a lourde canicule engluant le prétoire rend le verdict encore plus glacial et tranchant. « C’est dommage » lâche Caroline Baret, la présidente de la quatrième chambre du tribunal correctionnel de Bordeaux, lançant un regard sibérien à Hervé Grandeau, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux poursuivi pour des fraudes sur son domaine. Sous la chaleur de ce 27 juin, la magistrate a condamné les frères Hervé et Régis Grandeau à respectivement 6 et 4 mois de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende chacun*, dont 20 000 € avec sursis. Le tribunal a également condamné leurs entreprises, la société de production SCEA Vignobles Grandeau et l’entreprise de mise en marché SARL Maison Grandeau Lauduc, chacune à des amendes de 200 000 €, dont 150 000 € avec sursis.
Fortes, les peines se veulent à la hauteur de la fraude poursuivie (estimée à 5 900 hectolitres de vin pour 1,37 millions d’euros de chiffre d’affaires entre 2010 et 2014), mais distinguent les deux vignerons, en pesant sur les responsabilités de Hervé Grandeau (également président de la commission de promotion du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, le CIVB, et membre du comité régional de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité, l'INAO).
Validant l’intégralité du rapport de la Direccte (pointant des manquements en matière d’assemblage, de traçabilité, de vinifications, de respect des mentions traditionnelles, de rendements butoirs…), ce jugement condamne des « faits graves, non assimilés au vu de vos déclarations finales. Le seul rappel de vos engagements professionnels et la gravité des faits reprochés nécessitent de prononcer une peine significative, qui ne peut se limiter à une amende au vu de la désinvolture de votre appréciation de la situation » assène la magistrate Caroline Baret.


Visiblement secoués par la sévérité du jugement, dans la lignée de la réquisition du procureur de la République, les frères Grandeau refusent de commenter le dossier auprès de la presse. Leur avocat, maître Jean-Philippe Magret, se garde le droit d’envisager un appel, le temps d’analyser les 6 pages de jugement. Lors de l’audience du 27 juin, les frères Grandeau ont réfuté en bloc les accusations de fraude. Estimant qu’elles ne seraient dues qu’à de savants calculs des contrôleurs pour palier à un manque de traçabilité matière. Les registres n’étant pas encore diffusés dans le vignoble avant 2014 pour Hervé et Régis Grandeau.
Secouant le vignoble bordelais, cette condamnation pose pour beaucoup la question du devenir des mandats du vigneron Hervé Grandeau. « C'est incompréhensible. Il aurait déjà dû démissionner de tous ses mandats dès les contrôles en 2013. Et il ne devrait pas faire appel, pour ne pas alimenter une saga préjudiciable aux vins de Bordeaux » tranche froidement Dominique Techer, le secrétaire départemental de la Confédération Paysanne, qui s'était porté partie civile.
* : S’ajoutent à ces peines trois amendes de 500 € pour infractions, des dommages et intérêts de 3 000 et 2 000 € pour les parties-civiles (INAO et Confédération Paysanne), ainsi que la publication à leurs frais du jugement dans les colonnes de Vitisphere et de l’Union Girondine (Hervé Grandeau étant le directeur de la publication de cette dernière)