vis de gros temps sur la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Après le coup de vent médiatique cette rentrée sur les résidus de pesticides trouvés dans des vins labélisés,voici venue la tempête lancée par des associations, distributeurs et syndicats agricoles* dénonçant lors d’une visioconférence de presse ce 2 décembre « l’illusion de transition agroécologique que constitue la certification HVE » en mettant en cause un « enfumage » de la certification officielle devenant « l’alpha et l’oméga de la transition écologique […] alors qu’il s’agit au mieux d’un élément de maquillage d’une agriculture du passé d’un coup de peinture verte » dénonce Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération Paysanne.
« Lors du consensus obtenu en 2008 pendant le Grenelle de l’Environnement, la HVE devait être une marche pour accompagner les changements de pratiques vers la bio. Et là, elle risque de devenir une voie de garage. Nous ne sommes plus dans une transition mais dans une confusion » critique Jacques Caplat, le secrétaire général d’Agir Pour l’Environnement. S’attaquant à l’option A d’obtention de la certification, « une notation et pas un cahier des charges », Claire Garrot, membre de la commission PAC de la Confédération Paysanne rapporte qu’« on peut être HVE et utiliser des pesticides, des OGM, ne rien changer à ses pratiques grâce au mécanisme de points imaginés dans le système HVE ».
Appelant à un renforcement rapide des exigences du cahier des charges de la HVE, le collectif a également dans le collimateur à l’option B. Plus comptable que l’option A (calculant des indicateurs de performance agroécologique), cette alternative se limite à deux indicateurs : la part d’infrastructures agro-écologiques sur la surface agricole utile (devant être supérieure à 10 %) et le poids des intrants sur le chiffre d’affaires (ne pouvant excéder 30 %). Soit une voie alternative, déconsidérée au sein de la filière vin, certains y voyant une bombe à retardement pouvant remettre en cause l’image vertueuse de la certification (cliquer ici pour en savoir plus).
Outil massif de greenwashing et de tromperie
« L’option B doit être supprimée, compte tenu des incohérences en termes notamment de biodiversité, d’usage des pesticides, de pollution des sols, de bien-être animal… » annonce Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, qui n’est pas tendre pour autant avec l’option A : « nous appelons au sein de la commission nationale de certification environnementale à une forte amélioration du dispositif. Soit la HVE s’améliore, soit elle doit disparaître. Car oui, elle peut être un outil massif de greenwashing et de tromperie. »
Lancée en 2011 par le ministère de l’Agriculture, la certification HVE est très suivie dans le vignoble (79 % des 8 218 exploitations actuellement recensées). Ce qui est vu comme un argument à opposer à la démarche par Didier Perréol, le président du Syndicat des entreprises Bio de l’agroalimentaire (Synabio) : « nous voyons bien que la HVE s’est majoritairement développée dans la viticulture, en quête d’une revalorisation de son image. Or c’est là où la bio est la plus avancée, soit 14 % des surfaces. Il y a donc une vraie bagarre d’existence pour enrayer la montée de la bio en France qui va vite. Les pouvoirs publics vont allouer des crédits à la HVE qui n’a pas du tout fait ses preuves. »
Ce collectif prend position contre la HVE alors que le crédit d’impôt pour la certification HVE va être étudié ces prochains jours par le Sénat (de 76 millions € dans le cadre du Projet de Loi de Finance pour 2021). Participant à la visioconférence, le sénateur du Morbihan Joël Labbé (Europe Ecologie les Verts) porte un amendement de suppression de cet article porté depuis des années par la filière vin. Pour l’élu breton, même si « la HVE c’est un peu mieux que rien », il estime que la certification présente de gros risques pour les ambitions bio de la France : « il faut lancer le débat. On n’est pas dupe, mais j’ai un amendement de repli à 1 000 € et non 1 500 € pour ne pas être trop proche de la bio. »
Alors que le débat parlementaire va se lancer (la sénatrice Nathalie Delattre propose pour sa part une valorisation à 3 500 €, identique à l’aide bio), le gouvernement porte le projet d’une reconnaissance d’équivalence européenne entre la certification HVE et les écorégimes de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC). Ces écorégimes donnant des primes communautaires supplémentaires aux exploitations y adhérant, « rendre équivalent HVE à l’écorégime permettra d’accroître la dynamique HVE » indiquait récemment Julien Denormandie, le ministre de l’Agriculture, qui précisait que « la priorité pour moi, c’est d’abord d’accompagner la dynamique HVE [auprès des agriculteurs du public]. Avant même de la revoir. »


« Mobiliser des moyens budgétaires conséquents, introduire la HVE comme critère d’attribution d’une partie des aides PAC du premier pilier … Trop d’indicateurs montrent que le gouvernement veut faire de la HVE l’outil majeur de la transition agricole, ce qu’il n’est absolument pas ! » s’emporte Nicolas Girod.
* : Soit la Confédération Paysanne, d'Agir pour l’Environnement, de France Nature Environnement et le Syndicat Réseau Entreprises Bio Agroalimentaires (Synabio).
Avant la prise de parole de ce collectif, le syndicat agricole Coordination Rurale s’est également emporté contre la HVE, estimant qu’elle « semble s’imposer aux agriculteurs dans tous les domaines. Par la création d’un crédit d’impôt, mais aussi la proposition d’accorder des priorités dans le contrôle des structures, en conditionnant des aides ou l’accès à des marchés comme celui de la restauration collective, ou encore en obligeant des coopérateurs à se conformer aux décisions imposées par la coopérative. »
Sur la même ligne que les autres critiques portées à HVE, la Coordination Rural estime que « ce label vient apporter de la confusion puisqu’il existe déjà un label dédié au respect de l’environnement, le label biologique ! »