menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Politique / "Tant que le vignoble ne repart pas d’une page blanche, avec des surfaces et des stocks apurés, le marché va continuer à faire sa loi"
"Tant que le vignoble ne repart pas d’une page blanche, avec des surfaces et des stocks apurés, le marché va continuer à faire sa loi"
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Mise en garde
"Tant que le vignoble ne repart pas d’une page blanche, avec des surfaces et des stocks apurés, le marché va continuer à faire sa loi"

Habitué à mettre les pieds dans le plat, Gérard Bancillon alerte sur l’ampleur des difficultés viticoles : "on est en train de mégoter sur les moyens pour une crise sans précédent" alors que les prix s’effondrent face aux stocks, partout "on entend parler de courtiers demandant des vins IGP à 40 €/hl", et que "le vignoble va entrer une deuxième vendange de trop en 2025". Attention aux brancards, ça va ruer avec le président de la Confédération des vins à Indication Géographique Protégée de France (Vin IGP).
Par Alexandre Abellan Le 19 juillet 2025
article payant Article réservé aux abonnés Je m'abonne
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
« C’est seulement si l’on est capable d’arracher ce qu’il faut que l’on pourra amener les gens à discuter » souligne Gérard Bancillon, pour qui « tant qu’il n’y a aucune contrainte, on va tout brader dans l’affolement général ». - crédit photo : DR
C

e mardi 16 juillet, le vignoble était reçu par la ministre de l’Agriculture pour présenter son plan de sauvetage, avec de l’arrachage couplé à de la distillation notamment.

Gérard Bancillon : On ne peut que regretter qu’il n’y ait pas eu d’avancées concrètes de la part du ministère. Le point positif, c’est que toute l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV) est alignée pour dire que nous vivons une crise sans précédent. Il y a 3 à 4 ans, nous nous sentions seuls à le dire aux vins IGP. Le vignoble va entrer une deuxième vendange de trop en 2025. Déjà l’an dernier un surstock avait été généré malgré une petite récolte. Cette année le rendement s’annonce plus important et va créer de l’excédent et causer un délestage de volumes à des prix ridicules pour générer de la trésorerie. Tous les opérateurs, petits ou grands, qui n’ont pas de contrats larguent leurs vins à des prix ridicules. Dans toutes les régions de France, on entend parler de courtiers demandant des vins IGP à 40 €/hl. Les offres chez Lidl à 1,35 € vont continuer tant qu’il y aura des caves à vider. Il n’y a plus de considération de l’humain, c’est de l’ultra libéralisme. On laisse la loi des marchés gérer la crise.

 

L’an passé, un plan d’arrachage à 4 000 €/ha doté de 120 millions € était mis en œuvre pour réduire la production dès le millésime 2025. Alors que la filière parlait d’un outil sous-dimensionné, cette enveloppe n’a été consommée que partiellement (110 millions €). Seulement 27 000 hectares de vignes seront arrachés, vous évoquiez un besoin de retirer 100 000 ha l’an passé.

En 2024, il aurait fallu arracher 100 000 ha pour produire 6 millions d’hectolitres de vin de moins cette année. En 2021, nous avons produit en France 37 millions hl de vin, il a fallu distiller en 2022. Nous avons fait 36 millions hl en 2024, il faudrait distiller et arracher pour repartir d’une page blanche. Pour tomber à 30 à 33 millions hl, faudrait arracher 20 à 25 % du vignoble français. Peut-être est-ce nécessaire en rouge. En Languedoc, le vignoble a rentré une petite vendange, 9,6 millions hl en 2024, mais les stocks sont passés de 17 à 19 millions hl : on ne sait plus vendre une très petite récolte sans rajouter des stocks. C’est la réalité de l’analyse, mais il y a ensuite le ressenti des producteurs et envie de s’inscrire à dispositif avec décapitalisation. La campagne d’arrachage l’an dernier a pâti de son manque d'attractivité. Ceux qui avaient les reins plus solides espéraient que les autres arracheraient pour tenir jusqu’à ce que la situation s’améliore. Elle ne s’améliore pas, elle s’aggrave. Les Espagnols et Italiens sont aussi dans une crise noire, on y trouve aussi de la détresse. Je n'ai pas de boule de cristal, mais cette année j’entends que les gens veulent aller à l’arrachage.

