es Français boivent moins de vin, mais ils partent autant en vacances. Et 100 millions de touristes internationaux ont visité la France en 2024 (année marquée par les Jeux olympiques, les 80 ans du débarquement en Normandie et la réouverture de Notre-Dame de Paris). Alors pour une filière viticole qui contribue aux paysages et à l’art de vivre la française, il y a des cartes à jouer… A Ecully dans le Rhône, l’Institut Lyfe (ex-Paul Bocuse), qui lance un nouveau master dédié à l’œnotourisme, donnait une conférence sur ce thème le 24 mars, dans un amphithéâtre rempli d’étudiants.
« Au début des années 2000, la filière viticole ne voyait pas bien ce que l’œnotourisme pouvait lui apporter », confesse Ludovic Walbaum, vice-président de Vignerons Indépendants de France et du pôle œnotourisme chez Atout France. Même si cette filière « sculptait les paysages et contribuait à la gastronomie française ». Les temps ont changé, et « face à la crise de la consommation et aux attaques des hygiénistes, il est essentiel pour notre filière d’être associé à la gastronomie, à l’art de vivre… », reprend-t-il, en interpellant les étudiants du master sur leur futur rôle de « prescripteurs ».


A travers notamment le pôle œnotourisme d’Atout France, l’engagement du gouvernement est « très important », se félicite le vigneron ardéchois. Grâce au soutien de la ministre du tourisme Nathalie Delattre, il espère notamment faire de l’évènement Vignobles en Scène au mois d’octobre (anciennement nommé Fascinant Weekend) un évènement de même notoriété que les Journées du patrimoine. Le lien entre vigne et patrimoine est pertinent : « les deux tiers de notre territoire étant plantés de vigne, l’œnotourisme c’est l’opportunité de découvrir les deux tiers de notre pays et de sa culture », s’enthousiasme l’ancien ministre du tourisme Hervé Novelli, qui a lancé en 2009 le label Vignobles et Découvertes, aujourd’hui fort de « plus de 8000 adhérents » (acteurs de la filière viti-vinicoles et du tourisme).
Au total, 10 000 caves accueillent les touristes chaque année dans l’Hexagone. Et les vignerons ont tout intérêt à ouvrir leur caveau, selon Michel Chapoutier. Car « les gens ont besoin de comprendre le vin : c’est quand ils vont dans les territoires qu’ils tombent amoureux du produit », assure-t-il. Pour le vigneron-négociant du Rhône, les sols viticoles français constituent l’un de ses atouts majeurs pour « ne pas se faire bouffer » par les vins du nouveau monde. « On ne va pas se faire bouffer par les Américains [même s’ils] encouragent mieux leurs entrepreneurs, utilisent plus de technologies et ont une longueur d’avance sur le marketing, lâche-t-il. Nous avons des siècles d’avance sur la formation et la connaissance de nos sols ! » Mais pour que cela ait du sens, « il faut que dans le vin ce soit le terroir qui parle le premier, pas le vinificateur… Un peintre, quand il signe sa toile, c’est dans un petit coin ! »


En offrant l’opportunité de raconter au consommateur l’histoire du terroir et du vin, le tourisme viti-vinicole s’inscrit dans un « marketing de l’offre », suggère Michel Chapoutier. « On ne va pas courir après le consommateur qui ne sait pas ce qu’il veut ni ce qu’il aimera demain. On va faire du marketing de l’offre. C’est quand on écoute une musique, qu’on ne la trouve pas terrible, mais que le prof de musique nous explique les thèmes, etc. et qu’en la réécoutant, on se dit ‘’ah oui, j’étais passé à côté’’ ! On ne change pas le produit, mais on change le consommateur. On fait notre vin, et on apprend au consommateur à l’écouter. Et le prof de musique, c’est le sommelier, le commercial, le vigneron… »
Une recommandation encore : « le caveau des vignerons est là pour faire comprendre le vin, pas pour le brader, martèle le vigneron-négociant. Alors je dois vendre mon vin au caveau 1,8 fois le prix HT auquel je le vends au caviste. »