montepulciano d’Abruzzo DOC avec 2 % d’alcool…