ffolant les compteurs depuis un an, le développement des ventes de vin en ligne tient de la « tendance de fond structurelle » selon Fabrice Bernard, le PDG du négoce bordelais Millesima. Il faut dire que son chiffre d’affaires en ligne, pour les seuls vins livrables, a dépassé 40 millions € en 2020. Soit une hausse de 60 % par rapport à 2019. Atteignant 8 millions de visiteurs uniques sur son site en 2020, cette « croissance du nombre de personnes ayant envie d’utiliser la Vente Par Correspondance (VPC) plutôt que d’autres solutions (cavistes, grande distribution…) continue, les gens se sont habitués à la vente de vin en ligne » souligne Fabrice Bernard, s’appuyant une croissance stable (+60 % sur l’année glissante s’achevant fin avril 2021).
« Cette période de confinement a permis à beaucoup de gens de se rendre compte de la facilité d’achat sur internet (délais courts, peu de casse...). Il y a eu beaucoup de travail ces dernières années sur la qualité de service, avec de gros effors sur la logistique et le packaging. Il y a beaucoup de réachat, cette tendance va durer au-delà » confirme Édouard Margain, le directeur des opérations de Lavinia. L’activité e-commerce du caviste a explosé l’an passé et poursuit son développement ce premier trimestre 2021 (+90 % par rapport premier trimestre 2020). Cette tendance répond à une conjonction de plusieurs facteurs pour Édouard Margain, qui relève « une hausse de 30 % du trafic, un taux de conversion plus important, un panier moyen en hausse de 35 %…
Conséquents, les acquis de l’année 2020 confinée se maintiennent malgré les évolutions des règles sanitaires du début 2021. « La croissance se consolide » analyse Bernard Le Marois, à la tête du site WineAndCo (+30 % de chiffre d’affaires en 2020, pour moins d’un million de cols vendus), pour qui la pandémie de Covid-19 a causé une nouvelle accélération de la croissance des ventes sur internet (la quatrième, voir encadré). Que la commande sur internet devienne une habitude est une lame de fond pour Bernard Le Marois.
« C’est le début d’une vague de fond qui est structurelle. En un an, nous avons fait quatre années de croissance » analyse Christophe Hermelin, le directeur marketing des cavistes Nicolas, dont le chiffre d’affaires en ligne a doublé, passant de 1 à 2 % de l’activité du réseau de 500 caves en France (qui souhaitent maintenir le numérique en complément ne cannibalisant pas le circuit physique). « Le phénomène se maintient, sur mars-avril 2021 le chiffre d’affaires a été multiplié par 2,5 » ajoute Christophe Hermelin, soulignant que les clients en boutiques ne sont pas les mêmes qu’en ligne*.


Bénéficiant du confinement en général et de la fermeture des restaurants en particulier, les sites en ligne sont partagés face aux conséquences des réouvertures à venir. « Pour les prochains mois, nous pouvons nous appuyer sur l’expérience de la mi-juin à octobre 2020. La réouverture des restaurants avait fait diminuer, mais pas chuter, la croissance (passée de +80/+100 % en confinement à +50/+60 % ensuite) » indique Christophe Hermelin, qui se montre serein : « ce n’est pas conjoncturel, on pressent de nouveaux comportements d’achats qui s’installent. Mais pour répondre à la question de ce qui se passera avec la réouverture restaurants : rendez-vous à la rentrée pour tirer le bilan. Personne ne le sait. Là on est vraiment dans l’inconnu. »
« Il est difficile de dire quelles seront les évolutions. Dans un premier temps il y aura des achats en hause en restauration, mais c’est la Foire Aux Vins de septembre qui sera le juge de paix pour savoir comment se situe la tendance » estime également Édouard Margain. Le caviste conclut que dans tous les cas, « il ne faut pas s’attendre à ce que la vente en ligne représente 40 % du marché des vins et spiritueux en France. S’il est à 5-10 % actuellement, il sera plus proche de 10 % à l’avenir. »
* : Représentant 1 % des 4 millions de visiteurs uniques du site Nicolas, les clients en ligne sont en moyenne dix ans plus jeunes que les acheteurs en caves (35-45 ans pour les premiers, contre 50 ans pour les seconds).
Pour Édouard Le Marois, « c’est la quatrième révolution des ventes sur internet. En 2002, l’ADSL permet de charger plus rapidement les pages web. En 2008, il y a l’arrivée du smartphone. En 2015, l’Intelligence Artificielle permet de personnaliser les outils du e-commerce (page d’accueil, mails…). Et en 2020, il y a une évolution sociologique avec la modification des comportements du fait de la crise covid. »