 

2025 semble être l’année de trop pour beaucoup d’entreprises viticoles qui sont au bout du rouleau et doivent réduire la voilure à tout prix.

Certains estimaient qu’en arrachant des vignes on allait laisser la place aux concurrents espagnols. Mais ça y est, à 1,35 € la bouteille de vin français, on a pris la place des vins espagnols… Deux enquêtes vont être nécessaire pour mesurer les besoins en arrachage et distillation. Il faudrait sans doute des budgets énormes pour répondre aux besoins, on ne les aura pas je le crains. Lors du rendez-vous avec la ministre, elle a fait preuve de compassion en disant que la viticulture est la filière agricole la plus en crise. Mais la compassion ne suffira pas : que va-t-on faire pour traiter la crise ? Qu’est-ce que l’on met comme fonds en face ? L’Etat nous dit que l’on pourrait récupérer des fonds de crise européen. Sur 450 millions € ouverts à toutes les filières et tous les pays, combien pourrait-on flécher vers le vignoble français ? Même avec 100 millions € on sera très loin du compte. Et rattacher des crédits nationaux parait difficile. Pour rappel, quand la coopération a demandé 75 millions € pour sa restructuration sur 3 ans, elle est arrivée sur 10 millions €. Des discussions au sein de l’AGPV concernent l’utilisation des fonds européens du Plan stratégique National (PSN) de la France pour la Politique Agricole Commune (PAC), mais il n’y pas d’alignement. Dans tous les cas, cela dépendra des besoins exprimés. S’il y a une grosse demande, il faudra être inventif.

 

Si des mesures de crise coûtent, d’autres se font sans fonds publics pour rétablir la filière et ses rémunérations : loi Egalim, prix recommandés sur les vins AOP et IGP avec l’article 172 ter, orientation de prix sur les vins bio et HVE avec 210 bis..

Sur l’article 210 bis, l’obtention du contrat de durabilité par Pays d’Oc est à saluer : les lignes ont bougé au niveau européen. On verra comment les opérateurs se comporteront avec, mais cela permettra de dire qui a le sens des responsabilités. Beaucoup de choses sont à travailler. Mais tant que le vignoble ne repart pas d’une page blanche, avec des surfaces et des stocks apurés, le marché va continuer à faire sa loi. C’est seulement si l’on est capable d’arracher ce qu’il faut que l’on pourra amener les gens à discuter. Tant qu’il n’y a aucune contrainte, on va tout brader dans l’affolement général. Il faut couper cette dynamique pourrie. On est sur un bateau où tout prend l’eau, c’est le Titanic.

