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"Nous continuons les travaux de la vigne, mais beaucoup se demandent à quoi bon », Cognac plombé par les taxes
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En crise
"Nous continuons les travaux de la vigne, mais beaucoup se demandent à quoi bon », Cognac plombé par les taxes

Les expéditions dévissent. L’interprofession baisse les rendements. Une grande maison réduit ses achats. Tout va de travers à Cognac, plombé par les taxes américaines et chinoises. Contraints et forcés, les viticulteurs réduisent toutes leurs dépenses.
Par Benoit Caurette Le 24 avril 2025
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Paul Giraud, viticulteur à Bouteville (Charente) dans ses vignes qu'il espère encore vendanger à la main cette année. - crédit photo : Benoit Caurette
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es mauvaises nouvelles se succèdent à Cognac. Fin février, le Bnic, l’interprofession, fixait le rendement 2025 à 7,65 hl d’alcool pur par hectare (AP/ha) contre 8,64 l’an passé et 10,45 en 2023. Une décision motivée par la chute du marché et prise de très bonne heure pour que les viticulteurs puissent prendre les mesures qui s’imposent. En effet, les expéditions de Cognac sont tombées à 166 millions de bouteilles en 2024 contre 223 millions en 2021, année record. De plus, la région croule sous dix ou onze années de stocks, soit trois à quatre de trop.

Réduction drastique des achats par Rémy-Martin

Nouveau choc fin mars avec la décision de la maison Rémy-Martin de réduire drastiquement ses achats d’eaux-de-vie auprès des 800 viticulteurs dont les contrats sont renouvelés cette année. Pour Paul Giraud, ce sera - 45 %. Installé à Bouteville (Charente), ce vigneron indépendant exploite 50 ha de vignes. Il distille lui-même sa production dans ses deux alambics de 18 et 14 hl. Il en élève 80 % pour exporter chaque année 30 000 bouteilles de vieux cognacs d’exception, principalement au Japon, et il vend le reste au négoce, à parts égales entre Hennessy, Martell et Rémy-Martin.

Effet domino

Compte tenu du rendement autorisé, Paul Giraud devrait récolter 382,5 hl cette année dont il aurait vendu 76,5 hl en temps normal. Mais il ne trouvera des acquéreurs que pour 65 hl, au mieux. « Je peux stocker la différence, relate-t-il. Mais je crains que les autres maisons n’emboîtent le pas à Rémy-Martin. »

La pilule est plus amère pour Christophe Fillioux, à la tête du domaine de La Pouyade (25 ha), à Juillac-le-Coq. Lui qui réserve 20 % de sa production à Rémy-Martin l’a « en travers : mon contrat portait sur 56 hl d’alcool pur. Avec 45 % de baisse, je vais vendre 25 hl d’alcool pur de moins. Faute d’acheteur, je vais les garder pour les faire vieillir sous bois. C’est environ 40 000 € en moins dans la caisse ; je ne couvre plus mes frais de vendange et de distillation ».

"Un calcul purement mathématique"

Le viticulteur déplore aussi la dimension symbolique : « Rémy-Martin a fait un calcul purement mathématique qui ne tient pas compte de l’histoire. Ça fait plus de cinquante ans que nous sommes en contrat avec eux. Pendant toutes ces années, nous avons fait tout ce qui nous était demandé. Je vis cette décision comme un coup de couteau dans le dos. »

Le troisième poids lourd du marché derrière Hennessy et Martell traque les économies. Depuis mi-avril, il recourt à des mesures inédites de chômage partiel de trois mois, potentiellement renouvelables. Plombé par les surtaxes chinoises et des ajustements de stocks aux États-Unis, il enregistrait 20 % de chiffre d’affaires en moins en fin d’année dernière.

Suspens intenable

Toute la viticulture retient son souffle jusqu’au 1er juillet, date fixée par Donald Trump pour décider des taxes qu’il appliquera aux produits européens, et attend de savoir si la Chine maintiendra la surtaxe de 35 % sur le cognac. « Le pire n’est pas certain, mais il reste probable », redoute Paul Giraud.

