Nous sommes arrivés à la limite de la productivité plantée de notre vignoble. Nous arrivons à la limite du rendement. Nous devons donner un nouveau souffle à notre modèle de production » pose avec des accents d’entrepreneur Christophe Véral, le président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l’AOC Cognac (UGVC*), lors de la réunion des vendanges du 12 septembre dernier. Le vigneron charentais préparant ainsi son auditoire à l’annonce du vote du conseil d’administration de l’UGVC : une demande de contingent d’autorisation de plantation de 3 474 hectares en 2019. Ce qui représente une hausse de 5 % du vignoble de Cognac (le plafond européen de 1 % de croissance du vignoble étant calculé au niveau national).
Se plaçant dans la lignée du bond annuel des demandes d’autorisation charentaises (250 ha en 2016 800 ha en 2017 et 1 500 ha en 2018), cette résolution répond aux pressions du négoce (notamment de la maison Hennessy, pesant pour 49 % des expéditions de cognacs en 2017)., les maisons charentaises réclamant de nouvelles plantations pour répondre aux commercialisations records qui s’enchaînent.
Réfutant toute subordination au négoce, Christophe Véral déclare à la tribune que « l’UGVC a fait quelque chose qui n’a jamais été réalisé précédemment : parler d’égal à égal avec les négociants de notre avenir commun ». Affirmant qu’il « n’est plus possible [pour la viticulture] de vivre sur [ses] acquis », l’élu souligne que « ce contingent important prend en considération les limites de notre modèle actuel. Rien n’est laissé au hasard. » Reconnaissant que « les risques existeront toujours », il estime qu’« aujourd’hui ils sont minimes ». Notamment grâce aux indicateurs économiques mis en place dans le Business Plan du Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC).
Nous vivons mieux
« Ne l’oubliez pas, les stocks sont au plus bas et la croissance des ventes poursuit son rythme de 6 % depuis 4 ans » assure, autant que rassure, Christophe Véral, soulignant que « certaines maisons ont déjà donné leurs prix, qui augmentent entre 8 et 10 %. Soit l’équivalent de 1 hl AP/ha. Ces augmentations concerneront 90 % des transactions. » Dissipant les souvenirs du blocus vigneron de Cognac d’il y a vingt ans*, Christophe Véral appelle le vignoble charentais au « sérieux, nous vivons mieux. Nous pouvons investir, nos enfants reviennent sur nos exploitations. La valorisation de celles-ci a doublé. Nous voulons être pris pour des entrepreneurs. »
Se voulant l’égale du négoce (dont le syndicat est actuellement en restructuration), cette approche entrepreneuriale valide le rendement interprofessionnel de 14,64 hectolitres d’alcool pur par hectare, qui semble bien éloigné des réalités agronomiques charentaises. Marquées ce millésime par les aléas climatiques (mildiou, la grêle et sécheresse), mais aussi par le contrecoup des maladies du bois et des complantations : 20 % du vignoble de Cognac est actuellement improductif.
« Lorsque nous votions des rendements à 11,8-12,40 hl AP/ha dans les années 2011-2013, certains pensaient que nous avions perdu la tête. Aujourd’hui, sans ces rendements, et notre vision de notre produit, je vous le dis, nous ne vendrions pas 205 millions de bouteilles et demain encore plus. Je le dis souvent, la nature a peur du vide, et encore plus les linéaires » conclut Christophe Véral, l’âme décidément très entrepreneuriale.
* : L’UGVC revendique 2 200 viticulteurs adhérents, pesant pour 65 % du vignoble de Cognac.
21 septembre : le dossier de demande de contingent 2019 doit être transmis aux administrations (DRAAF, FranceAgriMer et INAO)
25 octobre : le Conseil de Bassin Viticole Cognac-Charentes se réunit pour valider ses demandes.
Courant décembre : le conseil Spécialisé Vins de FranceAgriMer se prononce sur les demandes.