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (4)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
Renaud Le 20 juillet 2025 à 19:56:10
On se sent moins seul. Merci d'offrir une approche enfin juste. Il y a le temps de l'urgence ( qui tarde à venir ) avec arrachage et distillation enfin efficace. Puis sanctuarisation des contrats amonts. Car il suffit de croire que JB Say le seul penseur dans l'histoire de la loi de la main invisible du marché avait raison. Tous répètent ses mantras qui ne fonctionnent pas dans le monde réel. Évidement qu'il faudra être aussi innovant que ceux qui ont créé les AOC en 1936. Le monde à changer, il va vite et une partie de la viticulture doit pouvoir aller aussi vite. Merci à vitisphere de faire entendre enfin des voix réellement disruptives.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Geoffrey BASTIDE Le 20 juillet 2025 à 10:16:22
Ce qui est dit est très juste. Depuis l'origine du commerce ce qui fait les prix et le flux des ventes ce n'est que l'offre et la demande. Croire que des Nièmes saupoudrages d'argent public y feront quelque chose c'est un mirage. Pour reprendre l'image, le titanic ne s'est jamais relevé, il est trop tard pour le seau, et trop tard pour le Dash aussi. Un quart de la profession, va en rester là, un 2nd quart va précipiter son départ, et le reste, les jeunes, on va essayer de s'accrocher jusqu'à ce que l'herbe. Car oui, le Titanic n'est plus la mais il reste des bateaux, et rien de tel qu'un incendie pour que l'herbe repousse. Nous devrons garder en mémoire quel système sydical-politique à conduit nos exploitations dans cette impasse....ceux qui montre du doigt les charognard de la GD. Posons nous une question, si les marchands de tracteur avaient été amenés à surproduire, et que toutes les concessions étaient saturées de machines neuves vendues à pertes, que ferions nous ? La nature est ainsi faite nous en profiterions sans vergogne. Assez de palabres réduisons nos potentiels à produire, exploitation par exploitation, cave par cave, sans attendre que la solution vienne d'ailleurs
Signaler ce contenu comme inapproprié
Dominique Techer Le 19 juillet 2025 à 14:14:58
Merci M. Bancillon ! Vous êtes quasiment le seul responsable professionnel à avoir les yeux en face des trous. Les responsables d'institutions viticoles sclérosées prennent conscience des problèmes quand le feu est déjà explosif. Là où un seau d'eau aurait suffi au départ pour éteindre le feu, il faudrait maintenant des canadairs et des Dash qu'on n'a ni les moyens d'acheter, ni le temps de fabriquer. Ces dirigeants sont dans un déni de réalité et découvrent la baisse de consommation depuis un an ou deux alors qu'elle s'est culturellement installée depuis longtemps. A Bordeaux, en fin 2024, un éminent dirigeant clamait qu'à force d'arracher, on allait bientôt manquer de vin ! Comment s'attendre à une demande d'arrachage bien proportionnée de la part des vignerons avec de tels discours ? Arracher est une décision personnelle déchirante : on arrache souvent ce qui a été l'oeuvre d'une vie entière de travail. Les dirigeants doivent donc s'impliquer faire prendre conscience qu'on est effectivement sur le Titanic, et ne pas faire croire que la situation s'assainit. La promesse d'une nouvelle construction des prix et de la mise en place d'OP semble intéressante et je comprend qu'on puisse en espérer un mieux, ou un moins pire. Mais, comment installer une telle régulation, aussi souhaitable soit-elle dans la situation actuelle ? Aujourd'hui, nous sommes dans une sorte de vortex déflationniste puissant qui entraîne tout par le fond. Les acteurs ont un tel besoin vital de cash, qu'ils resteront prêts à tout pour s'acheter un « quart d'heure de grâce ». Structurellement, toutes choses égales par ailleurs, tout est déjà trop compromis pour agir et avoir les moyens de le faire EN INTERNE à la filière. On se pince pour réaliser qu'on en est à espérer 10 millions d'euros d'aide de Mme Genevard pour TOUTE la France viticole ! Pour espérer un atterrissage le plus en douceur possible, il faudra des moyens extérieurs pour permettre des sorties acceptables socialement et économiquement. Repartir d'une page viticole blanche aura effectivement un coût ( sans compter la requalification des espaces libérés ) . L'occasion est belle : nous avons un premier ministre disruptif qui veut réviser toutes les priorités. Il est donc temps de réaliser qu'on n'a plus les moyens de certains projets inutiles. Entre 15 et 20 milliards pour une liaison ferroviaire grande vitesse entre Bordeaux et Toulouse : l'agriculture et la viticulture sinistrées ne méritent-t-elles pas ne serait-ce que le quart de ces sommes ? Le ministre des transports, Philippe Tabarot, lui aussi tout d'un coup disruptif, lâchait récemment les propos suivants : «On ne peut plus faire de projet pour faire plaisir à tel parlementaire ou élu local, qui va coûter une blinde et n'apporte rien en termes de décarbonation et de sécurité ». Mais le problème politique au niveau agricole et viticole resterait encore entier : redonner encore des financements aux mêmes structures irresponsables serait du gâchis. Et Mme Genevard sait bien le dire pour justifier son inaction.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Albert Le 19 juillet 2025 à 09:23:52
Je veux bien suivre G. Bancillon dans son raisonnement, mais alors n'y aurait-il pas une logique à considérer que l'ensemble de la filière devrait s'interroger sur la nécessité de continuer à faire peser sur ses troupes le poids économique du financement des interpros, dont il faudrait analyser quels vrais services, autres que celui de créer de la statistique, elles apportent ? .. Par ailleurs, je me demande s'il faut être un économiste affûté pour observer qu'en GD - notamment - la taille du rayon dédié à la bière.. aux bières .. a explosé sur ces 2-3 dernières année.
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Politique
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé