Plus de la moitié du vin français est consommé par 17% de la population. Et cette population a plus de 60 ans. Quoiqu’on y fasse, le vignoble français va perdre un tiers de sa surface d’ici 2030. C’est mécanique et c’est triste, mais quand j’entends certains professionnels vendre l’oléiculture comme le remède à la crise à des coopérateurs en difficulté et les inciter à arracher la vigne pour réinvestir 50 000€/ha pendant 8 ou 9 ans avant de récolter quelque chose, j’ai envie d’hurler ! » Vice-président du comité interprofessionnel des vins de Provence (CIVP) et trésorier de France Olive, Olivier Naslès a profité de la restitution des résultats du projet Climed-fruit coorganisée par l’IFV et France Olive au Mas Granier à Aspères (30) ce 3 juillet pour mettre en garde les viticulteurs contre les « faiseurs de rêves. »
Installé sur 23 hectares de vigne et 20 hectares d’oliviers à Eguilles (13), il sait que la culture traditionnelle de l’olive ne peut « au mieux » constituer qu’un complément à la viticulture. « Elle ne peut en aucun cas s’y substituer. L’olivier est beaucoup plus capricieux que la vigne et produit moins régulièrement, a-t-il expliqué à l’assemblée. Or vous savez comme moi que les clients détestent les variations de prix. Ne faire que de l’olivier n’est pas viable économiquement. »
Olivier Naslès s’est aussi montré réservé sur la complémentarité des deux cultures. D’abord du point de vue matériel. « La cabine du tracteur passe mal sous les oliviers, le pulvérisateur viticole ne permet pas d’envoyer de l’argile à 5 mètres de hauteur, le broyeur de sarments n’est pas assez puissant pour les bois de taille d’oliviers, la charrue à disques d’1,6 m est bien trop étroite dans l’inter rang d’une oliveraie... On peut garder ses engins viticoles pour bricoler un hectare mais ce n’est pas suffisant pour se professionnaliser. » Ensuite du point de vue du personnel. « La vigne et l’olivier doivent tous deux être taillés entre décembre et avril. Souvent c’est la course, et l’olivier ne passe que fin avril voire début mai quand la sève monte, avec beaucoup de pertes. La gestion des traitements est également très compliquée lors des années à forte pression comme 2024, car les maladies cryptogamiques de la vigne et de l’olivier sont de la même famille. Et la récolte finit d’épuiser les équipes. Si on termine les vendanges le 6 octobre, il faut enchaîner le 7 avec les olives. »
Sachant que la viticulture et l’oléiculture traditionnelle coûtent chacune 5 à 8000€/ha « bord de champs », Olivier Naslès a prévenu les vignerons attirés par une diversification. « Vous allez doubler vos frais et devoir générer deux fois plus de revenus en disposant d’un fond de roulement important. » Selon lui, l’oléiculture peut être profitable à condition de ne pas faire dans l’amateurisme. « Et rappelez vous que vous produirez dans 200 à 500 litres d’une huile que vous devrez vendre entre 25 et 30€ HT/litre en vente directe ou sur les marchés locaux en synergie avec votre vin pour être rentable. Certains y arrivent mais ce n’est pas simple. »
Olivier Naslès a également sapé le moral de ceux tentés par la culture de l'olivier en haie à haute densité, permettant de produire entre 500 et 1000 litres d’huile par hectare. « Elle n’est pas rentable, a-t-il annoncé. Elle n’a beau coûter que 25 000€/ha avant d’entrée en production à 4 ans et demander beaucoup moins de main d’œuvre, son prix de revient varie toujours entre 6 et 9€ HT par litre, bien loin du cours mondial qui oscille autour de 3€ HT. » La culture en haie est bien rodée techniquement et permet d’obtenir des huiles de qualité mais n’a pas de débouchés. La filière oléicole travaille depuis 20 ans sur la création d’un vrai marché à 10€ HT le litre en vrac, sans succès. « Les Français consomment 120 000 tonnes d’huile chaque année, à 96% importées et 4% valorisées à 25 ou 30€/L. Entre les deux il n’y a rien ou presque, quelques microfilons en grande distribution mais il n’y a pas un grand acteur qui y croit. Puget avait lancé un marché d’huile d’olive française mais vient d’arrêter, ça ne tournait pas assez. On voit de plus en plus de plantations mais si nous passons à court terme de 1600 à 30 000 tonnes d’huile produites, elles ne trouveront pas preneurs. »