Le Mignon n’est pas qu’un vin rouge léger de plus sur le marché », prévient Maxime Rieutor, responsable marketing et communication à la cave coopérative Anne de Joyeuse à Limoux (11). C’est tout une histoire ! Lancé cette année, cet IGP Pays d’Oc repose sur un assemblage atypique de 80 % de pinot noir et 20 % de gewurztraminer, qui apporte une signature aromatique particulière. Plus original encore, la cave a développé un storytelling, une histoire, autour de ce vin.
Le Mignon est le surnom donné en son temps au duc Anne de Joyeuse, un des favoris du roi Henri III et le patronyme que s’est donné la cave de Limoux. Les équipes commerciales le racontent à leurs clients restaurateurs et cavistes. L’étiquette, conçue par une artiste canadienne, représente le duc, son épouse et le roi, dessinés d’un simple trait de crayon, levant leur verre et apparemment d’humeur légère. Pas de capsule de surbouchage : le goulot est fermé par une fine bandelette indiquant simplement «frais & fruité». Un habillage décomplexé. « C’est un rouge qui se déguste frais et qui se marie mieux qu’une bière à une planche de charcuterie ou de fromage alors qu’il peut aussi accompagner une entrecôte », développe Maxime Rieutor.
Anne de Joyeuse a produit de 10 000 cols de Mignon. Pour soutenir les ventes, elle offre aux restaurateurs des seaux à glaces, des tire-bouchons et des poches rafraîchissantes siglés au nom de la cuvée. Les meilleurs clients auront droit à des transats également aux couleurs de la cuvée.
De son côté, sa consœur Dom Brial à Baixas (66) met en avant le tout petit degré de son vin de France Brio Brial lancé en mars dernier : 9,5°. « C’est un des points forts de notre argumentaire, car il nous distingue des autres rouges légers », explique Alexandra Ladeuil, directrice du développement commercial. Pour le lancement régional de ce vin, dont l’étiquette représente le moine bénédictin Dom Brial faisant un clin d’œil, la coopérative a passé une publicité dans L’Indépendant annonçant le jour de sa mise en vente au caveau. Avant cela, elle a demandé à Donato Girasoli, le chef de la Trattoria, une pizzeria de Saint Estève, d’imaginer une pizza pour accompagner ce vin. Le résultat ? Une recette à base de mozzarella, tomate cerise, basilic, artichaut, roquette, pancetta et burrata. « Nous avons filmé la préparation, indique Alexandra Ladeuil. Puis, nous avons posté cette vidéo sur nos réseaux sociaux, la veille de la mise en vente de notre cuvée, en expliquant que cette pizza s’accorde parfaitement avec notre cuvée Brio Brial car cet accord combine « la fraîcheur avec la fraîcheur. Tout ceci à crée du trafic au caveau et nous a permis de vendre 300 bouteilles dès le premier jour de la mise en vente de la cuvée, le 8 mars ».
À Moulis-en-Médoc (33), Jean-Christophe Coubris a mis le paquet sur l’habillage de son bordeaux rouge léger, La Moulinette, lancé en 2021. Le propriétaire du Château La Mouline (20 ha) a conçu six étiquettes évoquant autant d’univers différents univers : la mer, la montagne, la vigne, la ferme, la ville et… un palais de justice. Avocat de métier, Jean-Christophe Coubris a demandé à une illustratrice de s’inspirer de l’univers graphique des livres pour enfants Martine. « Nous avons ouvert un compte Instagram pour cette cuvée en demandant à nos followers de poster des photos d’eux avec La Moulinette, indique Emmanuelle Coubris, l’épouse du vigneron. Ils ont posté des photos de Cuba, de Paris et même du sommet de l’Everest ! Cela a créé le buzz et les ventes sont passées de 24 à 30 000 cols en l’espace de trois ans. Nous pourrions faire davantage, mais nous avons subi de petites récoltes. »
Sur les salons, les jeunes s’arrêtent devant ces étiquettes puis hésitent à aller plus loin lorsqu’ils voient que c’est un bordeaux. « Il faut leur proposer de goûter, commente la vigneronne. S’ils franchissent le pas, le nez qui est très aromatique les séduit immédiatement. Je leur explique que c’est un vin de plaisir, un vin que l’on partage et que l’on ouvre au débotté pour les petites et les grandes tablées ou les apéritifs improvisés. » Bien souvent, ils repartent avec un carton, et s’ils sont accompagnés par leurs parents, ils les convainquent d’en acheter.
Si ce domaine présente La Moulinette dans des bouteilles de teinte antique comme le reste de sa gamme, la plupart des vignerons privilégient la bouteille blanche pour laisser transparaître la couleur rouge-rubis ou grenadine de ces vins. Jean-François Fonteneau, propriétaire du château Gros Caillou, 10 ha, à Saint-Sulpice-de-Faleyrens (33) va même plus loin : il a choisi de tirer (Re)nouveau, son nouveau bordeaux rouge à 11,5°, dans une bouteille blanche d’un litre. «Nous avons créé cette cuvée peu tannique pour rajeunir l’image du Bordeaux et après avoir sondé les attentes des restaurateurs de la région, explique ce vigneron. C’est de là qu’est venue l’idée de ce conditionnement original qui permet de se différentier. »
Jean-François Fonteneau a produit près de 4 000 flacons qu’il espère vendre à la restauration bordelaise, principalement. « Nous présentons (Re)nouveau comme un vin « nouveau » au sens primeur du terme : à boire frais avec des grillades, de la charcuterie, des tapas…, expose-t-il. Nous jouons sur son côté décomplexé et convivial auquel la bouteille d’1 litre fait écho. » Lorsque La Vigne l’a interviewé, Jean-François Fonteneau enregistrait les premières commandes de cette nouvelle cuvée. Il espère bien faire mouche tout montrant que Bordeaux a aussi un côté décomplexé.