Gare aux extractions trop poussées. Elles nuisent à la finesse des vins de presse. Et même à leur coloration. A mesure que la fermentation avance, il faut intervenir plus doucement sur le marc, en réduisant la fréquence et le volume des remontages. Cette règle est d’autant plus vraie que les vendanges sont peu mûres ou diluées. Dans ce cas, « il faut se garder de pousser les remontages sinon, on déséquilibre les vins de goutte en plus d’obtenir de mauvais vins de presse », commente Lionel Grin.
« Il faut éviter de triturer le marc lorsqu’on l’amène au pressoir », insiste Christophe Maret. Il conseille de le convoyer à l’aide d’un tapis. Si l’on n’a pas d’autre choix que d’employer des pompes à marc, il faut les faire tourner doucement, les raccorder des tuyaux de gros diamètre et éviter les coudes dans la tuyauterie. Côté pressoirs, Christophe Maret recommande de petits appareils verticaux que l’on dispose devant la cuve. Les pressoirs pneumatiques font aussi très bien l’affaire. En revanche, nos quatre experts déconseillent les pressoirs continus trop agressifs avec les marcs.
« La montée en pression doit s’effectuer de manière lente et régulière, indique Nathalie Longefay. Justement pour éviter d’extraire les goûts secs et herbacés. » Elle préconise de ne pas dépasser 1,8 bar. « On obtient généralement 80 % du vin de presse après un premier serrage, constate Lionel Grin. Mieux vaut s’en tenir là et éviter les vins de rebêchage, même si cela fait perdre du volume, car ils sont souvent amers et herbacés. Ils peuvent nuire à la qualité du vin final. »
Pour les vins de macération longue, Marc Dubernet partage son avis. Dans ce cas, « il faut se garder de pousser l’extraction du jus, sans quoi les vins de presse risquent d’être excessivement tanniques et difficilement valorisable », souligne-t-il. En revanche, après une macération courte, les choses sont différentes. « Le marc contient davantage de jus. On peut avoir besoin de faire de rebêchages pour l’extraire. » Les rebêchages sont aussi nécessaires avec les pressoirs qui ne laissent pas s’écouler assez de jus. Dans ces cas, il est conseillé de séparer le vin de la première presse, de celui obtenu lors de la seconde, voire de la troisième presse. On peut ainsi les traiter selon leurs caractéristiques.
Nos Å“nologues conseillent de clarifier rapidement les vins de presse, sans attendre la fin de la malo. On met ainsi fin à la macération dont le prolongement renforcerait les goûts métalliques et végétaux. On abaisse aussi la charge microbiologique des presses, plus riches en levures et en bactéries que les vins de goutte. Pour les clarifier ces vins, deux solutions : enzymer puis coller ou filtrer. Nos Å“nologues préfèrent la première. « Après le pressurage, il peut rester un peu de sucre dans les jus, observe Marc Dubernet. Une filtration risque de stopper leur fermentation. » Et selon certaines observations, une filtration précoce des vins de presse nuit à la stabilité de leur couleur.
« Il faut procéder à l’enzymage pectolytique au fur et à mesure du remplissage de la cuve, indique Christophe Maret. Vingt-quatre heures après l’enzymage, on peut commencer à soutirer les vins », ajoute Lionel Grin. Selon les cas, un second soutirage peut intervenir la semaine suivante. Dès que le résultat visé est atteint, il faut déguster les vins pour déterminer le traitement qu’ils vont subir. Si aucun traitement n’est nécessaire, les presses peuvent être incorporées directement aux gouttes. Mais « dans 90 % des cas, il faut les affiner, estime Marc Dubernet. La clarification vient rarement à bout de leurs goûts végétaux et de leur structure tannique excessive. » De toutes les colles, la PVPP (polyvinylpolypyrrolidone) est celle qui diminue le plus l’astringence. « Elle fixe les tanins », explique Marc Dubernet. Elle s’emploie pure ou associée à de la bentonite ou des colles végétales. L’association PVPP + bentonite a aussi un effet clarifiant très poussé. On détermine la nature et la dose de la colle en réalisant des essais au laboratoire. Généralement, les doses sont deux fois supérieures à celles utilisées sur les vins de gouttes. Durant cette période d’affinage, surveillez la malo. Sulfitez dès qu’elle est terminée.
Mieux vaut chercher à incorporer les vins de presse rapidement aux vins de goutte. « Les premiers sont chargés en tannins et les seconds en anthocyanes libres. En les assemblant, tôt on équilibre le rapport tannins/anthocyane. On stabilise la couleur », signale Lionel Grin. Encore faut-il que ces vins soient assez fins ou affinés pour ne pas déséquilibrer l’assemblage. « Si les presses ne donnent pas de bons résultats à la dégustation et s’il faut faire vite, pour vendre un vin en vrac, par exemple, on peut pratiquer un collage plus sévère », poursuit l’Å“nologue.
Si l’on a plus de temps, un passage en barriques de deux ou trois vins, durant quelques semaines, permet d’affiner leur structure. De même, l’ajout de copeaux est souvent bénéfique. « Ils apportent de la sucrosité, de la rondeur et diminuent les notes végétales », souligne Christophe Maret. Ce dernier conseille généralement d’utiliser des copeaux d’origine américaine plus aromatiques que les français. Si les presses sont de bonne qualité, des copeaux français légèrement chauffés conviennent bien. Ultime solution pour les vins très rustiques : la patience. Des vignerons les élèvent ainsi une année entière pour les incorporer à leur millésime suivant, le temps qu’ils se bonifient.
Les vins de presse peuvent entrer dans tout ou partie des cuvées élaborées par les vignerons. « En moyenne on les incorpore à hauteur de 3 à 8 % dans les vins de goutte, explique Lionel Grin. C’est à la dégustation que tout se décide ! » Les presses de bonne qualité peuvent être assemblées entièrement aux vins de goutte dont ils sont issus. Attention, tous les vins ne supportent pas leurs presses. Nathalie Longefay déconseille de le réincorporer aux primeurs, comme aux cépages tanniques.