es mobilisations agricoles contre la gestion sanitaire de la Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC) et l’accord de libre-échange Europe-Amérique du Sud (Mercosur) mobilisent actuellement les attentions médiatiques et politiques. Est-ce que le plan de crise viticole annoncé au Sitevi réussit à avancer, et à se concrétiser ?
Jérôme Despey : On est pleinement mobilisés et toujours actifs sur ce dossier dans ce contexte de colère agricole. Malgré la situation actuelle, le travail continue. Sur l’aide aux trésoreries, nous avons besoin d’avoir pour le début janvier prochain les modalités de mise en œuvre des prêts de restructuration annoncés par la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard. Il faut prendre en compte à la fois le relèvement des plafonds de la reconstitution (de 200 à 600 000 € pour les vignerons et à 6 millions € pour les coopératives avec l’élargissement du dispositif) et à la fois revoir les modalités de calcul sur les fonds propres (le critère de -50 % n’est pas adapté, on demande une simplification sur une baisse du chiffre d’affaires par rapport à une année antérieure). Il y a eu un engagement de la ministre, nous sommes dans l’attente que les prêts de reconsolidation soient mis en œuvre début janvier avec un meilleur accès (avec une garantie de l’État à hauteur de 70 %). Pour les autres aides à la trésorerie, la prise en charge des cotisations sociales MSA (PEC) sont en cours pour le dernier semestre et il y aura pour la viticulture un tiers de l’enveloppe de l’année 2026 (15 millions €). Les dégrèvements de la Taxe sur le Foncier Non-Bâti (TFNB) commencent à arriver dans les exploitations.
Le gros morceau du plan d’aide annoncé est l’aide à l’arrachage définitif de 130 millions € pour 2026. Avec une impatience sur la mise en œuvre dès le début d’année et une incompréhension sur des fonds séquencés…
Premièrement, il faut commencer l’arrachage le plus rapidement possible. Il y a eu les votes du trilogue sur le paquet vin [NDLA : réinscrivant l’arrachage définitif dans les dispositifs européens], il faut maintenant des votes du Parlement et du Conseil, ce qui nous amène début janvier. Ensuite, nous demandons une enveloppe de 130 millions € en une seule phase pour engager le dispositif d’arrachage le plus tôt possible : avant le Salon de l’Agriculture. Même si la Commission européenne a deux mois pour mettre en place les règlements délégués après les votes formels du Conseil et du Parlement, ça ne nous empêche pas d’être en avance de phase et qu’il y ait un travail sur les modalités d’accès qui doivent être simples. Les professionnels y travaillent, nous évoquons la priorité à ceux qui arrachent l’intégralité de leur exploitation. Il y aurait ensuite un critère de priorité pour les vignes plantées il y a plus de 10 ans : celles qui ont moins de 10 ans ne seraient pas exclues, elles ne seraient pas prioritaires selon la consommation de l’enveloppe. Nous commençons le travail sur les critères les plus souples possibles pour ne pas complexifier le dispositif et pour commencer les arrachages le plus vite possible. L’objectif étant que le maximum des arrachages puisse intervenir avant le début de la prochaine vendange. Notre demande est forte et claire : 130 millions € en une seule fois et le plus vite possible, avec des critères de priorité simplifiés : d’abord pour ceux qui arrachent en totalité et ensuite pour les vignes de plus de 10 ans.
Les collègues de Cognac ont eu des retours allants de la Commission européenne sur un dispositif spécifique. Je n’ai pas de difficultés tant que l’on préserve à l’équilibre du dispositif d’arrachage national. Pour emmener l’ensemble de la filière viticole française, il faut une bonne coordination dans les actions menées pour ne pas créer d’instabilité dans les demandes formulées. Je souhaite que l’on puisse travailler en coordination par rapport aux difficultés qu’ils peuvent avoir dans le contexte géopolitique avec la Chine. Il faut éviter une déstabilisation de marché à Cognac.
Qu’en est-il pour la demande de distillation sur les fonds européens de réserve de crise ? On entend parler de 30 à 40 millions € qui seraient envisageables dans le meilleur des cas à Bruxelles…
Je me bats et me battrai pour avoir le montant financier le plus élevé : nous demandons 80 millions € au commissaire européen à l’Agriculture, Christophe Hansen. La ministre déclare avoir envoyer la notification des autorités françaises à la Commission européenne pour qu’elle statue. Nous attendons avec impatience la réponse pour enclencher une distillation tournée principalement vers les vins rouges et rosés, pour éliminer des vieux excédents dans les bassins viticoles concernés. Il faut une réponse rapide.
Quels seraient les montants alloués à la distillation de crise en AOP, IGP et vin de France ? Et parle-t-on toujours de 4 000 €/ha pour l’arrachage définitif ?
Pour la distillation, tout dépendra du budget alloué. Sur l’arrachage, on reste sur la base de 4 000 €/ha de la précédente campagne.
En Gironde, la Confédération Paysanne a lancé l’idée d’un Établissement Public Foncier pour mieux valoriser les terres viticoles à arracher, avec des travaux désormais menés par toute la filière et la préfecture pour aboutir rapidement.
Toutes les initiatives territoriales qui complètent les crédits nationaux sur actions des structurantes sont indispensables. On voit le travail mené en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, où l’on a vu les accords de durabilité.
Les accords de durabilité permettant de communiquer un prix d’orientation sur des vins bio et HVE en IGP Pays d’Oc semblent décevoir alors que de premières offres de négociants sont inférieurs au tunnel de prix juste fixé… Président des caves coopératives d’Occitanie, Fabien Castelbou souligne une dissonance cognitive entre ces stratégies tarifaires et les volontés du négoce d’être plus impliqué dans la stratégie de filière, comme avec la réduction des subventions sur investissement/restructuration pour favoriser la promotion.
Fabien Castelbou a raison. On ne peut pas mettre le paquet pour aider le commerce et ne pas arriver à rémunérer le producteur lorsqu’on parle d’accords de durabilité autorisés par l’Europe pour déroger au droit de la concurrence intégrant les coûts de production sous signes de qualité. Ce n’est pas possible d’avoir des prix toujours plus bas. J’en appelle à la responsabilité des opérateurs. Les accords de durabilité forment un cadre gagnant-gagnant, où l’on met des moyens sur la conquête de parts de marché et l’œnotourisme, mais qui ne peuvent marcher que si derrière il y a une juste rémunération des viticulteurs. La stratégie de reconquête doit amener des gains assurant le revenu auprès du producteur.
Il faut aborder le sujet des moyens de production, sur les surtranspositions phytos en général et le cuivre en particulier, il y a toute sorte d’entraves. Ce n’est plus tenable de retirer ainsi des matières actives : je le répète, pas d’interdiction sans solution. Il faut aussi travailler sur le sujet de l’adaptation au changement climatique, d’évolution des profils produits… Et de soutien à la coopération. Le rapport du ministère tout juste finalisé porte des recommandations d’accompagnement sur un plan investissement qui pourrait être mis en place par la ministre de l’Agriculture sur les 5 prochaines années pour les outils coopératifs (avec des audits, de nouvelles stratégies commerciales, des rapprochements et fusions…).




