lusieurs études semblent indiquer qu’il est possible de retarder les vendanges de plusieurs semaines en taillant tardivement. Cela permettrait de récolter quand il fait plus frais et d’atteindre de meilleures maturités phénoliques en gardant de l’acidité. Le professeur Alain Deloire a démarré cette année des essais à Montpellier Supagro pour le vérifier.
Alain Deloire: Les premiers travaux sur la taille tardive ont été réalisés par Ravas en 1908. Depuis, de nombreuses études, souvent contradictoires, ont porté sur le sujet. J’ai souhaité me faire mon idée de l’impact de différentes dates de taille sur le développement de la vigne et j’ai démarré mes propres essais cette année sur de la syrah conduite en cordon simple au vignoble de l’Institut agro.
Pas au hasard. Mes deux premières modalités ont été taillées avant le débourrement. La vigne était sortie de l’endodormance, stade auquel elle est habituellement taillée, et entrée en écodormance. J’ai taillé une série de ceps le 5 février, avant les pleurs, et d’autres pieds le 13 mars, pendant les pleurs.


Jusqu’à la veille du débourrement, qu’importe la date de taille, on ne perturbe pas le développement de la vigne. Les vignerons en retard ne doivent plus s’inquiéter lorsqu’ils taillent quand la vigne pleure. Cela retarde simplement le débourrement de 4 ou 5 jours. La modalité taillée le 13 mars est également entrée en fleurs un peu plus tard. Par la suite, la vigne a rattrapé son retard. Les rameaux primaires se sont développés sur le même rythme, et la fermeture de la grappe est intervenue au même moment sur mon témoin et les pieds taillés en décalé. Je n’ai pas observé de différences de fertilité.
De petits décalages du débourrement et de la floraison peuvent être intéressants dans les régions gélives ou pour certains cépages « coulards ». J’ai aussi demandé à un de mes stagiaires de compter les pépins pour voir si la fécondation est meilleure lorsqu’elle intervient sous des températures plus douces.
Le témoin a débourré le 1er avril. J’en ensuite retenu trois dates. Une première le 9 avril, quand tous les bourgeons s’étaient développés sur le sarment d’hiver, mais qu’ils n’étaient qu’au stade petite pointe verte, et n’avaient donc potentiellement pas épuisé toutes les réserves de la vigne. Pour la seconde modalité, je me suis calé sur la floraison des petits rameaux sur les sarments d’hiver développés en 2019, intervenue le 7 mai. Puis le 8 juillet, je suis repassé une dernière fois, en taillant cette fois ci les rameaux primaires développés en 2020, alors que la base de ces rameaux primaires était aoûtée.
A partir du 7 mai, je note cette fois un vrai décalage dans la croissance de la vigne. Cela pourrait permettre de repousser la maturation du raisin à une période plus fraiche. Mais dans ce cas-là, on divise le rendement par deux !
La vigne a ses limites physiologiques. Lorsque l’on taille les sarments d’hiver alors que les bourgeons latents se sont déjà bien développés, les réserves du vieux bois et des racines sont épuisées. Quand on taille les rameaux primaires de l’année, il y a également des problèmes de différenciation des bourgeons latents. Enfin, lorsque l’on souhaite tailler une seconde fois après la taille d’hiver, on est bloqués par l’entrée en endodormance des bourgeons latents formés sur les rameaux primaires.