igure du vignoble français, Michel Chapoutier, 61 ans, reçoit ce 13 mai au ministère de l’Agriculture le plus haut grade du poireau : il est promu commandeur du Mérite Agricole par la ministre, Annie Genevard, qui a le pouvoir de décision sur les nominations et promotions de cet ordre ministériel « destiné à récompenser les femmes et les hommes ayant rendu des services marquants à l'agriculture », comme le définit le décret n°59-729 du 15 juin 1959. Michel Chapoutier est « commandeur du terroir, pionnier de l’excellence » salue la préfecture de la Drôme, qui a proposé son nom l'été 2024 et pour qui « de la colline de l’Hermitage aux terroirs du monde entier, il incarne une viticulture audacieuse, respectueuse de la terre et profondément humaine ». Déjà chevalier de l’ordre national du Mérite depuis 2004 et de la légion d’honneur depuis 2010, il a été chevalier puis officier du Mérite Agricole en 2014 et 2019.
À la tête depuis 1990 de l’entreprise familiale M. Chapoutier sise depuis sa fondation en 1808 à Tain l’Hermitage (Drôme, où la maison est le plus important propriétaire de la colline de l’Hermitage) et ayant des activités au-delà de la vallée du Rhône septentrionale (du Roussillon à l’Alsace, en passant par la Provence et le Beaujolais, mais aussi l’Australie depuis 1998, le Portugal depuis 2007, l’Allemagne depuis 2009 et l’Espagne depuis 2016), le vigneron-négociant a repris une société en difficulté (600 000 bouteilles produites pour 2 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 45 salariés) pour en faire une société citée en exemple dans la filière ( 9 millions de cols et 80 millions € avec 120 employés).
Fac et spera
Sous l’ombrelle de sa devise "fais et espère", Michel Chapoutier est une figure à la fois institutionnelle et iconoclaste de la filière vin. Très impliqué comme représentant du négoce, il a présidé l’Union des Maisons de Vins du Rhône (UMVR, 2005-2014), l’Interprofession des Vins de la Vallée du Rhône (Inter Rhône, 2014-2020) et préside depuis 2014 la fédération nationale des négociants en vin, l’Union des Maisons & Marques de Vin (UMVIN). Fervent promoteur de l’œnotourisme, Michel Chapoutier préside depuis 2021 le réseau en charge du label Vignobles et Découvertes, estimant récemment que « les gens ont besoin de comprendre le vin : c’est quand ils vont dans les territoires qu’ils tombent amoureux du produit ».
N’ayant pas sa langue dans sa poche, le négociant défend en cette période de crise de la déconsommation de vin le « marketing de l’offre. C’est quand on écoute une musique, qu’on ne la trouve pas terrible, mais que le prof de musique nous explique les thèmes, etc. et qu’en la réécoutant, on se dit ‘’ah oui, j’étais passé à côté’’ ! On ne change pas le produit, mais on change le consommateur. On fait notre vin, et on apprend au consommateur à l’écouter. Et le prof de musique, c’est le sommelier, le commercial, le vigneron… » Iconoclaste, Michel Chapoutier s’est engagé en pionnier dans la certification en biodynamie de domaines (il est vice-président du syndicat européen des viticulteurs en biodynamie depuis 1996).
Plus isolé, il ne craint pas de proposer de réhydrater les vins pour en diminuer l'alcool et rendre les jus plus digestes face au changement climatique. Toujours disruptif dans son anti-snobisme, mais plus dans la tendance du rajeunissement de la consommation, il a lancé en 2024 la cuvée "Rouge Clair", un vin de France léger à servir frais qui opte pour une bandule à la place de la capsule. Le packaging des vins M. Chapoutier se distingue plus généralement par le braille sur ses étiquettes, utilisé depuis 1995. Solidaire, la maison Chapoutier organise depuis 1993 des vendanges caritatives au profit de la recherche et de l'inscription de donneurs de moelle osseuse (619 000 € récoltés en 30 ans). Depuis la même année, l’entreprise organise chaque printemps son concours du Meilleur Elève Sommelier en Vins et Spiritueux pour soutenir la gastronomie. Objectif partagé avec le championnat du Monde de Pâté-Croûte dont Michel Chapoutier est partenaire chaque hiver depuis 15 ans.
Bon vivant, Michel Chapoutier manie aussi bien la fourchette que les punchlines. « Quand on voit un vigneron, il dit toujours que le meilleur vin est dans sa région. Pour nous [en vallée du Rhône], la différence c’est que c’est vrai » lance-t-il. Prônant le collectif et l’implication au soutien des autres, le négociant sait être cash : « le problème des AOC, c’est qu’il y a des locomotives et des fois il y a des suceurs de roue. Je reproche parfois aux AOC d’être devenues l’école des fans de Jacques Martin où tout le monde a 10. Quand on parle de surproduction, c’est parfois plus un problème de sous-commercialisation ou des problèmes de qualité. »

Annie Genevard a remis sa décoration à Michel Chapoutier en même temps qu’au chef Guillaume Gomez (à droite), ambassadeur pour la gastronomie, l'alimentation et les arts culinaires. Photo : Xavier Remongin agriculture.gouv.fr




