a Provence se met en quête de nouveaux cépages pour élaborer ses rosés. Car, en dépit de la dizaine de variétés que compte le vignoble, la plupart de ses vins sont à base du trio grenache, cinsault et syrah. Or, avec le réchauffement climatique, les degrés grimpent et les acidités chutent, particulièrement dans le grenache. Les épisodes de sécheresse s’accumulent donnant des syrahs très colorées, peu compatibles avec l’élaboration de rosés pâles. La chambre d’agriculture du Var, le Centre du Rosé de Vidauban et le syndicat des Côtes-de-Provence évaluent plusieurs variétés anciennes et nouvelles, autochtones et étrangères, de manière à adapter le vignoble. « Deux cépages ressortent parmi ceux qui sont étudiés : le caladoc et le rosé du Var », indique Alicia Berret, responsable technique du syndicat des Côtes-de-Provence. Tous deux font l’objet d’un protocole avec l’Inao en vue de leur intégration dans le cahier des charges de l’appellation à hauteur de 10 % de l’encépagement. Voici leurs atouts et ceux des autres cépages actuellement examinés.
Issu d’un croisement entre le côt et le grenache, le caladoc est gustativement proche du grenache tout en étant plus intéressant que lui sur plusieurs autres plans. Le caladoc résiste mieux à la sécheresse que le grenache. Il est aussi beaucoup moins sensible à la coulure. Ainsi, en 2017, seules 4 % des parcelles de caladoc du réseau suivi par le syndicat des Côtes-de-Provence ont été touchées par ce fléau, contre 16 % dans le cas du grenache. Ses grappes sont aussi moins compactes, ce qui lui permet de mûrir de manière homogène et d’être moins sensible à la pourriture. Il affiche en outre un degré alcoolique plus faible que le grenache, en dessous de 13 %. Mieux, il possède une acidité totale supérieure à ce dernier avec une moyenne de 4,6 g/l contre 4,3 g/l en 2017 (équivalent H2SO4).
Côté dégustation, en monocépage, il exprime des arômes d’agrumes et de fruits exotiques ainsi qu’une bonne acidité. En assemblage, il se révèle également conforme au profil des côtes-de-provence. À tel point qu’en 2016, l’assemblage 30 % de caladoc, 42 % de grenache et 28 % de cinsault a obtenu la meilleure note de tous les essais.
Comme son nom l’indique, il donne des baies roses et joufflues qui se prêtent bien à la vinification de rosés clairs. C’est un cépage autochtone encore présent chez certains vignerons. Il a figuré dans l’encépagement de l’AOC Côtes-de-Provence jusqu’en 1986. Jugé trop productif, il en a été retiré.
À la chambre d’agriculture, les premiers suivis agronomiques et œnologiques ont débuté en 2013. Ils ont lieu sur des parcelles appartenant à des vignerons où le rosé du Var est comparé au grenache. Son principal atout ? Il résiste mieux à la sécheresse que le grenache. Au cours de l’été 2017, particulièrement, sec, il s’est défolié moins rapidement que ce dernier.
Autre intérêt du rosé du Var face au réchauffement climatique, il est plus tardif – d’une semaine environ – que le grenache. Les différents relevés ont aussi montré que son titre alcoométrique volumique (TAV) ne dépasse pas 13 % quelle que soit sa situation, quand le grenache grimpe systématiquement au-dessus. Seul bémol, il est moins acide que le grenache avec en moyenne 1 g/l d’acidité totale (équivalent H2SO4) en moins.
En 2016 et 2017, le Centre du Rosé l’a vinifié seul et en assemblage puis il a soumis les vins à un jury de dégustateurs expérimentés. Vinifié en monocépage, ces derniers lui ont trouvé des arômes de fleurs fraîches, une bonne sucrosité et des notes salines. En assemblage, il est « conforme à la typicité de l’appellation », indique le jury. Un clone a été agréé en 2017. Il est en cours de prémultiplication.
Faux morrastel, plant droit et mourvaison sont également étudiés. Le faux morrastel est une autre ancienne variété provençale exhumée par la chambre d’agriculture. « Il présente tous les atouts face au changement climatique », expose Garance Marcantoni, référente matériel végétal. Soit un degré moyen aux alentours de 13,2 % et une acidité totale de 4,7 gr/l. Il se montre en outre résistant la sécheresse et peu sensible aux maladies.
Autre cépage intéressant, le plant droit, repéré dans une parcelle de 50 ans greffée sur place. Assez productif, il présente un degré d’alcool satisfaisant. Bien qu’étant peu acide, il peut s’avérer intéressant en assemblage.
Le mourvaison, trouvé sur trois parcelles à Bormes-les-Mimosas, Hyères et la Cadière-d’Azur, possède également une acidité totale intéressante (4,5 gr/l). « Nous l’avons assaini et son clone a été agréé en 2014 », raconte Garance Marcantoni. De ces trois cépages, le faux morrastel a obtenu les meilleures notes en dégustation. Aux professionnels de voir s’ils souhaitent les développer.