tudiée ce jeudi 6 mars en fin de la journée réservée au Mouvement Démocrate (MoDem), la proposition de loi visant à "instaurer un dispositif de sanction contraventionnelle pour prévenir le développement des vignes non cultivées" est adoptée sans un pli (83 voix sur 87 votants). Elle est rebaptisée au passage comme loi "visant à instaurer des sanctions adaptées et proportionnées pour prévenir le développement des vignes non cultivées" afin de mieux retranscrire sa portée selon son rapporteur et promoteur, le député Hubert Ott (Haut-Rhin, MoDem). L’élu alsacien défendant dans l’hémicycle une mesure d’urgence contre la prolifération de la flavescence dorée dans le vignoble* en adoptant une mesure-outil demandée par le vignoble (et notamment la Confédération Nationale des Vins AOC, la CNAOC).
« Les sanctions qui existent aujourd’hui paraissent totalement injustifiées et disproportionnées. La peine délictuelle, jusqu’à 6 mois de prison et 150 000 € d’amendes, […] n’est que rarement appliquée et suivi d’effet, donc quasi inopérante » explique Hubert Ott. Le rapporteur défendant un changement de logiciel avec une sanction plus graduée : « une infraction de cinquième classe, soit 1 500 € (3 000 € en cas de récidive), qui s’avérera dissuasive et réglera un grand nombre de situation. Pour les récalcitrants manifestes, une nouvelle mesure de police consistant à enjoindre le propriétaire à agir est créée. Si le propriétaire ne se conformait pas à l’injonction dans le délai laissé, il pourrait alors être passible d’une sanction de nature délictuelle. »


Une nouvelle approche qui semble faire consensus, des bancs du gouvernement à ceux des députés. La contravention permettra d’accélérer le traitement des dossiers, avec une réponse simplifiée par étapes : « injonction, contravention et éventuellement procédure pénale » résume la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, estimant qu’« il est impératif d’adapter notre arsenal juridique, à plus forte raison quand ces modifications nous sont instamment demandées par les filières et soutenues par l’État ». Pour le député Guillaume Lepers (Droite Républicaine, Lot-et-Garonne), il est bien « temps de changer de logique » et de « passer d’une approche punitive à une approche incitative. Ce texte ne cherche pas à sanctionner à tout prix, il vise à responsabiliser les propriétaires de vignes et à les encourager à adopter les bonnes pratiques de lutte » avec une « mesure intermédiaire plus juste, plus facilement applicable et plus dissuasive ».
Seules dissensions en vue, celles des députés de la gauche appelant à aller plus loin qu’une simple contravention pour lutter contre la flavescence dorée et à protéger les viticulteurs démunis. Contre la maladie de quarantaine, « la solution doit être collective, et à tous les échelons » avec des traitements à l’eau chaude généralisés en pépinière, des moyens humains supplémentaire pour la prospection et la détection des symptômes esquisse le député Sylvain Carrière (La France Insoumise, Hérault). « Imposer des contraventions ne sera pas la solution au problème qui est l’appauvrissement généralisé des petits viticulteurs, obligés de s’endetter toujours plus » lance l’élu languedocien, qui demande des prix garantis par l’État pour réinvestir dans les vignes et leurs emplois : « rendre attractive la profession fera revenir des agriculteurs aux champs et supprimera assez naturellement des vignes en friche. La carotte plutôt que le bâton. Nous voterons ce texte, sans conviction, en espérant que ce texte n’aggrave pas la situation des petits producteurs. »
« La veille sanitaire ne peut se résigner à des sanctions, surtout pour une filière en crise » plaide également la députée Pascale Got (Parti Socialiste, Gironde), pointant que « les raisons des vignes en friche sont diverses : souvent des abandons de fermage, des problèmes juridiques de succession, des réductions de taille de propriétés… » Regrettant que les amendements défendus et adoptés en commission pour que « la contravention soit le dernier recours (quand on a fait connaître les solutions existantes pour financer l’arrachage) » soient retirés dans l’hémicycle, la députée Mathilde Feld (LFI, Gironde) répète souhaiter que « la contravention ne devienne pas un fardeau » pour les plus démunis, notamment à Bordeaux. S’abstenant, la députée bordelaise pointe que dans un contexte de crise viticole, « cette proposition de loi avec un article unique paraît bien mince. Néanmoins elle répond aux attentes d’une partie de la filière (CNAOC, Organismes de Défense et de Gestion…). »


Au-delà du consensus sur l’évolution nécessaire de l’incitation à l’arrachage des friches viticoles, les débats se sont également accordés sur l’ampleur des difficultés frappant la filière vin. « Notre seul objectif, partagé ici sur tous les bancs est de permettre à nos vignobles de se défendre des menaces sanitaires qui, additionnées aux menaces économiques, commerciales, climatiques, sociales constituent un danger parfois mortelle » résume le député Maxime Michelet (Union de la Droite Républicaine, Marne), notant que « cette proposition de loi ne saurait suffire face aux autres défis » et proposant de « se libérer des excès et contraintes face aux maladies de la vigne » en appuyant la recherche : « pas d’interdiction sans solution, mais pas de solution sans R&D ».
« J’ai bien conscience de l’état dans lequel se trouve le vignoble aujourd’hui » réplique Hubert Ott, le rapporteur pointant que « la crise est multifactorielle et nécessite que l’on s’y penche profondément, sérieusement et sans doute collectivement pour travailler aux mesures nécessaires. » En attendant, ce premier texte doit « répondre à une situation précise que je qualifierai d’hémorragie de l’appauvrissement. Cette flavescence dorée contribue à rendre plus difficile le travail des viticulteurs face à la crise. »


Validant le diagnostic de crise multifactorielle (climatique avec les aléas croissants, commerciale avec la surproduction de vins rouges…), la ministre Annie Genevard défend l’action de l’État qui « a engagé près d’un milliard € pour la filière » (plans de distillation de crise, de stockage privé, d’aides après gel/grêle, de fonds d’urgence, d’arrachage définitif, de soutien des trésoreries…). En somme, « la viticulture fait l’objet de tous les soins du gouvernement ». Ce dernier a d’ailleurs activé la procédure accélérée (limitant à une lecture le texte à l’Assemblée et au Sénat), ce qui doit permettre de réduire la durée du processus législatif (de 18 à 4 mois en moyenne). La proposition de loi doit désormais être étudiée par le Sénat.
* : « Tous les efforts [contre la maladie de quarantaine] peuvent être réduits à néant par la présence de friches non cultivées. Les friches sont des foyers à cicadelles et favorisent d’autres maladies cryptogamiques (mildiou, black-rot…) » pointe Hubert Ott, citant les études de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV).