ompte tenu de la période de rupture que traverse le monde agricole, le CER France a souhaité conduire une étude prospective sur l'avenir des exploitations agricoles. Celle-ci a abouti à la définition de 4 stratégies à adopter « pour rester dans la course à l'horizon 2030 », présentées par Marc Varchavsky, responsable du conseil économique du Réseau Cerfrance.
L'option « compétitivité » d'abord, plus communément appelée « volume-prix » consiste à développer ses volumes et sa performance sur des productions standards, en cherchant à produire moins cher que ses concurrents, en baissant ses coûts de production et en parvenant à faire des économies d'échelle. C'est le cas de l'entreprise de Julien Nesme, vigneron à St Jean d'Ardières, venu témoigner. Celui-ci a presqu'entièrement restructuré ses vignes, 18 ha, pour les rendre mécanisables, vendanges compris. Il a également repris des parcelles afin de créer des ilôts plus grands, diminuant ainsi le temps de travail. Cela lui a permis de réduire ses coûts de production. Il produit pour 70% des appellations du Beaujolais, et pour le reste des raisins pour l'éboration du crémant, pour lesquels il cherche un rendement optimal. Sa principale crainte pour l'avenir : l'arrêt du glyphosate. «Un désherbage mécanique va augmenter mes coûts de production, mais mes productions seront-elles pour autant mieux valorisés ? Vais-je rester compétititif ? » s'interroge t-il.
Seconde stratégie identifiée par le Cer France : la contractualisation. Cela correspond à des produits standards, mais avec au moins une source de valeur ajoutée distinctive (par exemple: sans OGM, marché spécifique, signe de qualité, etc). Cela débouche sur la commercialisation d'un produit « normé », sécurisé par un contrat, qui permet généralement un prix garanti et une meilleure valorisation par rapport à un produit standard. En échange, le producteur s'engage sur un respect de cahier des charges. « Le contrat doit être un bon contrat, il doit permettre la performance économique », prévient Marc Varchavsky. Dans le Beaujolais, ce schéma pourrait s'apparenter aux exploitations spécialisées crémant de Bourgogne, qui ont des contrats longue durée. Là encore, des vignes larges, mécanisables, sont essentielles.
La troisième voie est intitulée « stratégie système » : « il s'agit de changer ses pratiques, de déplacer le système vers des productions différenciées ; il faut raisonner globalement pour être cohérent sur l'ensemble de l'activité et avec une filière pour pouvoir commercialiser », indique le consultant. En viticulture, cela correspond par exemple aux domaines viticoles conduits en bio. Claude Berger, vigneron installé avec son fils sur 20 ha en conversion, est dans ce schéma-là : « Nous avons rencontré l'ensemble de nos clients-partenaires : certains sont intéressés par notre vin bio, d'autres refusent de valoriser notre travail supplémentaire. Nous allons arrêter de travailler avec ».


La quatrième et dernière, la stratégie « clientèle », consiste à s'impliquer plus loin dans la chaine de valeur, et à se rapprocher du client final, "avec une différenciation qu'on arrive à faire toucher du doigt", poursuit le consultant. L'appétence des consommateurs pour mieux connaître les produits qu'ils mangent, les circuits courts pour un meilleur partage de la valeur ajoutée, sont des tendances en plein développement et qui vont dans ce sens.
Cette voie demande néanmoins une présence et une proximité du producteur avec les consommateurs, pour obtenir in fine une meilleure valorisation produit : « Voir le producteur est un avantage déterminant », explique le consultant. La vente directe demande aussi d'être polyalent, beaucoup de temps, surtout à l'export, de l'adaptabilité, et bien sûr, le sens du commerce...
« Ces orientations ne s'opposent pas, toutes ont leur raison d'être et co-existeront au cours des années à venir, y compris dans le Beaujolais », conclut Marc Varchavsky. Au sein d'une même entreprise, elles peuvent aussi co-exister. Mais il faut en viser une, en fonction de ses atouts et envies, se concentrer dessus, et ne pas courir plusieurs lièvres à la fois.
Ces résultats ont été présentés lors du colloque Vitiscopie du Cer France Rhône, le jeudi 20 février 2020.