« C’est le plus grand flou pour les viticulteurs. Nous continuons les travaux de la vigne, mais beaucoup se demandent à quoi bon », observe Anthony Brun, président de l’Union générale des viticulteurs du Cognac (UGVC). « On trouve des vignes qui ne sont toujours pas taillées, toujours pas attachées », illustre Paul Giraud.

« Nous sommes hyperinquiètes, reconnaissent Anne-Laure et Blandine Conte qui exploitent un vignoble de 35 ha et 150 ha de céréales à Chillac. Nous continuons de geler nos investissements. » Prudentes, ces deux sœurs ont très vite réduit leurs dépenses. Dès les premiers signes de ralentissement du marché, elles ont renoncé à construire un chai autour de 300 000 €. « Nous faisons attention à tout. Nous poussons le matériel jusqu’au bout », détaillent-elles. Pour compenser la baisse du rendement, elles ont arraché 1,4 ha de vignes, comptant récolter davantage sur le vignoble restant (voir encadré). Leurs contrats de vente avec Hennessy et Grand-Marnier (50 % de leur production) sont maintenus pour le moment. Leurs marchés à l’export en direct (Pays-Bas, Belgique, Australie et Japon) restent stables, « mais ça pourrait devenir plus difficile notamment au Japon. »

Des craintes pour l'emploi

De son côté, Christophe Fillioux se donne « une année de plus » pour bâtir son chai de vieillissement de 299 m2. « Les trois quarts de mes emprunts seront remboursés en 2026, explique-t-il. Après cela, j’espère qu’on aura plus de visibilité. » Paul Giraud, lui, va faire adapter un pulvé aux exigences de la certification environnementale cognac (CEC) plutôt qu’investir dans un appareil neuf. 15 000 € au lieu de 50 000 qu’« au temps où tout allait bien on aurait payé sans se poser la question ».

Désormais, les craintes portent sur l’emploi. À la tête du Château Montifaud, 160 ha de et 40 salariés, à Jarnac-Champagne, en Charente-Maritime, Laurent Vallet a fait le calcul : « Si c’est 200 % de taxes aux États-Unis, huit emplois seront clairement remis en cause. » L’Amérique du Nord représente 20 % de son chiffre d’affaires, soit environ 2 millions d’euros. « Nous sommes tous les jours en contact avec notre importateur, c’est un stress permanent, avoue Laurent Vallet. Nous avons consenti une baisse de prix de 5 à 6 % de nos prix aux USA pour avaler la hausse des taxes, et c’est déjà lourd. » Pour réduire ses charges, lui aussi a arraché des vignes : 4 ha cette année. « Je réfléchis à faire plus l’an prochain », déclare-t-il.

Paul Giraud, quant à lui, pourrait renoncer à l’une de ses fiertés : la vendange manuelle de 40 % de son vignoble pour économiser 30 000 €. « Si la situation dure, on devra malheureusement réduire encore la voilure », justifie-t-il. Ce vigneron n’en a aucune envie car ces vendanges mettent du beurre dans les épinards d’une trentaine de familles locales : la plupart de ses vendangeurs sont les conjointes de viticulteurs de Grande Champagne.  

VCCI : un premier pansement

Deux mois après sa présentation, le Volume compensateur cognac individualisé (VCCI) semble séduire les viticulteurs. Cet outil de régulation, qui accorde un rendement supérieur au rendement annuel à ceux qui arrachent des vignes pour maintenir leur niveau de récolte, « agit comme un pansement efficace », estime Christophe Fillioux, à Juillac-le-Coq. Après avoir arraché un demi-hectare cette année, il prévoit d’en supprimer encore 1,5 l’an prochain (soit au total environ 10 % de son vignoble) pour se concentrer sur des parcelles moins exigeantes en engrais et en soins. Cependant, les premiers arrachages restent modestes, le décret permettant le plein déploiement du VCCI n’étant paru que le 27 mars. « Ce n’est qu’à la déclaration d’affectation cet été que l’on saura vraiment combien l’ont adopté et pour quelle surface », précise Anthony Brun, président de l’Union générale des viticulteurs du Cognac (UGVC). Reste qu’il faudra très certainement des solutions plus radicales si les surtaxes américaines ou chinoises devaient s’installer durablement.

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