e calendrier prévisionnel étant fixé, la course contre la montre est lancée pour les crus de la rive droite bordelaise. Ce 14 janvier, une réunion d’information et des adhérents du Conseil des Vins de Saint-Émilion ouvre les débats devant aboutir au prochain classement décennal des vins de Saint- Émilion avant les vendanges 2022. Portée par l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO*), la première proposition de règlement de nouvelle classification doit être étudiée par le conseil d’administration du Conseil des Vins de Saint-Émilion ce 28 janvier. Afin que le prochain comité national des AOC viticoles puisse s’y pencher le 6 février prochain à Paris, puis qu’un arrêté homologuant le règlement du classement soit pris en mars, que les marchés publics sur les dégustations et les contrôles soient ouverts en avril, que la commission de classement soit désignée en juin….
Courts, ces délais de lancement paraissent d’autant plus tendus que les enjeux sont grands. En l’état, la rédaction du nouveau projet de règlement pour 2022 reprendrait l’essentiel de l’arrêté du 6 juin 2011 ayant défini le classement de 2012. Ce dernier fait toujours l’objet d’une procédure de contestation devant le Conseil d’Etat par trois propriétés non-classées. Pour les partisans du classement de 2012, les validations du dispositif de « liste ouverte » sans hiérarchie par le Tribunal Administratif en 2015 et la Cour Administrative d’Appel en 2019 démontrent que cette nouvelle approche a résisté à l’épreuve du feu. Pour les opposants au classement de 2012, il existe toujours un risque d’invalidation de cette base juridique par le Conseil d’Etat et l'INAO devrait revoir intégralement sa copie.
Apportant des précisions juridiques, le projet de règlement pour 2022 de l’INAO introduirait quelques évolutions ressemblant à des améliorations face aux critiques formulées depuis 2012 (notamment dans Vino Business de la journaliste Isabelle Saporta). La pondération des dégustations sur les notes des premiers crus classés passerait ainsi de 30 à 50 % de l’évaluation (avec 35 % pour les facteurs de notoriété, 10 % pour la caractérisation du terroir et 5 % pour les pratiques vitivinicoles), tandis que la note de dégustation la plus basse serait désormais neutralisée (pour le calcul de la moyenne de dégustation). Sans que cela soit indiqué dans le projet d’arrêté, la future procédure devrait également fournir en amont la grille de notation aux propriétés candidates et leur donner plus de temps.
Clivante, la question du nouveau classement attise les positions diamétralement opposées : allant de ceux ne souhaitant pas sa réouverture alors que les conflits judiciaires ne sont pas purgés, à ceux demandant que tout soit remis à plat, avec une refonte intégrale du concept même de classement. Ces postures varient clairement selon le classement, ou non, de chacun, l’intérêt individuel n’étant jamais loin quand il s’agit de patrimoine collectif. Devant franchir la ligne en 2022, la course du classement de Saint-Émilion ne se fera pas sans obstacles pour ses participants, et ses arbitres.
* : Pour éviter toute critique de parti-pris et soupçon d’interférence, le Conseil des Vins de Saint-Émilion se garde prudemment à distance du processus de relance du classement décennal.