n entend monter dans le vignoble l’idée qu’avec les arrachages passés et à venir, la production française risquerait de tomber en deçà des volumes demandés par les marchés. Certains craignent que la France arrache trop, et au profit d’autres vignobles quand la demande repartira, tandis que d’autres se réjouissent de l’idée que le négoce devra prochainement acheter le vrac à meilleurs prix, dans une forme de revanche à peine voilée…
Jean-Marie Fabre : Il ne faut pas se tromper sur la finalité de l’arrachage et des surfaces conservées. Repartons des chiffres du récent sondage de FranceAgriMer sur l’arrachage et le recalibrage du vignoble. 82 % des vignerons intéressés par un nouvel arrachage ne souhaitent pas quitter le métier mais le continuer. L’arrachage est un dispositif plus dynamique que la simple soustraction pour un arrêt d’activité. Il s’agit pour nos entreprises d’équilibrer leurs surfaces en production avec leur capacité commerciale, tout en réduisant les frais et en améliorant la valeur ajoutée qui était consommée sur des parcelles non-rémunératrices. Que des gens imaginent que si la production de vin va se réduire, les cours vont se tendre, moi je n’y crois pas. On peut avoir une offre de vin inférieure à la demande sans que tout soit commercialisé.
Les chiffres de l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) montrent justement que le monde viticole devrait vendre plus qu'il ne produit en 2026.
Volumiquement, il va y avoir moins de vins produits que consommés. Mais ce n’est pas parce que la production est à 230 millions d’hectolitres alors que la consommation est de 240 millions hl que le prix montera. Il faut comprendre qu’une part des 230 millions hl ne correspond pas à la demande.
Pour vous le vin n’est plus un produit substituable quantitativement, son profil produit entrant en cause pour accéder au marché ?
Il n’y a pas de lien mécanique. Je dis attention. Prenons le cas du Gers, qui a manqué de vins blancs pendant trois années : est-ce que les prix ont compensé les pertes et est-ce que la valorisation persiste ? Ce n’est pas le cas et il ne faut pas se leurrer. Le vin comme matière première, c’était vrai il y a 20 ou 30 ans quand un manque dans une région entrainait une augmentation directe et une aspiration des volumes disponibles. Il n’y a plus de vase communicant aussi simple. Ce n’est pas parce qu’il y a un équilibre volumique entre la production et le besoin de commercialisation que l’on répond à la demande. J’appelle ceux qui vont arracher à bien cibler leurs parcelles. Qu’ils ne privilégient pas forcément les moins rentables pour la production, mais qu'ils pensent d’abord aux moins rentables en termes de valorisation et de performance économique. Quand elle sera mise en place, la mesure d’arrachage aura un effet booster pour ceux qui réduisent les productions pour lesquelles ils n’ont pas de capacité commercialisations (parce qu’ils ne la maîtrisent pas ou que les produits sont moins demandés) ou pour ceux dont le modèle économique est obsolète (arrivant en fin de carrière ou étant à bout psychologiquement). Il ne faut pas penser que réduction du coût de production, mais s’assurer que les vignes conservées ont une production commercialisée et valorisée. Les vignerons en ont conscience, ils se concentrent sur ce qui amène de la valeur ajoutée.
Autre sujet récurrent dans le vignoble, la question du soutien à la promotion des vins dans les pays tiers, qui va être dopé après des débats sur la très faible enveloppe dédiée dans le Plan Stratégique Naitonal (PSN).
Il faut d’abord bien comprendre que l’on n’est jamais arrivé à un niveau où tous les fonds étaient utilisés. C’est malsain de laisser croire que l’on ne met pas l’argent suffisant sur une mesure de promotion qui n’a jamais eu besoin de stabilisation ou de réfaction face à trop de demande (contrairement à l’aide à l’investissement). Aujourd’hui, avec 76 millions € demandés sur 80 millions € disponibles, on n’est pas loin de la consommation totale de l’enveloppe sur la promotion. C’est heureux et tant mieux. Je dis banco pour augmenter le soutien à la promotion dans les pays tiers, mais avec une souplesse en cas de non-consommation de la totalité de cette enveloppe pour la promotion, afin que le solde soit replié sur les autres mesures. L’an prochain, il y aura plus de fonds sur la promotion, en espérant que les entreprises auront les moyens pour s’en saisir. Et il faut prendre conscience que la filière a besoin de planter, restructurer et investir dans l’outil de production. Seulement 1,2 % du vignoble bénéficie de la restructuration chaque année, alors que la durée de vie d’une parcelle de vigne n’est pas de 80 ans en moyenne. On est en retard pour restructurer le vignoble et l’adapter au changement climatique.




